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DES FACULTÉS NATURELLES, III, vii.

d’aliments retenues dans les intervalles des dents et qui y ont séjourné toute une nuit. Le pain n’y est plus exactement du pain, ni la viande de la viande ; mais ces substances ont une odeur semblable à celle de la bouche. Du reste ils sont dissous, liquéfiés et présentent les qualités de la chair de l’animal. On peut mesurer l’étendue de l’altération des aliments dans la bouche, si l’on met du blé mâché sur des furoncles qui ne sont pas mûrs ; bientôt on verra ce blé changer les furoncles, les mûrir, résultat qu’on n’eût pas obtenu en le trempant simplement dans l’eau. Il ne faut pas s’en étonner ; en effet, l’humeur de la bouche (salive) sert de remède contre les dartres ; elle tue immédiatement les scorpions, et, quant aux nombreux animaux venimeux, il en est qui sont tués rapidement par cette humeur ; d’autres ne succombent que plus tard. Tous en sont gravement incommodés. Pour les aliments mâchés, d’abord ils ont été humectés et imbibés par cette humeur, puis ils ont été en communication avec la chair de la bouche. Ils ont donc éprouvé un plus grand changement que ceux qui ont pénétré dans le creux des dents. Mais autant les aliments mâchés ont été plus altérés que ceux-ci, autant les aliments avalés sont plus altérés que les aliments mâchés. En effet, on ne saurait comparer le degré de l’altération, quand on songe que dans l’estomac se trouvent le phlegme, la bile, le pneuma, la chaleur et toute la substance de l’estomac. Si l’on réfléchit encore que près de lui sont situés des viscères semblables à de nombreux foyers sous un grand chaudron[1], à droite le foie, à gauche la rate, en haut le cœur, et, avec lui, le diaphragme suspendu et toujours en mouvement, et, par-dessus tout cela, l’épiploon servant d’enveloppe, vous serez convaincus que l’altération des aliments descendus dans l’estomac est considérable. Comment pourraient-ils aisément se transformer en sang, s’ils n’y étaient préparés par un semblable changement ? En effet, nous avons démontré précédemment (I, x, xi) qu’aucune chose ne se change tout d’un coup en la qualité opposée. Or comment verrait-on se transformer en sang le pain, la bette, la fève ou quelqu’un des autres aliments, s’ils n’avaient d’abord éprouvé une altération différente ? Et comment l’excrément se formera-t-il immédiatement dans l’intestin

  1. Cf. Util. des parties, IV, viii ; t. I, p. 294 et la note 2.