Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (trad. Daremberg)/Tome I/V/4

Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales
Traduction par Charles Victor Daremberg.
Baillière (Ip. 278-334).
LIVRE QUATRIÈME.


des organes alimentaires et de leurs annexes.


Chapitre premier. — Galien commence l’énumération des diverses parties du canal intestinal et compare l’estomac d’abord à un grenier d’abondance, puis à un homme intelligent qui sépare le bon grain du mauvais.


Comme les diverses parties de l’animal doivent nécessairement être nourries, et qu’il n’existe qu’une voie, la bouche, pour l’introduction des aliments dans le corps, c’est avec raison que la nature a étendu à partir de cette cavité des routes nombreuses, dont les unes sont, pour ainsi dire, des chemins larges et communs de tous les aliments (canal intest.), et les autres d’étroits sentiers (vaisseaux) qui apportent la nourriture à chacune des parties[1].

La route commune la plus grande et la première conduit de la bouche à l’estomac (γαστήρ), lequel est comme le grenier général de toutes les parties, et situé au centre de l’animal. Le nom particulier de ce conduit est œsophage (οἰσοφάγος), son nom commun est canal étroit (στόμαχος)[2], car c’est la dénomination ordinaire d’un col étroit placé comme un isthme à l’entrée de toute cavité. Le réservoir qui reçoit d’abord tous les aliments, et qui est une œuvre vraiment divine et non humaine, leur fait subir une première élaboration sans laquelle ils seraient inutiles pour l’animal, et ne lui procureraient aucun avantage. Les gens habiles dans la préparation du blé le séparent des particules terreuses, des pierres et des graines sauvages qui pourraient nuire au corps ; tel l’estomac doué d’une faculté semblable, expulse tous les corps de cette espèce, s’il s’en rencontre, et tout ce qui reste d’utile à la nature de l’animal, après l’avoir rendu plus utile encore, il le distribue dans les veines qui arrivent sur ses propres parois (cf. chap. viii et xiii) et sur celles des intestins (cf. dans ce volume, Des habit., chap. ii, p. 102)[3].

Chapitre ii. — Comparaison des veines avec les portefaix qui transportent le blé du grenier à la boulangerie, et du foie avec une boulangerie. — Origine du nom de la veine porte. Comparaison des ouvrages et des soufflets automates de Vulcain avec les parties du corps.


Ces veines sont comme les portefaix des villes. Ceux-ci prennent le blé nettoyé dans le grenier et le portent à une des boulangeries communes de la cité, où il sera cuit et transformé en un aliment déjà utile : de même les veines conduisent la nourriture élaborée dans l’estomac à un lieu de coction commun à tout l’animal, lieu que nous appelons foie (ἧπαρ). La route qui y mène, coupée de nombreux sentiers, est unique. Elle a reçu d’un ancien habile, je pense, dans les choses de la nature[4], le nom de porte (πύλη sillon de la veine porte), qu’elle a gardé jusqu’à ce jour. C’est ce nom que lui donnent aussi Hippocrate[5], et tous les disciples d’Esculape, rendant hommage à la sagesse de leur devancier qui assimila l’économie animale à l’administration d’une cité.

De même qu’Homère[6], chante ces ouvrages (trépieds) automates de Vulcain[7], ces soufflets qui, sur un ordre du maître, lancent à l’instant leur souffle varié (c’est-à-dire tantôt plus faible, tantôt plus fort) et prompt à s’enflammer[8], et ces servantes d’or qui se meuvent spontanément comme l’artiste qui les a faites[9]: de même, figurez-vous que dans le corps de l’animal aucune partie ne demeure ni paresseuse, ni inactive. Toutes sont douées par le Créateur, non-seulement d’une structure convenable, mais aussi de puissances divines ; et les veines ne se bornent pas à mener l’aliment de l’estomac au foie, elles l’attirent et lui font subir une première préparation très-conforme à celle qui s’achève dans ce viscère, attendu qu’elles sont d’une nature voisine de la sienne et qu’elles tirent de lui leur première origine[10].


Chapitre iii. — Si l’estomac élimine des aliments les parties les plus grossières, le foie à son tour, quand il a reçu ces aliments, leur fait subir une seconde purification. — Comparaison de la formation du sang à la fabrication du vin.


Après que le foie a reçu l’aliment déjà préparé d’avance par ses serviteurs, et offrant, pour ainsi dire, une certaine ébauche et une image obscure du sang, il lui donne la dernière préparation nécessaire pour qu’il devienne sang parfait. L’estomac ayant éliminé les parties qui dans l’aliment nuisent au même titre que nuisent dans le blé les particules terreuses, les pierres, les graviers et les plantes sauvages, il reste encore des parties grossières analogues à la glume et au son du blé, lesquelles ont besoin d’une autre élimination; c’est le foie qui se charge de cette seconde opération.

Il vaudrait mieux, pour rendre l’image plus vive, comparer le suc (χυλόν) conduit par les veines de l’estomac dans le foie, non pas à des aliments secs, mais à une humeur liquide (χυμὸς ὑγρός), ayant déjà subi une coction et une élaboration préalables, et réclamant une coction plus complète. C’est un vin récemment exprimé des grappes, versé dans un tonneau, mais travaillant, déposant, bouillonnant et fermentant encore par sa chaleur naturelle ; la partie lourde et terreuse de son résidu, cette partie qu’on appelle, je pense, lie, est tombée au fond du vase, la partie légère et volatile surnage : cette partie s’appelle fleur, elle se montre particulièrement sur les vins ténus, de même que le dépôt est surtout considérable dans les vins plus épais. Pour suivre la comparaison que j’ai choisie, imaginez que le suc versé de l’estomac dans le foie, par suite de la chaleur du viscère, fermente et bouillonne comme le vin doux, et se transforme en un sang pur. Dans cette fermentation les éléments terreux et épais du résidu se déposent, tandis que les éléments ténus et légers surnagent comme une écume à la surface du sang.


Chapitre iv. — Heureuses dispositions prises par la nature pour la position de la vésicule biliaire et de la rate. — De la veine splénique.


C’est donc avec raison que la nature a préparé, en vue de ces résidus, des organes creux pour qu’ils puissent recevoir aisément, et pourvus aux deux côtés de la cavité de cols allongés en forme de canal (οἷον στομάχους), et propres, l’un à attirer le résidu, l’autre à l’expulser. Mais il fallait encore donner [à ces cols] une position convenable eu égard à la route que suit le résidu, et trouver pour les canaux un lieu d’insertion sur le foie en rapport avec cette position. C’est donc de cette façon que les choses paraissent, en effet, disposées ; car la nature a attaché au foie la vessie (vésicule biliaire) qui devait recevoir le résidu léger et jaune[11].

Quant à la rate qui tire à elle les matériaux épais et terreux, la nature eût bien voulu aussi la fixer vers ces portes, où le résidu atrabilaire devait être entraîné par son propre poids ; mais il n’y avait pas de place vacante, l’estomac s’étant hâté de l’occuper tout entière. Un large espace restant libre au côté gauche, elle y a logé la rate, et des parties concaves de ce viscère (scissure de la rate), tirant une espèce de conduit, qui est un vaisseau veineux (veine splénique), elle l’a étendu jusqu’aux portes (sillon de la veine porte)[12], de façon que le foie ne fût pas moins purifié que si la rate eût été placée près de lui, et qu’au lieu d’entraîner le résidu à travers un long canal, elle l’attirât par un canal très-court. L’humeur (χυμός) préparée dans le foie pour la nourriture de l’animal, quand elle a déposé les deux résidus mentionnés et subi une coction complète par la chaleur naturelle, remonte déjà rouge et pure à la partie convexe du foie, montrant par sa couleur qu’elle a reçu et qu’elle a assimilé à sa partie liquide une portion du feu divin, comme a dit Platon[13].

Chapitre v. — Comparaison de la veine cave à un aqueduc. — Utilité de la partie aqueuse du sang (sérum) ; elle sert de véhicule au sang proprement dit.


Cette humeur est alors reçue par une très-grande veine qui, née de la partie convexe du foie [par les veines hépatiques], se porte aux deux extrémités supérieure et inférieure de l’animal (veines caves)[14]. Vous diriez un aqueduc plein de sang, d’où s’échappent de nombreux canaux, les uns petits, les autres grands, qui se distribuent dans toutes les parties de l’animal. Dans cette veine, en effet, le sang est encore chargé d’une humidité (ὑγρότης) ténue et aqueuse, qu’Hippocrate appelle véhicule du sang[15], marquant son usage par cette seule dénomination. En effet, l’humeur provenant des aliments ne pouvait ni passer aisément de l’estomac dans les veines, ni traverser facilement les veines du foie si nombreuses et si étroites, si une humidité ténue et aqueuse ne se mêlait à lui, comme pour lui servir de véhicule. Telle est, pour les animaux, l’utilité [secondaire] de l’eau (cf. V, v-viii). Elle ne peut nourrir aucune partie de l’animal[16], mais l’humeur sortant de l’estomac ne pouvait se distribuer dans les veines que charriée ainsi au moyen d’un liquide.


Chapitre vi. — Les reins ont été créés pour attirer et expulser au dehors l’humeur aqueuse, véhicule du sang proprement dit, et pour décharger ainsi la veine cave d’une humidité inutile (cf. V, v-viii). — La chaleur du foie, et celle plus intense du cœur, rendent le sang coulant ; par conséquent, cette humidité devient inutile, une fois que le sang est arrivé du foie à la veine cave.


Ces humeurs ténues, leur fonction accomplie, ne doivent plus demeurer dans le corps, attendu qu’elles deviendraient pour les veines un fardeau étranger. C’est pour les en décharger qu’existent les reins, organes creux qui attirent par des canaux, et qui expulsent, par d’autres, ce résidu ténu et aqueux. Ils sont situés aux deux cotés de la veine cave (que tout à l’heure nous appelions une très-grande veine), un peu au-dessous du foie, afin que tout le sang qui y afflue se purifie à l’instant, et que, pur désormais, il pénètre dans tout le corps, n’entraînant plus avec lui que très-peu d’humidité aqueuse ; car, pour couler, il n’a plus besoin maintenant d’une quantité considérable de ce véhicule, puisqu’il chemine sur de grandes routes, et qu’il est déjà devenu coulant en fondant d’abord à la chaleur du foie, et plus tard à celle du cœur[17], laquelle est beaucoup plus intense, attendu que chez l’homme et chez tous les quadrupèdes la veine cave aboutit à la cavité (ventricule) droite (voy. VI, iv) ; mais chez les animaux dépourvus de cette cavité, les veines du corps entier participent à la chaleur du cœur en s’anastomosant avec les artères (cf. VI, xvii), tous ces points ont été traités ailleurs[18]. Maintenant (nous l’avons déclaré dès le commencement de ce livre) notre but n’est pas d’exposer les fonctions, mais comme on ne peut découvrir l’utilité des parties quand les fonctions sont inconnues (voy. liv. I, chap. viii et xvi), après avoir rappelé les fonctions, nous passerons immédiatement aux utilités, en commençant par l’estomac.


Chapitre vii. — Des quatre facultés de l’estomac. — Comparaison du mode d’alimentation des animaux et des végétaux. — Que l’estomac est la seule partie du corps qui soit par elle-même le siège de l’appétit. — De la sagesse de la nature dans les dispositions qu’elle a prises pour trouver à l’estomac la place la plus convenable. — De la forme de ce viscère et de ses prolongements. — Usage de la substance glanduleuse qui se trouve chez beaucoup d’animaux à l’orifice pylorique de l’estomac. — Des mouvements de rétention et d’expulsion de l’estomac ; état des deux orifices pendant ces mouvements. — Dans quel rapport sont avec l’estomac les prolongements supérieurs et inférieurs.


L’estomac possède une faculté attractive, des qualités qui lui sont propres, comme cela est démontré dans l’ouvrage Sur les facultés naturelles (III, vi) ; il retient les matériaux qu’il reçoit (faculté rétentive), expulse les résidus (faculté expulsive), et avant tout il les transforme (faculté transformatrice ou assimilatrice) ; c’est à cause de cette dernière faculté qu’il avait besoin des premières. Toutes les autres parties du corps, bien qu’elles soient douées des mêmes facultés, n’ont cependant pas reçu de la nature le sentiment du besoin, mais elles se nourrissent comme les plantes, puisant perpétuellement leur nourriture dans les veines. L’estomac seul, et surtout les parties qui constituent son orifice (cardia), ressentent naturellement ce besoin qui pousse, qui excite l’animal à prendre de la nourriture[19]. La nature a agi en cela raisonnablement. En effet, toutes les parties du corps tirant leur nourriture des veines qui naissent de la veine cave, celle-ci, à son tour, la puisant dans les veines du foie, de leur côté ces veines l’empruntant aux veines qui vont aux portes du foie, celles-ci la prenant à l’estomac et aux intestins[20], enfin, aucune partie ne pouvant la fournir à l’estomac, l’animal devait remplir ce viscère de matériaux tirés du dehors, et c’est en cela qu’il diffère déjà des plantes.

Les plantes, quoiqu’elles soient certainement douées comme les animaux des quatre facultés énumérées un peu plus haut, n’ont pas le sentiment du besoin ; car elles ne devaient pas se nourrir à l’aide d’une bouche, puisque la terre à laquelle elles sont fixées et enchaînées est pour elles un réservoir inépuisable, où elles trouvent abondamment des aliments toujours renaissants[21].

La substance même des animaux, outre qu’elle n’a aucune affinité avec la terre par les propriétés inhérentes à ses parties, est douée du mouvement volontaire et de la faculté de passer d’une région dans une autre, et de changer de place ; de telle sorte que pour ces deux raisons, il était impossible aux animaux de puiser comme les plantes l’humeur nutritive dans la terre. En conséquence, ils ont été obligés, chacun eu égard à leur diversité de nature, de se nourrir d’herbes, de graines, de fruits ou de la chair d’autres animaux, et de prendre ces aliments au moment où l’estomac en éprouve le besoin.

Mais aucune partie de l’animal n’éprouve par elle-même ce sentiment inné ; cela a été démontré ailleurs[22]. Cette propriété devait donc émaner d’une source étrangère, et arriver, pour ainsi dire, à l’estomac à travers certains conduits (nerfs), en partant du principe commun de la sensation. Une paire de nerfs assez grands (pneumo-gastriques) descend donc à l’estomac, s’y divise, enlace spécialement l’orifice et les parties contiguës, et se ramifie sur le reste de ce viscère jusqu’à son extrémité inférieure.

L’estomac ne suit pas immédiatement la bouche, bien qu’il ait besoin d’elle pour recevoir les aliments ; mais la nature a placé d’abord[23] la partie qu’on appelle thorax et les viscères qu’il renferme, et cela afin que l’estomac eût à sa partie inférieure des voies d’écoulement pour le résidu des aliments, que tour à tour le thorax aspirant et expulsant l’air à travers la bouche, il devînt l’artisan de la voix et de la respiration. Il sera parlé plus au long, dans les livres suivants (VIe, VIIe et VIIIe), du thorax et des viscères qu’il renferme ; mais revenons à l’estomac : ce n’est pas seulement pour l’avoir établi au-dessous du thorax que la nature mérite des éloges ; elle en mérite bien plus encore pour l’avoir placé, non pas exactement au centre, entre les parties droites et gauches de l’animal, mais plutôt du côté gauche. En effet, comme elle devait le flanquer de deux viscères (le foie et la rate), qui ne sont égaux ni pour la grandeur, ni pour l’importance, elle a donné au plus grand et au plus important des deux une place à la fois plus grande et plus noble, et l’a établi au côté droit ; quant au second, comme il n’est qu’un émonctoire (ἐκμαγεῖον) de l’autre, elle l’a étendu au côté gauche de l’estomac. Le foie occupant une position élevée de manière à toucher le diaphragme, et la rate une position inférieure pour la cause indiquée plus haut (voy. chap. iv), la nature, avec raison, a dirigé vers la droite le fond de l’estomac, autrement cette place eût été inoccupée et complétement vide, le foie n’y parvenant pas. Telle a été la prévoyance qui a présidé à la disposition des trois organes : le foie, la rate et l’estomac. Telle est maintenant celle qui a ordonné leur figure, leur conformation générale, et de plus leur contexture et leur union avec les parties voisines :

L’estomac ayant été créé dans le but de recevoir les aliments et devant occuper tout l’espace situé entre le foie et la rate, présente avec raison une forme ronde et allongée. Il est sphérique, attendu que cette figure est la moins exposée aux lésions et offre la plus grande capacité ; car de toutes les figures qui ont le même périmètre, les plus grandes sont le cercle parmi les figures planes, et la sphère parmi les solides ; il est allongé, parce qu’à sa partie inférieure il a un prolongement vers les intestins (duodénum), et qu’à sa partie supérieure il s’avance lui-même vers l’œsophage ; là où il rencontre les vertèbres, il se moule sur ces parties, et la régularité de sa convexité est altérée. Chez l’homme, le fond de l’estomac est plus large que son orifice, parce qu’il tend vers le bas, l’homme étant le seul animal qui jouisse de la station droite (voy. III, i, ii, iii). Chez les autres animaux, l’estomac incline en avant vers l’hypocondre qui, chez eux, est placé à la partie inférieure. — Voici un procédé qui vous rendra toute sa figure évidente : Supposez une sphère parfaite, représentez-vous-la aussitôt un peu élargie à sa partie inférieure, puis donnez-lui deux prolongements : l’un plus large, celui qui est du côté de l’œsophage ; l’autre plus étroit, celui qui se porte en bas ; ensuite comprimez cette sphère, déprimez sa convexité postérieure, et vous aurez sous les yeux la figure complète de l’estomac. Le reste est clair.

Mais quel est le motif de la différence que présentent les prolongements ? car, à l’extrémité supérieure, là où l’estomac lui-même est étroit, l’œsophage s’élargit, et à l’extrémité inférieure, là où l’estomac est large, le prolongement (duodénum)[24], qui se dirige vers les intestins, offre le plus d’étroitesse. N’est-ce pas pour les motifs suivants ? Les animaux avalent parfois des aliments non broyés, durs et volumineux qui, pour pénétrer, exigent qu’une large voie leur soit ouverte à travers l’œsophage ; au contraire, par la partie inférieure, rien ne doit passer qui soit gros, dur, non réduit en liquide et non soumis à la coction, et l’orifice étroit du duodénum est comme un portier (πυλωρός) équitable qui n’accorde un passage facile vers le bas à aucune particule alimentaire, si elle n’a été liquéfiée et cuite.

Chez beaucoup d’animaux il existe en cet endroit une substance d’apparence glanduleuse[25] qui augmente l’étroitesse du passage, surtout quand l’estomac, en vertu de sa faculté rétentrice, se ramasse de toutes parts, opère des mouvements péristaltiques, et se replie en spirale sur son contenu pour en opérer la coction. Alors l’un et l’autre canal se resserre au plus haut degré, et se ferme ; au contraire, quand agit la faculté qu’on appelle expulsive, tandis que tout le reste se rétrécit, se resserre et se contracte, l’estomac laisse le passage libre aux matériaux qui doivent être expulsés.

Ces actes de l’estomac décrits par nous dans d’autres livres (Des facultés naturelles, III, iv et suiv.) paraissent être dans un rapport admirable avec sa structure. Considérez, en outre, d’une part l’élargissement progressif de l’estomac à partir de l’insertion de l’œsophage, d’où il résulte clairement que l’œsophage n’est que le prolongement de ce viscère ; et de l’autre la naissance, non pas lente mais immédiate, de l’intestin à partir du fond de l’estomac, de sorte qu’il n’en est pas une partie constituante, mais que c’est une partie étrangère adjacente (voy. p. 289, note 1).


Chapitre viii. — Comparaison de la structure des tuniques de l’estomac, de l’œsophage et des intestins ; raisons des différences qu’elles présentent dans ces diverses parties. — Le foie entoure l’estomac pour échauffer le viscère, qui doit à son tour échauffer les aliments.


De plus, la nature des tuniques de l’estomac et de l’œsophage est semblable, mais celle des intestins est différente[26]. La tunique interne de l’estomac et de l’œsophage, qui est surtout membraneuse, a des fibres longitudinales qui se portent de haut en bas ; la tunique externe, qui est surtout charnue, a des fibres obliques semblables à celles que possèdent les deux tuniques intestinales. Cela est juste : en effet, l’estomac devait attirer à lui, à travers l’œsophage, les aliments et les boissons, en les entraînant au moyen de ces fibres droites comme avec des mains ; il devait les expulser au moyen des fibres transverses. Quant aux intestins, comme ils n’avaient en aucune façon besoin de la faculté attractive, ils ne possèdent que les fibres propres à l’expulsion. De plus, il y a continuité dans la tunique interne de l’estomac, de l’œsophage et de toutes les parties de la bouche. Ces dispositions étaient, en effet, une des conditions les plus favorables à l’attraction (déglutition) des aliments contenus dans la bouche, et à la dépression de la langue, en même temps que des muscles situés près des amygdales ; relevé par la tension simultanée de toutes ces parties, et venant à la rencontre de l’épiglotte, le larynx est bouché par elle, ce qui prévient la chute précipitée des liquides dans le poumon (cf. surtout VII, xvi, et la note correspondante).

Pourquoi le tissu de ces organes est-il plus dur et plus serré que celui des intestins ? C’est que les intestins n’ont d’autre office que de distribuer l’aliment cuit, tandis que l’estomac, l’œsophage et la bouche sont créés pour être résistants. Souvent, en effet, nous avalons des choses dures, volumineuses et rugueuses, qui meurtriraient et écorcheraient les parties, si leur tissu n’était pas dur et serré. C’est pour la même raison que cette tunique, commune à la bouche, à l’œsophage, à l’estomac, se raréfie et se ramollit peu à peu en avançant vers le fond de la cavité ; en sorte que cette dernière partie comparée à la bouche vous paraîtra beaucoup plus molle[27]. Le premier organe auquel se présentent des aliments qui n’ont encore subi aucune élaboration, devait naturellement offrir la plus grande résistance. C’est pour cette raison encore que des veines aboutissent en grand nombre à chacun des intestins, et en petit nombre à l’extrémité inférieure de l’estomac et à la bouche, et qu’elles sont à peine visibles à l’œsophage ; car ce dernier ne devait être que le canal des aliments, tandis que l’estomac est l’organe de la coction et que l’intestin est celui de leur distribution. Là où devait uniquement s’opérer la coction des aliments, il convenait que les tuniques ne fussent percées que d’un très-petit nombre de veines pour absorber ce qui pouvait déjà servir à l’animal ; tandis que les aliments complètement élaborés exigent la plus prompte distribution. Le conduit des aliments (œsophage) ne réclamait que les veines indispensables à sa propre nourriture. C’est donc avec raison que très-peu de veines lui sont attribuées en partage ; l’estomac (κοιλία) en a une quantité moyenne, et l’intestin en est abondamment pourvu.

Mais pourquoi l’estomac est-il entouré par le foie ? Est-ce pour être échauffé par lui, et pour que lui-même échauffe les aliments ? C’est, en effet, pour cela que le foie avec ses lobes, comme avec des doigts, embrasse exactement l’estomac[28]. Le nombre de ces lobes n’est pas le même chez tous les animaux, car l’estomac n’a exactement chez tous ni la même forme ni la même grandeur. De plus, comme à sa gauche s’étend la rate, qui a une longueur considérable, il est aussi réchauffé de ce côté par ce viscère. En arrière se trouvent l’épine et les muscles appelés épineux (rachidiens, ῥαχῖται[29]) : celle-ci semblable à un rempart résistant ; ceux-là, comparables à un coussin mollet dont le tissu graisseux réchauffe l’estomac ; toutes les parties qui viennent d’être énumérées ont donc été créées en vue d’une utilité particulière. L’industrieuse nature les a établies près de l’estomac comme des foyers de chaleur[30].


Chapitre ix. — L’épiploon (Galien décrit surtout l’épiploon gastro-colique, bien qu’il semble confondre en un seul cet épiploon et le gastro-hépatique, voy. chap. ix initio, et la Dissertation sur l’anatomie) a été créé pour contribuer à échauffer l’estomac ; cela est démontré par la structure de cette membrane, et par les faits pathologiques (ablation partielle ou presque totale de l’épiploon). — De l’étendue comparative de l’épiploon chez l’homme et chez les animaux. — Divers usages et structure du péritoine. — Est-ce une tunique ou une membrane ?


Du reste, la face antérieure de l’estomac n’offrait aucune partie disposée dans un but d’utilité particulière qui pût servir à cet usage (c’est-à-dire à le réchauffer) ; aussi la nature, dans le but même d’accroître la chaleur de l’estomac (cf. IV, xi), n’a pas hésité à créer à sa partie antérieure, pour l’en revêtir complétement, un corps d’une substance à la fois dense, légère et chaude (épiploon) : dense, pour retenir intérieurement la chaleur naturelle ; légère, pour échauffer sans nuire et sans comprimer ; chaude (ceci n’a pas besoin d’explication), parce qu’elle était créée précisément pour échauffer. Une substance à la fois légère et dense devait être nécessairement membraneuse ; peut-on trouver, en effet, dans l’animal une autre partie plus légère et plus dense ? Pour être chaude, elle doit être pourvue de nombreux vaisseaux, veines et artères, et enveloppée d’une graisse abondante. Qu’elle soit une substance chaude, c’est ce qu’indique la sensation à ceux qui en emploient la graisse en guise d’huile ; cela n’est pas moins prouvé par la facilité avec laquelle elle prend feu, circonstance qui démontre quelle affinité elle a par nature avec la flamme ; car rien de ce qui est froid ne brûle aisément.

Vous reconnaissez déjà par ce que je viens de dire la membrane appelée épiploon (ἐπίπλοον[31], épiploon gastro-colique, et épipl. gastro-hépatique), composée de deux tuniques superposées, denses et minces, d’artères et de veines nombreuses et d’une graisse abondante. Vous reconnaîtrez manifestement que cette membrane est faite pour échauffer, si vous considérez les personnes blessées à l’épigastre, et chez qui une partie de l’épiploon s’étant échappée par la blessure et devenant livide, il y a nécessité pour les médecins d’opérer l’ablation de la partie affectée. Tous ces blessés sentent leur estomac refroidi, ils digèrent moins bien et ont besoin d’être plus couverts, surtout quand la partie enlevée est d’une étendue notable. Nous-même avons fait une ablation presque complète de l’épiploon à un gladiateur blessé dans cette région. L’homme guérit promptement, mais il était devenu si sensible, si impressionnable au froid extérieur, qu’il ne pouvait endurer d’avoir le ventre (κοιλία) découvert, et qu’il l’enveloppait constamment de laine[32] ; cet homme était naturellement maigre de tout le corps et particulièrement du ventre (γαστήρ), ce qui le prédisposait, je crois, à se refroidir promptement.

Pourquoi dans l’homme cette partie se prolonge-t-elle au point de couvrir tous les intestins ? Est-ce parce que chez lui la coction s’opère très-difficilement ; que la peau extérieure est très-molle, dépourvue de poils et très-susceptible ? Chez les autres animaux, l’épiploon ne couvre pas non plus l’estomac seulement, mais il s’étend sur les intestins plus ou moins, selon la nature de chacun d’eux[33].

J’aurai exposé presque tout ce qui regarde l’estomac, si je dis en outre quels sont les ligaments qui unissent ce viscère à l’épine, et quelle est l’origine de l’épiploon ; car l’estomac devait être fixé solidement, et l’épiploon ne pouvait pas prendre son origine au hasard. Le Créateur paraît avoir employé merveilleusement le péritoine (περιτόναιον) à ce double usage ; mais il est nécessaire de dire auparavant quelle est la nature de ce péritoine dont le Créateur s’est servi convenablement pour les usages susdits, et de quelle utilité il peut être aux animaux. Quant à sa substance, le péritoine est un corps membraneux[34] ; ses utilités chez les animaux sont nombreuses : d’abord, il sert d’enveloppe aux parties qu’il recouvre, savoir : l’estomac, les intestins et les autres viscères situés au-dessous du diaphragme (φρένες) ; puis il sert comme de barrière (ὡς διαφράγματος) entre ces divers viscères et les muscles placés à la partie externe ; ensuite il accélère la descente du résidu des aliments secs ; il prévient encore le développement trop facile des vents dans les intestins et dans l’estomac ; enfin, il sert à relier toutes les parties placées au-dessous du diaphragme et à recouvrir chacune d’elles d’une espèce de peau.

La première utilité est assez médiocre, les parties recouvertes par le péritoine étant suffisamment protégées par les corps extérieurs (parois abdominales) qui reposent sur elles. Là, en effet, se trouvent des muscles forts, pourvus d’une graisse abondante, et une peau épaisse. Toutes les autres utilités sont dignes de considération ; quelques-unes même sont tout à fait importantes et d’un grand intérêt pour les animaux. Voici donc quelle est son utilité comme barrière. Des muscles nombreux et forts étant disposés sur l’abdomen pour aider à la voix, à l’exsuffiation[35], à l’évacuation des fèces et de l’urine, ainsi qu’il a été montré ailleurs (Manuel des dissect., VI, xiv ; Facultés naturelles, III, iii, Des causes de la respiration), et ainsi qu’il sera dit dans les livres suivants (V, xiv-xv), il pouvait se glisser, dans les intervalles qui les séparent, quelques-uns des intestins grêles qui comprimant et comprimés, resserrant et resserrés, causant de la douleur et en éprouvant auraient contrarié le mouvement de ces muscles et contribué à ralentir eux-mêmes la sortie des excréments. On peut apprendre par les personnes blessées au péritoine et mal traitées, combien elles sont sujettes aux affections susdites. Dans l’état actuel le péritoine formant une enveloppe générale, rien ne contrarie les mouvements, et la position mutuelle des parties garantit de la compression et les muscles placés en dehors, et tout ce qui est à l’intérieur, non-seulement les intestins, mais encore les viscères.

Il est une autre utilité de l’enveloppe appelée péritoine : s’étendant exactement sur toutes les parties internes (c’est de là que lui vient son nom[36]), touchant par ses extrémités supérieures au sternum, aux fausses côtes, rencontrant la face oblique du diaphragme[37], il aide au mouvement péristaltique (περισταλτικὴ κίνησις[38]) de l’estomac et des intestins qui opère, disions-nous, la défécation (chap. vii). Le péritoine et le diaphragme (cf. V, xiv, et surtout xv), comme deux mains, unis en haut et séparés en bas, compriment et serrent les viscères intermédiaires, et poussent les excréments vers le bas, de telle sorte que si le péritoine eût été uni à sa partie inférieure avec un autre muscle de la nature du diaphragme et en eût été séparé à la partie supérieure, ce mouvement péristaltique opéré par les fibres transverses dont nous parlions tout à l’heure (chap. viii) aurait chassé les aliments autant vers le haut que vers le bas.

Ce n’est donc pas un mince service que rend le péritoine, qu’on l’appelle tunique, membrane, ou enveloppe[39], ou de tout autre nom que s’amusera à forger quelqu’un de ces gens qui passent leur vie entière à se disputer sur les mots. En effet les uns réservent ce nom de tuniques (χιτών) aux enveloppes composées (σύνθετα), les autres aux enveloppes épaisses. Il en est qui leur refusent cette dénomination si elles ne sont par nature à la fois composées et épaisses. On dispute de la même façon au sujet des membranes (ὑμήν). Pour ceux-ci il suffit qu’elles soient simples, pour ceux-là qu’elles soient minces. Les autres veulent, pour leur donner ce nom, trouver réunis ces deux caractères, et si l’enveloppe n’est pas à la fois mince et simple, ils ne croient pas devoir l’appeler membrane. Les anciens appelaient tuniques, membranes, méninges (μήνιγξ[40]) et ces parties et toutes les autres de nature semblable ; à leur exemple nous nous abstiendrons d’un vain bavardage sur les noms, et nous poursuivrons notre discours.

Voici la quatrième utilité de l’enveloppe appelée péritoine : en embrassant exactement et en comprimant tous les viscères abdominaux, il prévient dans ces viscères la naissance trop facile des vents. Ces viscères sont aidés eux-mêmes par leur faculté propre ; en l’exerçant, comme il a été démontré ailleurs (Des facultés naturelles, III, iv), ils se replient sur leur contenu en opérant un mouvement péristaltique et le compriment de tous côtés. Le péritoine n’est pas non plus d’un médiocre secours, lorsque ces viscères étant trop faibles, trop débiles pour se replier aisément sur les aliments quels qu’ils soient, se remplissent dé vents et de sapeurs flatulentes, d’où résulte nécessairement un défaut de coction des aliments, et un retard dans leur distribution. Au contraire, grâce à la vigueur des parties, et à la compression péristaltique qu’exercent l’estomac, les intestins et le péritoine, les aliments ingérés fussent-ils flatulents au plus haut degré, se digèrent et se distribuent aisément. En effet, l’éructation dissipe en partie les vents, et ils sont en partie chassés par le bas, et tout ce qu’ils renferment de vapeurs utiles est pris par les veines. Telles sont donc toutes les différentes utilités du péritoine.


Chapitre x. — Manière dont le péritoine se comporte avec les viscères abdominaux. — Pourquoi le péritoine est-il plus épais au niveau de l’estomac que dans le reste de son étendue.


Comment le péritoine relie-t-il et enveloppe-t-il chacun des organes placés sous le thorax. C’est ce qu’il nous reste à dire pour entrer d’une certaine façon en matière. Il s’étend uniformément sur la face antérieure de tous ces organes ; de là il descend à droite et à gauche par les fosses iliaques jusqu’aux vertèbres lombaires, de telle sorte qu’il enveloppe chacun des intestins et des viscères, toutes les artères, les veines et tous les nerfs. Quant à ses deux extrémités supérieure et inférieure, la première s’unit à la face inférieure du diaphragme, la seconde s’attache aux os appelés os du pubis (ἥβης ὀστοῗς) et aux os des iles (τοῗς τῶν λαγόνων). Il en résulte donc que parmi les organes situés à ces deux points extrêmes, l’estomac et le foie qui occupent la région supérieure sont enveloppés par la portion du péritoine qui s’insère au diaphragme, tandis que ceux qui sont placés à la partie inférieure, comme la vessie et les intestins, ont pour enveloppe la portion insérée à l’os du pubis. Je parlerai plus tard des autres organes (voy. livres V et XIV). La portion venant du diaphragme et qui s’insère extérieurement à l’orifice de l’estomac, s’unit aux parties qui montent de chaque côté de l’épine. C’est l’origine de la troisième tunique (tunique séreuse fournie par le péritoine) qui enveloppe tout l’estomac extérieurement, et qui est donnée par la nature comme enveloppe, comme rempart à la seconde tunique, laquelle est charnue (voy. chap. viii), et comme ligament de l’estomac entier avec les corps voisins de l’épine.

Cette tunique vous paraîtra épaisse, bien que tous les autres prolongements du péritoine qui se dirigent vers les organes de la nutrition, soient minces. Mais comme l’estomac est une partie considérable, éprouvant de très-grandes distensions par l’accumulation des aliments solides et liquides, il avait précisément besoin d’enveloppes et de ligaments très-forts[41].


Chapitre xi. — De l’origine de l’épiploon sur la courbure de l’estomac. Il soutient les vaisseaux artériels et veineux qui, à la partie supérieure de l’abdomen, partent de l’aorte et de la veine-cave inférieure. — Attaches de cette membrane aux différents viscères abdominaux.


Mais pour revenir au point dont je me suis écarté, la nature a établi le péritoine de manière qu’il soit très-peu exposé aux lésions, et très-propre à donner naissance à l’épiploon.

Les parties du péritoine qui remontent de chaque coté à partir de l’épine, se rencontrant à la partie la plus recourbée et la plus élevée de l’estomac, et y trouvant une grande artère et une veine qui s’étend dans sa longueur, toute cette région donne naissance à l’épiploon, qui déjà possède ainsi tout ce qui lui estnécessaire[42]. En effet, c’est dans cette région que sont la grande artère et la grande veine, deux portions du péritoine et la partie de l’estomac qui a besoin de chaleur[43]. La nature en cet endroit, faisant naître de chacun des grands vaisseaux (voy. note 2) un nombre considérable de veines et d’artères, a prolongé en même temps les deux portions du péritoine qui enveloppent et relient la partie des vaisseaux qui les avoisine[44]. La région située entre les vaisseaux est tapissée des portions du péritoine qui se repliant l’une sur l’autre en façon de feuillets, y accumulent une quantité considérable de graisse qui fournit de la chaleur à l’estomac, lubrifie les membranes, et en l’absence d’aliments entretient la chaleur naturelle[45].

Si donc pour les motifs énoncés il était bon que l’épiploon fût placé et surnageât pour ainsi dire sur l’estomac (c’est de là qu’il tire son nom[46]), il ne fallait pas d’un autre côté que, détaché complétement des autres parties, il se balançât au-dessus d’elles. Se repliant trop aisément il se serait enroulé, contourné à plusieurs reprises sur lui-même, et n’aurait plus couvert certaines des parties qui ont besoin de protection. C’est pourquoi la nature l’a attaché à la rate (épipl. gastro-splénique), et à la glande appelée pancréas[47]. De là encore vient qu’il envoie un prolongement à l’intestin grêle, au mesentère[48], au colon[49] et aux parties recourbées de l’estomac. Si la nature avait voulu seulement attacher l’épiploon à chacun des organes précités, il suffisait d’y insérer sa membrane sans y ajouter des vaisseaux ; mais portant plus loin sa prévoyance, elle a, par des vaisseaux, préparé entre ces organes des relations dont l’utilité sera démontrée en temps opportun.

Chapitre xii. — Principes qui doivent présider à la recherche des fonctions du foie. — Le foie est l’origine des veines et le principe de la sanguification. Quelles sont les parties qui dans le foie fournissent cette origine et constituent ce principe ? Le parenchyme même de cette partie. — Faits et raisonnements qui le démontrent.


C’est maintenant le moment convenable de passer au foie en rappelant tout d’abord les principes établis dans d’autres traités (Des Dogmes d’Hipp. et de Platon, VI, viii, t. V, p. 568, suiv. — Cf. aussi Utilité des Parties, I, xiii), principes utiles non pas seulement à notre but actuel, mais à toute la suite de notre discours. Nous avons dit qu’à l’égard des parties (μόρια) composées du corps auxquelles est confiée quelque fonction, et que nous nommons organes (ὄργανα), il faut, à l’aide des dissections, examiner quelle est la partie qui ne se rencontre pas ailleurs dans tout le corps, et se persuader que dans l’organe entier c’est elle qui est le principe de l’action spéciale, tandis que les autres parties ont des usages communs. Il en est ainsi du foie que nous tenons pour être le principe des veines et le premier instrument de la sanguification. C’est ce que nous avons démontré ailleurs[50].

Recherchons quelle est cette partie même qui est à la fois le principe des veines et la cause de la génération du sang. Il n’est pas possible en effet d’attribuer ce résultat ni aux artères, ni aux veines, ni aux nerfs (car ces parties sont communes à tout le corps), ni à la membrane extérieure placée sur le foie, et que tout à l’heure nous disions venir du péritoine (chap. x.). Si ces parties n’y sont pour rien, il nous reste à examiner les conduits de la bile, et ce qui est comme la chair du foie. L’un ou l’autre, ou tous deux sont-ils les principes de la fonction spéciale de l’organe ? Quant aux conduits de la bile, ne serait-il pas ridicule de les supposer l’organe de la sanguification ou de voir en eux l’origine des veines ? Ces conduits, en effet, naissant de la vessie (κύστις, vésicule biliaire) attachée au foie, et appelée réservoir biliaire (χοληδόκος), présentent une nature identique à celle de cette vésicule et contiennent de la bile, non du sang. On les trouve non pas seulement dans le foie, mais hors du foie ; je citerai celui qui se rend dans l’intestin (canal cholédoque), et ceux qui aboutissent à la vésicule même (canaux hépatiques)[51], laquelle n’est certes pas non plus une partie du foie. Chez certains animaux mêmes, on ne trouve pas trace de vésicule, les conduits seuls portent directement la bile du foie à l’intestin grêle[52].

Il ne reste donc que la chair du foie[53], autrement dit la substance même du viscère, qu’on puisse regarder comme le premier organe de la sanguification et le principe des veines. En examinant sa nature, on voit manifestement qu’elle est analogue à celle du sang. Si vous vous représentez du sang desséché et épaissi par la chaleur, vous ne verrez rien autre chose se produire que la chair du foie[54]. L’état des parties vient encore à l’appui de ce fait souvent démontré dans d’autres écrits[55], à savoir que chacune des parties qui altèrent l’aliment a pour but et pour fin de s’assimiler l’aliment altéré. — Si vous vous figurez le liquide (χυλόν) pris à l’estomac, modifié par la chair du foie, et transformé rapidement en sa propre nature, vous le trouverez nécessairement plus épais et plus rouge qu’il ne doit être quand il n’a pas encore été complètement assimilé à la substance du foie. En effet, j’ai aussi prouvé (Facultés nat., I, x) qu’aucune chose ne peut prendre des qualités opposées, ou du moins très-différentes, sans avoir d’abord passé par les degrés intermédiaires. Si donc la chair du foie a pour but de s’assimiler la nourriture, cette assimilation ne pouvant s’opérer rapidement, le sang constituera l’intermédiaire, et sera autant inférieur à la chair du foie qu’il est supérieur à l’humeur (χυμός) élaborée dans l’estomac. Ceci a été démontré ailleurs plus en détail (De l’utilité du pouls). Ces considérations suffisent maintenant pour instruire de l’utilité des parties.

La chair du foie, qui est sa substance même, est le premier organe de la sanguification et le principe des veines. C’est pour cela que les veines de l’estomac et de tous les intestins ont une certaine faculté formatrice du sang, en vertu de laquelle l’humeur (χυμός) provenant des aliments s’hématose déjà par l’action des veines avant de pénétrer dans le foie. Les conduits venant de la vésicule biliaire (canaux cystique et cholédoque) ont évidemment pour fonction de séparer la bile. La membrane [péritonéale] extérieure est pour le foie une sorte de peau. Un nerf (plexus hépatique) vient s’y insérer afin que le viscère ne soit pas complétement dépourvu de sensibilité, comme aussi une artère (artère hépatique) pour maintenir la chaleur naturelle dans un degré moyen : c’est ce que nous avons démontré dans le livre Sur l’utilité du pouls. Avons-nous donc parcouru toutes les parties du foie ou en reste-t-il quelqu’une à décrire ? Il n’en reste pas une. Tout est compris dans notre énumération, veines, artères, nerfs, substance propre du foie, conduits de la bile, membrane recouvrant le tout.


Chapitre xiii. — Série des problèmes qu’on doit savoir résoudre pour bien juger de l’utilité du foie. — Il ne suffit pas de connaître l’utilité d’une partie, il faut approfondir celle de toutes les parties, en tenant compte de toutes les circonstances anatomiques essentielles ou accessoires. — Galien résout successivement les problèmes qu’il s’est posés, et attaque en passant Érasistrate à propos des fonctions qu’il attribue aux ramifications de la veine porte dans le foie. — L’existence des plexus veineux du foie a pour but la transformation en sang (hématose) de l’aliment venu de l’estomac. — De la position respective des veines porte et hépatiques et des canaux biliaires dans l’intérieur du foie. — Pourquoi une artère petite et un nerf très-petit pour le foie ? — Le foie ne jouit comme les plantes que de la faculté nutritive. — Doit-on l’appeler nature ou âme nutritive ?


Il reste à décrire la position, le nombre, la grandeur, la contexture, la configuration, l’union, les rapports de ces parties entre elles. L’art de la nature se montre avec évidence, si elle ne paraît pas disposer seulement dans un but déterminé la substance des parties [essentielles], mais si elle fait concourir aussi à ce but les dispositions accidentelles. Si vous n’apprenez sans tarder pourquoi la nature n’a pas créé une grande cavité unique au foie, semblable aux deux cavités du cœur, vous méconnaissez l’admirable prévoyance dont elle a fait preuve ici. Vous méconnaissez également cette prévoyance si vous ne savez pas pourquoi le nerf s’insère sur la tunique du foie, mais ne pénètre pas manifestement vers les parties intérieures[56] ; pourquoi l’artère se ramifie toujours conjointement avec les veines ; pourquoi, à la partie concave du foie, les veines situées près des portes de cet organe (veine porte) ont été, avec les artères, placées sur le premier plan ; pourquoi les conduits de la bile le sont sur le second, et pourquoi les veines qui, à la partie convexe du foie, convergent vers la veine cave (veines hépatiques), occupent la dernière place[57] ; pourquoi l’artère [hépatique] est extrêmement petite, le nerf plus petit qu’elle (Cf. page 314, note 3), tandis que les conduits de la bile sont plus grands, et que les veines (surtout les branches de la veine porte) les surpassent tous en grandeur ; pourquoi les veines des parties concaves ne sont pas unies[58] aux veines des parties convexes (voy. plus loin, p. 314-5) ; pourquoi toutes les veines du foie ont une tunique très-mince[59] ; pourquoi le foie s’unit au diaphragme ; pourquoi cette union se fait au niveau de la veine cave ? Enfin, vous méconnaissez cette prévoyance si vous ignorez les relations du foie avec toutes les parties avoisinantes.

Si vous n’êtes instruit de tous ces faits, je nie que vous sachiez rien de bon sur l’utilité des parties ; mieux vaudrait pour vous, à mon avis, n’avoir pas commencé que de ne pas traiter complètement le sujet, comme font bien des gens ; quelques-uns, se bornant à parler de l’origine de chaque partie, n’examinent pas sa situation, sa grandeur, sa contexture, sa configuration et autres points semblables ; d’autres n’ont pas songé à dire un mot de toutes ces questions, et parmi ces derniers, certains ont omis les faits les plus importants et les plus nombreux. Les uns et les autres excitent un étonnement naturel. En effet, s’il est bon de connaître les utilités des parties, je ne sais pourquoi il ne serait pas bon de connaître celles de toutes les parties. Si c’est un travail superflu et vain, je ne vois pas non plus pourquoi une dissertation sur quelques-unes n’est pas superflue.

Il est très-facile, en effet, de dire, comme nous venons de le faire, que les veines des parties concaves du foie (tronc et ramifications de la veine porte) apportent de l’estomac les aliments, que les veines des parties convexes (veines hépatiques) s’emparent de ces aliments, que les conduits de la vésicule déversent les impuretés [dans le duodénum], que le nerf est le conducteur de la sensibilité, que les artères entretiennent dans tout le viscère sa chaleur naturelle, qu’il est ceint de sa tunique (membr. séreuse, fournie par le péritoine) comme d’une enveloppe et d’un vêtement, et qu’elle est pour lui une tunique véritable, que la chair (parenchyme) du foie est le principe des veines et le premier organe de la sanguification ; mais si l’on n’ajoute pas [la solution de] chacune des autres questions que j’ai posées, on ignore plus d’utilités des parties du foie qu’on n’en connaît.

Et, pour commencer par la première des questions posées, pourquoi la nature, après avoir réuni aux portes du foie (tronc de la veine porte) ces veines nombreuses qui apportent de bas en haut la nourriture de l’estomac et de tous les intestins, les divise-t-elle de nouveau en veines innombrables[60] ? Car elle a réuni les ramifications [gastro-intestinales], comme n’ayant besoin que d’un seul tronc ; puis elle les divise à l’instant, comme les ayant réunies inutilement, tandis qu’elle aurait pu, créant dans le viscère une grande cavité sanguine, y insérer, à la partie inférieure, la veine (veine porte) qui, se trouvant aux portes du foie, charrie de bas en haut le sang [fourni par la transformation des aliments dans l’estomac et les intestins], et à la partie supérieure, celle qui lui succède et qui promène cet aliment dans tout le corps (veine cave)[61].

Les assertions d’Érasistrate tendent à démontrer que c’est pour la sécrétion de la bile jaune qu’existent dans le foie ces ramifications des veines ; mais un examen un peu attentif prouve que cette allégation est erronée, la nature pouvant, sans un plexus veineux aussi considérable et ainsi disposé, opérer la sécrétion des résidus, comme elle l’a montré clairement dans les reins. En effet, beaucoup de ces buveurs intrépides qui engloutissent des amphores entières[62], et qui urinent à proportion de l’abondance du breuvage absorbé, n’éprouvent aucune gêne dans cette sécrétion. Le sang qui afflue dans la veine cave, se purifie tout entier très-promptement et très-facilement au moyen des reins qui ne sont même pas en contact avec la veine. On doit s’étonner qu’Érasistrate, qui nous fait une longue dissertation sur la sécrétion de la bile jaune du sang, ne s’occupe absolument pas de celle de l’urine. Il fallait, en effet, ou ne rien dire ni de l’une ni de l’autre, ou les mentionner également toutes deux. Mais sur ces questions et sur toutes les autres facultés naturelles, il existe [de moi] des traités particuliers[63], où il est démontré que chacune des parties du corps possède une vertu attractive (ou séparative) de la qualité qui lui est propre. C’est ainsi que les conduits de la bile attirent cette bile et que les reins attirent l’urine.

Ce n’est donc pas en vue de l’élimination que la nature a créé dans le foie un si vaste plexus veineux, c’est pour que la nourriture séjournant dans le viscère s’y hématose complètement ; car si elle eût créé, dans le foie comme dans le cœur, une grande cavité unique pour servir de réceptacle ; si ensuite elle y avait introduit le sang par une seule veine pour l’en faire sortir par une autre, l’humeur (χυμός) apportée de l’estomac n’aurait pas séjourné un instant dans le foie, mais traversant rapidement tout ce viscère, il eût été entraîné par la force du courant qui le distribue dans le corps.

C’est donc pour arrêter plus longtemps et pour transformer complétement l’aliment qu’existe ce réseau de voies étroites dans le foie, le pylore dans l’estomac, et les circonvolutions dans les intestins. C’est ainsi encore qu’en avant des testicules se trouvent ces replis variés d’artères et de veines, et à la tête, sous la dure-mère, ce plexus artériel appelé plexus rétiforme.

Quand la nature veut prolonger en un endroit le séjour de quelque matière, elle oppose un obstacle à sa marche progressive. S’il n’eût existé dans le foie qu’une grande cavité, le sang n’y eût pas séjourné aussi longtemps, une très-faible partie de ce sang aurait été mise en contact avec la substance du viscère, en sorte que la sanguification eût été imparfaite. Car si la substance propre du foie est le premier organe de l’hématose, l’aliment, qui avait avec elle un contact prolongé, devait s’approprier la forme du sang avec plus de promptitude et d’efficacité. C’est pour cela que les veines mêmes du foie ont été créées par la nature plus grêles que toutes celles du corps entier. Ces dernières, éloignées du principe de l’hématose, et ayant besoin de défense contre les lésions, ont été avec raison douées par elle d’une grande force. Une preuve considérable à l’appui de cette assertion, c’est que leur tunique est plus ou moins épaisse en raison de la protection qu’elles réclament, ainsi qu’on le verra par la suite du discours[64] ; celles du foie, au contraire, sont très-minces, car elles ne courent aucun risque (attendu qu’elles trouvent un appui sûr dans le viscère) ; elles opèrent ainsi beaucoup mieux l’hématose.

Il était encore préférable que les canaux qui attirent la bile jaune fussent placés sur les veines (ram. de la veine porte) qui apportent de l’estomac la nourriture avant les veines destinées à recevoir le sang (veines hépatiques), cela me paraît aussi de toute évidence. En effet, la veine cave ne devait recevoir le sang que déjà parfaitement purifié par ces vaisseaux, grâce à la situation opportune[65] ; pour cette raison encore, la situation des artères mérite d’être louée. La nature ne les a pas établies [exactement] entre les veines supérieures (hépatiques) et inférieures (veine porte), afin qu’elles ne soient pas rafraîchies de la même manière[66], mais elle les a placées au-dessous des veines de la partie concave, sachant que le voisinage du diaphragme communiquait à la partie convexe du foie un mouvement incessant [et, par conséquent, une chaleur suffisante]. Ces artères ont été créées très-petites, et c’est avec raison, car elles servent seulement à rafraîchir la partie concave du viscère ; elles ne doivent ni prendre du sang (lequel n’a pas encore rejeté ses impuretés), ni fournir au foie, comme à d’autres organes, un esprit vital abondant, ni nourrir son tissu avec un aliment ténu et vaporeux. Nous traiterons bientôt ce point avec plus de détail (chap. xv).

La nature n’a donné au foie qu’un très-petit nerf (voy. p. 308 et 314-5), car elle ne voulait pas en faire, pour l’animal, un principe ni de mouvement, ni de sensation. En effet, le foie, ainsi que les veines qui en partent, est le principe d’une faculté, et jouit d’une action analogue à celles que les plantes ont en partage (faculté végétative). Ceci a reçu ailleurs plus de développement (voy. liv. V, chap. ix et x), et il faut se souvenir d’un principe énoncé et démontré dès le commencement de ce traité (I, viii), c’est qu’on ne peut bien découvrir aucune utilité d’aucune partie avant de connaître la fonction de tout l’organe ; or, nous n’avons pas maintenant à démontrer les fonctions, mais, après avoir rappelé seulement celles que nous avons démontrées, nous leur donnons toujours pour corollaire ce qui regarde les diverses utilités. Ainsi donc, vous n’aurez plus de scrupule au sujet de la petitesse du nerf, si vous vous rappelez notre démonstration ; peut-être au contraire demanderez-vous dans quel but la nature a même donné au foie ce petit nerf. Car ce viscère étant le principe de la nature nutritive (fac. végétat. ou nutritive), comme est celle des plantes ne paraît en aucune façon avoir besoin d’un nerf. Faut-il l’appeler nature nutritive ou âme nutritive ? je laisse à décider ce point aux hommes habiles sur les mots seulement, et qui consument à cela toute leur vie, comme s’ils n’avaient pas à rechercher beaucoup de choses plus intéressantes, puisque ni l’un ni l’autre de ces termes n’éclaire le fait suffisamment. Observons en toute chose, et rappelons-nous toujours le précepte de Platon[67] :

« Si nous négligeons les mots, nous parviendrons à la vieillesse plus riches de sagesse. »

Que le foie soit le siège d’une faculté semblable à celle qui régit les plantes, c’est ce que nous avons démontré ailleurs[68]. Cette faculté devait se joindre aux deux autres (facultés rationelle et animale) et n’en être pas absolument séparée, comme celles-ci ne sont pas non plus séparées l’une de l’autre. — Le foie, dit Platon[69], est une espèce de bête sauvage, et c’est une stricte obligation de le nourrir, si l’on veut perpétuer la race mortelle. La partie raisonnable qui constitue l’homme (cf. XVII, i), partie située dans l’encéphale, a l’irascibilité (θυμόν) pour serviteur, pour appui, pour défenseur contre cette bête sauvage. Au moyen des prolongements qui les unissent l’une à l’autre, l’artisan de notre corps les a disposées pour se servir mutuellement. — Mais ces considérations sont d’un ordre supérieur et divin, et nous les avons développées dans notre livre Sur les dogmes d’Hippocrate et de Platon (II, vi). Pour le moment, si vous répétez, comme je le disais tout à l’heure, que c’est pour maintenir dans le viscère l’égalité de température, que des artères viennent du cœur au foie ; qu’un nerf s’insère sur la tunique péritonéale (cf. p. 307-8) pour qu’il ne soit pas dénué de toute sensibilité, cette assertion paraîtra plus probable et plus claire au grand nombre. Si le foie ne devait pas éprouver la sensation que cause soit une inflammation, soit un abcès, soit une autre affection, il ne différerait aucunement d’un végétal. S’il ressent toutes ces affections d’une façon obscure[70] et non pas vive comme les autres parties du corps, c’est que le nerf étant petit est distribué sur la tunique péritonéale, ou n’adhère pas du tout au viscère, ou ne pénètre pas dans la totalité. Nous avons démontré encore que les facultés d’une partie se communiquent jusqu’à un certain point aux parties voisines. Aussi était-il superflu que le nerf s’insérât dans le viscère tout entier, car il devait lui communiquer son obscure sensation par transmission.


Chapitre xiv. — Moyens dont la nature s’est servie pour maintenir le foie en place. — Mention particulière du ligament suspenseur. — Galien ne paraît pas s’être exactement rendu compte du ligament coronaire et du ligament rond. — Il pense que la veine cave contribue à rattacher le foie au cœur ; à ce propos il rappelle combien les blessures de la veine cave sont dangereuses. — Homère, suivant Galien, connaissait déjà l’importance de cette veine. — Précautions prises par la nature pour sa sûreté.


Tout ce qui concerne le foie se trouve déjà suffisamment décrit, il ne reste à signaler que la sûreté de sa position, à laquelle dès le principe la nature a pourvu avec sollicitude. Uni à l’estomac et à tous les intestins[71] par les veines et par la tunique qui les enveloppe, il était, vu sa forme et ses lobes, difficile de l’en séparer. Cela ne suffisait pas encore. La nature donc, le munissant de tous côtés de ligaments, l’a rattaché aux parties voisines ; le plus grand est [une portion de] cette tunique (épiploon gastro-hépatique ou péritoine ?) destinée à les protéger toutes, laquelle, naissant du péritoine, devait le relier à toutes les parties internes ; car cette tunique les recouvre toutes. Un autre grand ligament le rattache aussi au diaphragme (ligament suspenseur fourni par le péritoine (voy. p. 308), d’autres membraneux et petits (ligaments semi-lunaires ?) aux fausses côtes[72]. Ce ligament même qui, avons-nous dit, le rattache au diaphragme, a une substance analogue à celle du péritoine. Le foie prend en effet naissance de la tunique qui l’enveloppe et de celle qui tapisse la face inférieure du diaphragme, lesquelles sont toutes deux, ainsi que nous l’avons dit, les prolongements du péritoine. Par son épaisseur, sa force et sa résistance aux lésions, il diffère grandement du péritoine. Il le fallait ainsi ; car dans la station droite, c’est au diaphragme que le foie est nécessairement suspendu ; il courait donc un grand risque d’être aisément rompu par des mouvements un peu violents, et d’entraîner ainsi la mort soudaine de l’animal. En effet, dans cet endroit, ce n’est pas seulement au diaphragme que se rattache le foie ; par l’intermédiaire du diaphragme, il se rattache encore au cœur[73].

Cette veine cave dont j’ai déjà parlé, distribuant le sang par tout le corps, devait nécessairement remonter au cœur ; or, on ne pouvait pas choisir un meilleur passage, puisqu’il lui faut absolument traverser le diaphragme, situé entre les deux viscères. Il n’était donc pas convenable de disposer pour la veine des ligaments autres que pour le viscère. Il valait mieux donner à la veine et à tout le viscère un ligament dur et épais, servant à la fois et de revêtement à la veine cave et de lien commun avec le diaphragme[74]. Cette place était donc des plus importantes, et la blessure faite à la veine en cet endroit devait réagir sur toutes les veines de l’animal, comme souffrirait un arbre entier s’il était frappé à la souche ; une mort rapide suit en effet la blessure ou le déchirement de cette veine. Aussi, quand le poëte[75] dépeint le très-sage Ulysse méditant et préparant le meurtre du cyclope si supérieur à lui par la taille, dans quelle partie du corps le montre-t-il disposé à plonger son épée, sinon à l’endroit où le diaphragme retient le foie ? Et il l’eût fait ainsi, ajoute Homère, s’il eût espéré pouvoir, après la mort du cyclope, écarter de ses mains le rocher énorme qui obstruait la porte. Il ne doutait pas, tant était grande sa certitude du danger que présentait une blessure dans cette région, que le cyclope n’y survivrait pas un instant.

Pour le grand et dur ligament qui enveloppe la veine cave, la nature a établi à la partie postérieure la paroi la plus mince, et la paroi la plus épaisse à la partie antérieure[76], afin d’écarter d’elle la facilité d’être lésée, non-seulement par une cause qui est du fait des animaux eux-mêmes, mais aussi par une cause externe. Tous les accidents résultant pour la veine mal attachée, de course ou de sauts trop violents, sont du fait de l’animal. Les autres accidents qui viennent de corps dont le choc brise ou blesse, ont une cause externe (voy. chap. xx, p. 334). Donc, la paroi antérieure étant seule exposée à souffrir d’une telle rencontre, l’enveloppe de la veine cave, loin d’être d’égale épaisseur, devait opposer à cette plus grande facilité de lésion une plus vigoureuse résistance. Or, le diaphragme (φρένες) n’étant pas seulement, comme le qualifie Platon (Timée, p. 70 a, et 84 d), une cloison (διάφραγμα)[77]. entre les viscères inférieurs et les supérieurs, mais comme nous l’avons montré ailleurs (cf. VII, xxi, et XIII, v), un instrument qui a une importance considérable dans l’acte de la respiration, il ne fallait pas qu’il fût ni comprimé, ni resserré, ni gêné dans la liberté de ses mouvements par aucune des parties inférieures. Dans cette prévision, le Créateur a écarté autant que possible les deux organes voisins. Il n’a pas immédiatement rattaché la cavité de l’estomac à l’œsophage à sa sortie du diaphragme ; mais à un prolongement étroit comme un isthme, il a fixé, en l’élargissant peu à peu, le canal qui venant après devait former ce qu’on appelle l’orifice de l’estomac (voy. chap. vi-vii) ; il n’a pas attaché non plus au diaphragme toute la convexité du foie, mais élevant davantage, recourbant et ramenant en haut la partie (bord postérieur, voy. p. 308[78]) d’où sort la veine cave, c’est par ce côté seul qu’il a mis les parties en contact. Telle est la grande habileté qui éclate dans la disposition du foie.


Chapitre xv. — Attaques contre Érasistrate, qui niait l’utilité de la rate, tout en proclamant que la nature ne fait rien en vain (cf. V, v.). — Pour Galien la rate a pour fonction de purifier les humeurs épaisses et chargées de bile noire qui s’engendrent dans le foie. — Des fonctions des vaisseaux spléniques en rapport avec cette fonction. — De la structure des diverses parties de la rate : parenchyme, artères spléniques, leur utilité spéciale. — Différence que présentent d’une part la substance du poumon, du foie et de la rate, et d’une autre le sang que ces trois viscères reçoivent, l’un du cœur, l’autre de l’estomac et des intestins, le troisième du foie. — Utilité commune des artères de la rate.


Pour achever ce que nous nous étions proposé de traiter, il ne nous reste plus à étudier que la rate dont Érasistrate dit qu’elle a été créée sans but par une sagesse en défaut. Et il ne rougit pas de prétendre que la nature, qui ne fait rien sans raison (c’est sa propre expression), a créé un si grand viscère sans utilité[79]. Craignant apparemment [selon Érasistrate] de ne pas donner partout des preuves de son habileté, la nature après avoir, au côté droit, façonné le foie de l’animal, encore caché dans le sein maternel, lui opposa la rate au côté gauche, voulant aussi créer quelque chose dans cette partie même ; comme s’il ne lui eût pas été loisible, en prolongeant un peu l’estomac vers cette région, de s’épargner une besogne inutile. Puis, comme on peut le voir dans les écrits de ce médecin, il combat longuement les opinions les plus ridicules sur la déglutition, la digestion et la coction. Quant aux opinions les plus solidement établies et les plus fameuses, il n’y fait pas la moindre objection ; parfois seulement il les mentionne ; parfois ne les rappelant même pas, il les néglige comme dénuées de toute valeur ; toutefois, à défaut d’autre raison, du moins le nom de leurs auteurs illustres dans la Grèce ne méritait pas un pareil dédain, mais une contradiction sérieuse et des preuves puissantes à l’appui de la réfutation.

Nous avons démontré, dans notre traité Sur les facultés naturelles (II, ix ; cf. aussi III, xiii), que la rate est un organe destiné à purifier les humeurs terreuses, épaisses, chargées de bile noire et qui sont engendrées dans le foie (cf. chap. vii). Elle les attire, avons-nous dit précédemment (chap. iv), à l’aide d’un canal veineux (veine splénique), comme à travers un conduit (οἷον στομάχου). Une fois attirées, la rate ne les déverse pas immédiatement dans l’estomac, mais elle commence par les élaborer et les transformer à loisir, en se servant principalement pour ce travail des artères grandes et nombreuses répandues dans tout le viscère par la nature qui ne les y a pas distribuées au hasard, ni pour être oisives, mais qui a voulu que par leur mouvement incessant, par la chaleur naturelle que le cœur transmet à ces artères, elles pussent élaborer, broyer, altérer, transformer les sucs épais venus du foie dans la rate. Tous les matériaux transformés en une humeur appropriée au viscère, deviennent l’aliment de la rate. Ceux qui ont échappé à cette élaboration, qui ne peuvent ni se transformer en particules ténues d’un sang utile, ni servir aucunement à la nutrition, sont déversés par la rate dans l’estomac au moyen d’un autre conduit veineux (veines courtes), et là ils sont d’une utilité non médiocre que j’indiquerai en traitant des excréments (livre V, chap. iv).

Actuellement, nous examinerons les autres détails de structure de la rate, et d’abord sa substance propre, appelée par quelques-uns parenchyme ; c’est par cette substance même que la rate a la puissance d’attirer dans son sein les humeurs atrabilaires ; cette substance a été faite assez flasque et assez rare, comme est une éponge, pour attirer aisément et recueillir ces humeurs épaisses. Pour maintenir perpétuellement cette propriété dans le tissu de la rate, les artères se ramifient en tous sens dans le viscère, artères qui, dans une autre circonstance indiquée tout à l’heure, sont encore d’une utilité assez importante ; car nous avons dit qu’elles servaient puissamment à élaborer les sucs apportés du foie dans la rate[80]. Elles conservent aussi toujours la substance du viscère dans un état de raréfaction, comme celle du poumon. Car si nous avons démontré nettement dans notre traité Sur les facultés naturelles (III, xiv ?) que chacun des organes nourris tire son aliment des vaisseaux voisins, celui qu’il emprunte aux artères, est naturellement plus ténu, celui que lui fournissent les veines, est plus épais ; car les artères ont une tunique plus dense que les veines, et le sang qu’elles contiennent est plus subtil et plus vaporeux ; or, un tel sang convient mieux pour nourrir une substance flasque, comme un sang plus épais est plus propre à servir d’aliment à une substance dense. Mais ce sang si ténu renfermé dans les artères de la rate est engendré par ces excréments épais et chargés de bile noire dont j’ai parlé. Il résulte de là que la substance de la rate, bien que flasque, diffère grandement de celle du poumon. Cette dernière est très-flasque, très-légère, à peu près blanche, ayant l’apparence de l’écume congelée. Elle se nourrit en effet d’un sang parfaitement pur, jaune rougeâtre, subtil et chargé d’air. Le sang que lui envoie le cœur, possède tous ces avantages. Mais nous traiterons en particulier de la nature de ce viscère (VII, ii).

La substance de la rate étant aussi flasque par rapport au foie qu’elle est dense par rapport au poumon, est avec raison nourrie par un sang plus subtil. Il est vrai que le sang, quand il est dans la rate, est plus épais que celui du foie ; mais élaboré par les artères de la rate et par les veines munies d’une tunique bien plus épaisse que celle des veines du foie, il pénètre dans la chair de la rate, non pas en masse et épais, mais ténu et peu à peu. De là vient que la substance de ce viscère est plus rare, et plus légère que celle du foie, mais non pas plus rouge ou plus jaune. En effet, l’humeur qu’elle a purifiée et qui, élaborée, lui a servi de nourriture, était chargée de bile noire. Le sang qui alimente le foie est bon, quoique épais, à cause de la ténuité des tuniques de ses veines, et de la grandeur des ouvertures dont il est percé.

En résumé, voilà comment sont nourris les trois viscères : le foie tire sa nourriture d’un sang rouge et épais, la rate d’un sang ténu, mais noir ; le poumon d’un sang parfait, élaboré, jaune rougeâtre, ténu, chargé de pneuma et pur. La substance de ces viscères répond, par son aspect, à celui de l’humeur qui les nourrit, ou plutôt ces substances devant être telles qu’elles sont, la nature leur a préparé un aliment approprié.

Nous avons indiqué les deux utilités (purification du sang, alimentation du viscère) de la multitude d’artères répandues dans la rate. Elles présentent encore une autre utilité résultant de leur fonction et de leur usage propres. Nous avons montré[81] que le mouvement des artères avait pour but surtout de maintenir la chaleur naturelle dans chaque partie ; leur diastole rafraîchit en attirant une qualité froide (l’air), leur systole expulse les éléments fuligineux. La rate devant contenir une grande quantité de ces éléments fuligineux, à cause de la nocuité et de la grossièreté des sucs qui s’y élaborent, il était raisonnable de lui donner de nombreuses et grandes artères. Si le poumon a exigé une réfrigération puissante, la rate a besoin d’être purifiée suffisamment. Quant au foie, comme il n’a pas besoin d’une purification semblable (car il a trois autres utilités très-importantes), ni d’une réfrigération puissante comme le cœur et comme le poumon qui a été fait en vue du cœur, il ne demandait avec raison que de petites artères. C’est pour ces motifs que la substance de la rate est rare, légère et sillonnée d’artères.


Chapitre xvi. — Figure de la rate. — Lieu d’insertion de ses vaisseaux. — Ses ligaments, sa tunique.


La partie concave (face interne) de la rate est dirigée vers le foie et l’estomac, la partie convexe (face externe) est naturellement en sens inverse. À la partie concave (scissure de la rate) sont insérées les veines et les artères ; c’est là aussi que se trouve le prolongement vers l’épiploon[82]. Sur la partie convexe qui se porte vers les fausses côtes et les cavités iliaques, il ne s’implante aucun vaisseau ; mais quelques prolongements membraneux relient dans cet endroit la rate aux parties environnantes ; ces membranes diffèrent de grandeur et de nombre selon les animaux ; on trouve une différence de figure non-seulement dans les espèces, mais dans les divers individus, car elles n’ont été créées, comme nous l’avons dit, que pour servir de ligaments. Aussi trouve-t-on plus ou moins nombreux, plus ou moins forts, distribués en plus ou moins de places, les ligaments non-seulement de la rate, mais encore du foie. La tunique (membrane séreuse fournie par le péritoine) qui enveloppe la rate, n’est pas seulement un ligament[83], mais une tunique comme l’indique son nom (χιτών), tunique protégeant, couvrant le viscère de tous les cotés. Elle tire aussi son origine du péritoine, ainsi que nous l’avons dit précédemment (chap. x et xi). Toutefois nous avons établi (chap. x) aussi que la plus épaisse de toutes les enveloppes devait être celle de l’estomac[84]. Telle est la manière dont se comportent les diverses parties de l’estomac, du foie, de l’épiploon et de la rate.

Chapitre xiv. — De la double utilité des intestins ; ils sont doués d’une faculté altératrice, analogue à celle de l’estomac, et ont pour fonctions de distribuer l’aliment dans les veines, mais ils ne sont primitivement chargés ni d’élaborer l’aliment, ni de charrier les excréments. — La preuve que les intestins ne sont pas seulement une voie de transport, c’est que le rectum ne fait pas immédiatement suite à l’estomac, ou qu’il n’existe pas entre ces deux parties une simple cavité, mais qu’ils sont séparés par les replis nombreux et variés des intestins. — L’étroitesse et les circonvolutions des intestins préparent merveilleusement l’aliment à pénétrer dans le foie à travers les veines (radicules de la veine porte). — Passages de Platon et d’Aristote sur ce sujet. — Que la structure des intestins grêles (voy. V, iii) est en rapport avec leurs fonctions.


Il faut parler maintenant des intestins. Donc l’aliment s’élabore encore en traversant les intestins, comme le sang dans toutes les veines, et pourtant aucun des intestins n’est destiné [primitivement] à cette élaboration non plus que les veines à l’hématose ; mais comme nous l’avons dit, d’un côté la nature se sert, jusqu’à un certain point, en vue du mieux, de chacun des organes, de l’autre une utilité nécessaire est attachée aux organes créés dans un but déterminé[85]. C’est ainsi que créant les veines pour être les instruments de distribution, elle leur a donné en outre une puissance génératrice du sang, afin que le temps ne fût pas perdu en vain pour l’aliment pendant qu’il circule dans les veines. De même les intestins créés pour distribuer cet aliment dans les veines sont doués aussi [secondairement] de la propriété d’élaborer les aliments. Mais il était impossible, comme nous l’avons montré dans notre traité Sur les facultés naturelles (passim), que chacune des parties de l’animal ne fût pas douée également d’une faculté altératrice. Aussi la substance des intestins diffère peu de celle de l’estomac. Si donc ils devaient jouir nécessairement d’une faculté altératrice, et encore d’une faculté altératrice semblable à celle de l’estomac, il s’ensuit non moins nécessairement que l’aliment sera soumis aussi à la coction dans leur intérieur. Or si le foie est pour ainsi dire l’officine de l’hématose, l’estomac est l’officine de la coction.

Mais il faut apprendre par les considérations suivantes que les intestins n’ont pas été créés directement ni pour charrier les excréments, ni pour élaborer les aliments, mais pour distribuer dans les veines tout le suc qui s’est formé dans l’estomac : d’abord chez aucun animal, l’estomac n’a été créé contigu aux organes d’excrétion, quoiqu’il eut été possible de prolonger immédiatement son extrémité jusqu’à la partie appelée siège (ἕδρα) ; en second lieu, chez la plupart des animaux les intestins se replient en circonvolutions très-nombreuses ; enfin l’aliment ne sort de l’estomac que parfaitement élaboré. Ceci a été déjà démontré (chap. vii). Ce fait que chez les animaux l’estomac et le rectum ne sont pas réunis, indique clairement qu’il devait exister des organes différents pour la coction des aliments et pour leur distribution (ἀνάδοσις). Supposez leur jonction, les veines couraient souvent risque d’absorber un aliment cru et mal élaboré. Il fallait donc éviter ce danger, car il est clair qu’à l’un des organes revenait la coction, à l’autre la distribution. Ce que nous avancions tout à l’heure est encore confirmé par cette circonstance que non-seulement l’estomac ne se prolonge pas jusqu’à l’anus, mais qu’il en est encore séparé par des replis nombreux et disposés en cercle, circonstance qui empêche la sortie trop prompte de l’aliment du corps de l’animal. - Supposez un second estomac faisant suite au premier, réservoir destiné à la distribution, comme le précédent à la coction, il n’arriverait pas au foie, en si peu de temps et à travers tant de veines, une quantité assez considérable d’aliments. Dans l’état actuel les circonvolutions des intestins dans lesquelles pénètre un nombre infini de veines du foie, renvoient à ce viscère toute l’humeur cuite par l’estomac.

Dans notre [première] hypothèse le foie ne recevrait de loin en loin par les embouchures de veines peu nombreuses qu’une faible quantité d’aliment liquéfié, et la distribution serait ralentie et durerait longtemps. En effet, les orifices des vaisseaux doivent être en contact avec l’humeur élaborée et cuite. D’un autre côté, avec un second estomac établi sous la première grande cavité, l’aliment ne serait en contact qu’avec une petite portion de cet estomac, avec celle-là seule qui la toucherait ; la plus grande partie perdue dans la profondeur de ce viscère échapperait à l’action absorbante des veines. Maintenant l’étroitesse du conduit en réduisant tout ce qui constitue l’aliment en minces particules, le contraint en totalité ou à peu près à se mettre en contact avec la tunique des intestins, où viennent s’aboucher les veines, et par conséquent avec les orifices mêmes de ces vaisseaux. Si quelque parcelle d’aliment échappe en traversant le premier repli, elle sera saisie, soit au second, au troisième, au quatrième, au cinquième, soit à un suivant, car ils sont très-nombreux.

Dans ce conduit si long, si étroit, si tortueux, toutes les parties de l’aliment rencontrent nécessairement l’orifice d’un vaisseau. En effet, la circonférence de l’intestin est percée d’un nombre infini d’orifices intérieurs qui saisissent au passage la partie utile de l’aliment qui le parcourt. De cette façon il n’échappe et ne se perd aucune partie de l’humeur bonne pour la nourriture de l’animal, quand du moins la loi naturelle régit les fonctions du corps. Car maintenant c’est l’état normal que nous exposons et non l’état morbide, où l’économie humaine est bouleversée, où l’art de la nature ne peut plus se manifester et réclame un aide qui tende une main, et écarte le mal. Si nous ne faisons pas cette remarque à chacune des utilités que nous passons en revue, ce n’est pas notre silence qu’il faut taxer de négligence, mais c’est d’inintelligence qu’il faut accuser celui qui ne comprend pas ce sous-entendu.

Nous avons donc montré que les sinuosités des intestins avaient pour but l’exacte distribution de tout l’aliment élaboré. Telle était la pensée de Platon (Timée, p. 72 e, 73 a) : « [ceux qui nous formèrent ont créé les intestins avec des circonvolutions] de peur que la nourriture, en les traversant rapidement, ne réduisît le corps à réclamer bientôt des aliments nouveaux, et qu’en produisant ainsi une insatiable gloutonnerie, le genre humain ne devînt étranger à la philosophie et aux muses. » Tous les animaux dépourvus de ces sinuosités et dont l’intestin se prolonge en ligne droite de l’estomac au siège, sont d’une voracité insatiable, et comme les plantes ils ne sont occupés qu’à se nourrir. On trouve à ce propos dans Aristote[86] de belles réflexions, celle-ci entre autres : La nature, s’écartant peu à peu du type végétal, a créé les animaux dans un ordre ascendant de perfection jusqu’à ce qu’elle arrivât au plus parfait de tous, l’homme, sujet de notre livre.

Je ne veux donc parler ni du nombre des estomacs dans les ruminants, ni de l’estomac et des autres organes de la nutrition dans chaque espèce d’animaux. Aristote a traité habilement tous ces sujets[87]. Si la brièveté de la vie n’interdisait pas les plus belles recherches, peut-être un jour pourrai-je compléter ce qui reste à dire sur ce sujet. Maintenant qu’il nous suffise d’exposer si nous le pouvons, dans tous ses détails, la structure de l’homme. Reprenons donc le fil de notre discours là où nous l’avons interrompu, en avertissant nos lecteurs de ne pas attendre la démonstration d’aucune fonction, car nous les avons exposées toutes dans notre traité Sur les facultés naturelles ; nous avons expliqué aussi (Facultés natur., III, xiii, xiv et xv) comment les orifices des artères qui pénètrent dans l’intestin, absorbent peu de nourriture, tandis que la plus grande partie passe dans les veines. Ce fait même que les artères contiennent naturellement le sang, est établi à part dans un autre traité[88].

Il ne nous reste maintenant qu’à achever la description de la structure des intestins. Nous avons montré (chap. viii, cf. Fac. nat., III, x-xi) que toutes les fonctions, toutes les facultés dites éliminatoires et propulsives (ἐκκριτικαί τε καὶ προωστικαί) résultaient du mouvement des fibres transversales, comme les propriétés attractives du mouvement des fibres droites. Si donc l’estomac, doué de ces deux facultés, réclamait deux tuniques disposées en sens inverse, chaque intestin n’ayant pas d’autre espèce de mouvement que la propulsion, ne devait posséder qu’une espèce de tunique se déroulant en fibres transversales et circulaires. Pourquoi donc les intestins sont-ils pourvus de deux tuniques si elles se comportent de la même façon[89] ? L’une des deux paraît superflue. Il n’en est rien. Si la tunique des intestins est double, c’est pour exercer plus fortement la puissance d’expulsion, et pour protéger les organes mêmes contre les lésions. De même que le séjour prolongé des aliments dans l’estomac importait à leur complète coction, de même le séjour dans les intestins était préjudiciable. Il suffisait, en effet, de leur passage à travers un conduit long et étroit, pour en opérer dans le foie une distribution exacte.

La sécurité des intestins, leur résistance parfaite aux causes perturbatrices ne trouve pas une protection médiocre dans la présence des deux tuniques, c’est ce qu’on remarque surtout dans les affections dyssentériques. Nous avons vu maintes fois beaucoup de malades depuis longtemps atteints d’affections très-graves, ayant une grande partie des intestins pourrie au point qu’en beaucoup de places la tunique interne était détruite. Ils vivaient cependant, et continuaient de vivre, grâce à cette seconde tunique qui protégeait la tunique viciée[90]. Certains intestins sont recouverts extérieurement dans leur longueur de fibres droites destinées à protéger les fibres transversales. Voilà pourquoi cette disposition se rencontre surtout chez les animaux dont les intestins ont des tuniques minces, ou des fonctions très-énergiques. On pouvait craindre, en effet, une rupture des fibres transversales, si des fibres droites ne les contenaient extérieurement comme serait un ligament. Il suit de là que dans le rectum ces fibres sont plus nombreuses, parce que l’accumulation d’une quantité d’excréments secs et durs exigeait en cet endroit un mouvement péristaltique considérable des tuniques. Elles sont donc entourées à l’extérieur par un ligament que constituent quelques fibres droites. Dans la plupart des animaux le colon tout entier est étreint dans sa longueur par des ligaments robustes qui s’étendent sur lui de haut en bas, un de chaque côté[91]. Nous avons dit plus haut (chap. x et surtout xi), que le péritoine recouvre cette seconde tunique et relie les intestins au rachis et à encore d’autres parties[92]. En un mot, il n’est pas un des organes placés sous le diaphragme qui ne soit enveloppé d’une tunique tirant du péritoine sa première origine. Il suffit de ces observations sur les intestins grêles[93].

Chapitre xviii. — Le gros intestin est disposé de façon à retenir les excréments et par conséquent à empêcher la défécation incessante. — Les rapports avec les intestins grêles. — Du nombre des cœcums chez les oiseaux et chez les autres animaux.


Passons aux gros intestins. Si l’intestin grêle est disposé pour la distribution, s’il a été créé dans ce but bien qu’en même temps il élabore l’aliment et le pousse en avant, le gros intestin, de son côté, a été créé pour que l’expulsion des excréments ne fût pas trop précipitée. Cependant chez beaucoup d’animaux voraces dont l’intestin est droit, on peut voir qu’il ne va pas en s’élargissant à l’extrémité inférieure[94]. Mais ces animaux qui se repaissent toujours et se déchargent incessamment de leurs excréments, mènent, comme disait Platon (voy. chap. xvii), une existence tout à fait étrangère aux muses et à la philosophie. Les animaux d’un ordre supérieur et d’une structure achevée ne se repaissent, ni ne se déchargent de leurs excréments sans discontinuer. Nous avons montré (chap. xvii, p. 325-7) que les circonvolutions des intestins ont pour résultat de prévenir le besoin d’une introduction perpétuelle d’aliments. Si nous ne sommes pas obligés d’aller à la selle fréquemment, mais seulement à des intervalles assez éloignés, cela résulte de la largeur du gros intestin, espèce de seconde cavité établie au-dessous des intestins, comme la vessie pour l’urine. Car pour prévenir chez les animaux le besoin perpétuel de défécation ou de miction, la nature a disposé pour les excréments liquides la vessie, pour les excréments solides ce qu’on appelle l’intestin épais (gros intestin, παχὺ ἔντερον) ou encore, suivant quelques-uns, le ventre inférieur (ἡ κάτω γαστήρ). Il commence au cœcum (τὸ τυφλὸν ἔντερον). En effet, à l’endroit où se termine l’intestin grêle, se trouvent à droite le cœcum, à gauche le colon qui a d’abord remonté à travers la région iliaque droite. Le cœcum est évidemment comme une cavité épaisse propre à recevoir les résidus, et qui a le colon [descendant] pour lui correspondre.

Dans la plupart des oiseaux, à cause de l’énergie de la coction [de l’estomac et des intestins grêles] le cœcum est double[95]. Si donc quelque particule a échappé à l’absorption en traversant l’intestin grêle, il est à coup sûr complétement épuisé par son séjour prolongé dans les cœcum. Comme presque tous les oiseaux sont doués de cette action énergique de l’estomac et des intestins, il existe pour les excréments des réceptacles doubles qui, en prévenant la sortie trop prompte d’un aliment incomplètement digéré, permettent une défécation collective et unique, au lieu d’une défécation perpétuelle et successive. Chez l’homme et chez tous les animaux qui marchent, la nature a créé un cœcum unique qu’elle a établi dans la région iliaque droite. Il trouvait là une place libre appropriée, le rein droit se trouvant au-dessus de lui pour une cause que nous expliquerons plus tard (V, vi).

Chapitre xix. — Par la création des sphincters de l’anus et du col de la vessie, la nature a empêché la défécation et la miction involontaires. — Des artifices dont la nature a usé pour la nutrition des intestins et de l’estomac.


Toutes ces dispositions de la nature sont admirables. Ajoutez encore qu’à la double issue des excréments sont établis, comme une barrière, des muscles qui en préviennent l’expulsion continuelle ou intempestive. En effet, ce qu’on appelle le col de la vessie est musculeux ; et l’extrémité inférieure du rectum (ἀπευθυσμένου τὸ κάτω πέρας) est resserrée par des muscles circulaires. De là, je crois, lui vient pour quelques-uns le nom de sphincter[96]. Car tous les muscles qui sont les instruments du mouvement volontaire, ne permettent aux excréments de sortir qu’après en avoir reçu l’ordre de la raison ; ces sphincters sont les seuls instruments psychiques (organe de la volonté) qu’on trouve sur un si long trajet d’organes physiques (organes du mouvement involontaire, ou de la vie animale), placés aux deux ouvertures destinées à l’évacuation des excréments. Ceux dont les muscles sont paralysés ou gravement affectés de quelque autre façon laissent involontairement échapper leurs excréments, ce qui montre évidemment à quel point la vie eût été honteuse et étrangère aux muses (cf. p. 326 et 330), si dès le principe la nature n’eût pas imaginé quelque chose de mieux.

Les dispositions qu’elle a prises d’avance à cet égard sont admirables comme aussi par rapport à l’estomac et aux intestins qui, non-seulement concourent à nourrir les autres parties du corps, mais encore travaillent à leur propre nutrition ; là aussi la nature n’est restée ni oisive, ni dépourvue d’invention. D’abord elle a créé dans tout le mésentère des veines particulières (lymphatiques) destinées à porter la nourriture dans les intestins et qui ne vont pas au foie. Car, ainsi que le disait Hérophile, ces veines aboutissent à des corps glanduleux (glandes lymphatiques du mésentère), tandis que toutes les autres remontent aux portes du foie. Ensuite, et principalement dans le même but, elle a disposé dans l’épiploon un nombre infini de vaisseaux qui tous doivent nourrir les parties voisines. Ce sont là deux artifices imaginés par la nature pour nourrir complétement l’estomac et les intestins. Il y a bien encore deux autres auxiliaires de la nutrition, le premier consiste dans l’élaboration même de l’aliment, ceci a été démontré (cf. chap. vii et xvii, et Fac. nat., III, xiii) ; le second dans la faculté que possèdent les parties inférieures privées d’aliments par suite d’une longue abstinence d’en tirer du foie, même quand la distribution de l’aliment dans le foie, ainsi que l’exacte élaboration et la séparation de cet aliment une fois arrivé dans le viscère, sont accomplies ; dans ce cas les organes inférieurs éprouvant le besoin d’aliments, ont la puissance d’attirer un sang capable de nourrir. Il y a des gens qui s’étonnent que les mêmes veines servant naguère à la distribution de l’aliment dans le foie, en ramènent dans cette circonstance un sang qui peut nourrir ; ceux-là ignorent les œuvres de la nature et ne connaissent pas davantage la puissance d’attraction des organes qui éprouvent le besoin d’aliments ; nous avons démontré ailleurs cette puissance (Fac. nat., III, xiii)[97].


Chapitre xx. — La nature a réuni les radicules veineuses et artérielles, en un vaisseau unique, comme les radicules des arbres se réunissent pour former le tronc. — Que l’épiploon et le mésentère sont destinés à soutenir les vaisseaux. — Structure du mésentère.


Il ne nous reste encore pour achever l’exposition des parties traitées ici, qu’à parler à ce propos de l’œuvre et de l’habileté de la nature. Chacun des intestins reçoit un grand nombre d’orifices de veines, semblables aux dernières et minces extrémités des radicules d’un arbre (cf. V, ii) ; mais la nature qui dans les arbres réunit ces petites radicules en racines plus fortes, réunit également dans les animaux les vaisseaux plus déliés en vaisseaux plus grands, ceux-ci en d’autres plus grands encore et continue ainsi jusqu’au foie ou elle les confond tous dans la veine unique qui est située aux portes du foie (tronc de la veine porte), veine d’où prennent naissance les veines qui se rendent à l’estomac et à la rate. A l’égard des artères elle les réunit également toutes en une grande artère qui repose sur le rachis (tronc cœliaque).

Un intervalle considérable séparant l’origine des vaisseaux de leur extrémité, il n’était pas prudent de laisser sans protection de si faibles canaux poursuivre leur trajet. Ceux qui remontent vers les portes du foie auraient été suspendus pour ainsi dire, privés de tout appui solide, dépourvus dans leur route de tout auxiliaire pour les soutenir, les affermir et les consolider. Comment donc la nature a-t-elle assuré leur marche, de façon que ni les sauts, ni la chute de l’animal, ni le choc violent d’un corps extérieur ne puissent occasionner une compression, une rupture ou une lésion des vaisseaux (voy. chap. xiv, p. 317) ? Sur la tunique (membrane séreuse) qui relie et enveloppe les intestins, tunique engendrée, avons-nous dit (chap. ix-x), par le péritoine, la nature en a inséré une (mésentère), analogue au péritoine même et dont elle a revêtu les vaisseaux. Dans les intervalles vides entre les vaisseaux, repliant cette tunique en double sur elle-même, elle l’a rendue ainsi moins accessible aux lésions et l’a donnée aux vaisseaux comme ligament et comme protection sûre.

Quant à la plupart des vaisseaux qui complétement suspendus et droits, remontaient vers le foie, à leur point de jonction (sachant que c’était là qu’ils étaient le plus exposés), la nature a placé une espèce de corps charnus appelés glandes (glandes lymphatiques) qui fixés en guise de coins là où les vaisseaux se bifurquent, leur fournissent un appui sûr et une défense contre toute violence extérieure. Nous avons terminé ce qui concerne le mésentère (μεσάραιον). Il nous faut examiner maintenant quel trajet la nature devait de préférence faire suivre à cette grande veine (v. porte) venant du foie qui reçoit toutes les veines du mésentère. Mais ce livre ayant atteint une longueur suffisante, j’exposerai dans le suivant ce point et tous ceux qui restent à traiter sur les organes de la nutrition.



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  1. Ailleurs (XVI, i) Galien compare les artères et les veines aux divisions d’un aqueduc. — Dans le Manuel des Dissections (VI, ii ; cf. aussi chap. III, in med.) Galien prouve qu’il a très-bien compris, comme Aristote, l’unité de composition qui préside à l’organisation des animaux, lorsqu’il écrit, à propos des organes alimentaires : « Ce que j’ai à dire des organes de la nutrition vous paraîtra peut-être difficile à croire au premier abord ; mais si vous examinez beaucoup d’animaux d’espèces semblables ou dissemblables, vous ne trouverez plus rien d’incroyable, vous admirerez au contraire ; et cela vous démontrera qu’un seul art a fabriqué tous les animaux, puisque l’artiste a fait de l’utilité même des parties le but de leur structure (τοὺς σκοποὺς τῆς κατασκευῆς τῶν μορίων τὰς χρείας αὐτῶν πεποίηται). Comme il y a dans tous les animaux une seule utilité commune, en vue de laquelle ils ont besoin de nourriture, vous trouverez dans chaque espèce trois catégories d’organes de l’alimentation. Certains, pour une première raison, ont été créés par la nature dans le dessein de recevoir et d’élaborer l’aliment et de le distribuer dans tout le corps ; les autres, pour une seconde raison, sont destinés à recevoir les superfluités (peu importe qu’on dise περιττά ou περιττώματα avec Aristote) ; les autres organes, qui sont les troisièmes, sont destinés, pour une troisième raison, à l’excrétion de ces superfluités. » Galien ajoute : « L’estomac (γαστήρ) reçoit l’aliment et en prépare l’élaboration qui doit être achevée par le foie, où les veines le prennent pour le distribuer dans le corps. Mais, avant cette distribution, il est purifié au moyen d’organes spéciaux qui enlèvent, les uns les superfluités ténues et légères (conduits que les médecins appellent cholédoques, comme la vésicule biliaire ; cf. Util. des part., IV, xii) ; les autres, les superfluités terreuses et pesantes (rate et la partie inférieure des intestins qui précède le rectum) ; enfin les derniers, les superfluités qui tiennent le milieu entre les deux espèces précédentes, c’est-à-dire celles qui sont aqueuses et séreuses (organes urinaires). Afin de prévenir l’expulsion involontaire et intempestive des excréments (voy. plus loin, chap xix), la nature a placé des muscles à l’extrémité des conduits ou des réservoirs par où doivent s’échapper ces excréments ; c’est pour la troisième raison (l’excrétion) que ces muscles font partie des organes de l’alimentation. Ces trois espèces d’organes, disposées en vue de la nutrition, sont communes à tous les animaux, et les mêmes chez tous. »
  2. Pour ce mot, et pour tous les autres analogues qui se trouvent dans ce livre, voy. ma Dissertation sur les termes anatomiques employés par Galien. Cf. aussi Hoffmann, l. l., p. 59.
  3. On peut rapprocher de ce passage les paroles suivantes de Lactance (De opificio Dei, cap. XI, § 15-16, éd. de Rome, 1754, 8o.) « Cibi vero in alvum recepti, et cum potus humore permixti, quum jam calore percocti fuerint, eorum succus, inenarrabili modo per membra diffusus, irrigat universum corpus, et vegetat. — Intestinorum quoque multiplices spiræ, ac longitudo in se convoluta, et uno tantum substricta vinculo, quam mirificum Dei opus est ! nam ubi maceratos ex se cibos emiserit, paulatim per illos internorum anfractus extruduntur, ut quicquid ipsis inest succi, quo corpus alitur, membris omnibus dividatur. » — Dans la Dissertation sur la physiologie de Galien, je discute les théories anciennes sur la digestion.
  4. On ne sait pas du tout quel est cet ancien, ni s’il fut médecin ou philosophe. Il en est souvent des dénominations comme des inventions ; les siècles adoptent les unes et perfectionnent les autres sans en savoir la première origine. — « Le foie, dit ailleurs Galien (Manuel des dissections, VI, xi, init.), reçoit à sa partie concave les veines qui viennent du mésentère ; on appelle portes du foie le lieu vers lequel toutes ces veines se réunissent en un seul tronc. Vous trouverez donc là une très-grande embouchure de veine (veine porte). » Ce que les anciens appelaient portes du foie, c’est le point d’immergence du tronc de la veine porte dans le sillon transversal, ou ce sillon lui-même. — Voy. la Dissertation sur les termes anatomiques.
  5. De natura ossium, p. 1., éd. de Bâle, Épid. II, iv, 1, t. V, p. 122, éd. Littré ; De anat., § 5, éd. de Triller dans ses Opuscula, t. II, p. 272 ; cf. aussi Hoffmann, l. l., p. 59, et les notes de Triller ; Platon (Timée, p. 71 c) se sert aussi de cette expression. Cf. Aristote, Hist. anim., I, xvii, § 6, p. 16, et VII, viii, § 2, p. 142, éd. Bussem.
  6. Cette citation est empruntée au livre XVIII de l’Iliade, où Homère peint l’entrevue de Thétis et de Vulcain ; cf. Hoffmann, l. l., p. 59-61 ; Galien, De fœt. form., cap. vi, t. IV, p. 607 suiv., et ma Dissertation sur la physiologie de Galien.
  7. Χρύσεα δὲ σφ᾽ ὑπὸ κύκλα (sc. τρίποδας) ἑκάστῳ πυθμένι θῆκεν,
    Ὄφρα οἱ αὐτόματοι θεῖον δυσαίατ᾽ ἀγῶνα,
    Ἠο᾽ αὖθις πρὸς δῶμα νεοίατο, θαῦμα ἰδέσθαι
    (l. l., v. 375-7).

  8. … βῆ δ᾽ ἐπὶ φύσας ·
    Τὰς δ᾽ ἐς πῦρ ἔτρεψε, κέλευσέ τε ἐργάζεσθαι.
    Φῦσαι δ᾽ ἐν χοάνοισιν ἐείκοσι πᾶσαι ἐφύσων,
    Παντοίην εὔπρηστον ἀυτμὴν ἐξανιεῖσαι
    ,

    . . . . . . . . . . . . . . .

    Ὅππως Ἥφαιστος ἐθέλοι καὶ ἔργον ἄνοιτο (l. l., v. 468-73).
  9. … ὑπὸ δ᾽ ἀμφίπολοι ῥώοντο ἄνακτι
    Χρύσειαι, ζωῇσι νεήνισιν εἰοικυῖαι
    .

    . . . . . . . . . . . . . . .

    Αἱ μὲν ὕπαιθα ἄνακτος ἐποίπνυον (l. l., v. 417-21).
  10. Voy. Hoffmann, l, l., p. 61, et mes Dissertations sur la physiologie et sur l’anatomie de Galien.
  11. Dans ce paragraphe fort obscur Galien, si je ne me trompe, compare la rate avec la veine splénique et les veines courtes (vasa breviora) à la vésicule biliaire avec les canaux hépatiques et cholédoques. Dans le chapitre vi cette comparaison est implicitement étendue aux reins avec les veines émulgentes et les uretères. La rate et le rein sont donc considérés, vu leur structure spongieuse, comme des organes creux, dont les aréoles représentent pour ainsi dire une grande cavité cloisonnée. Le canal hépatique, la veine splénique, les veines émulgentes, sont les canaux qui attirent ; les veines courtes et les uretères sont les canaux qui expulsent, les veines courtes déversent dans l’estomac les résidus que la rate ne peut pas s’assimiler (voy. V, iv, fine), et les uretères portent dans la vessie la surabondance de la partie aqueuse du sang. — Quand Galien dit que ces deux espèces de conduits sont placés de chaque côté de la cavité, il faut aider un peu à la lettre du texte et admettre que, par l’expression ἐκατέρωθεν τῆς κοιλότητος, il a entendu que ces canaux se dirigent dans deux sens opposés par rapport à la cavité. Ainsi les canaux hépatique et cholédoque, eu égard à leur direction, peuvent être considérés comme deux branches de bifurcation du canal cystique ; et par conséquent ils sont placés à peu près de chaque côté de la vésicule. La veine splénique est à peu près horizontale et les veines courtes en partent à angle aigu, ouvert en haut et à droite. Une disposition analogue existe pour les veines émulgentes et les uretères, seulement l’angle est ouvert en bas. Voy. du reste la Dissertat. sur l’anatomie.
  12. Galien admet qu’il y a des veines à double courant en sens inverse, et pour lui le tronc de la veine porte parait être de ce nombre ; de cette façon, il a pu faire arriver la veine splénique aux portes du foie ; ainsi le tronc de la veine porte serait moitié veine splénique et moitié veine porte proprement dite.
  13. Voici le passage de Platon dont j’emprunte la traduction à M. H. Martin (Études sur le Timée, p. 215 ; cf. les notes correspondantes) ; « Le feu divise les aliments, s’élève dans l’intérieur du corps en suivant le mouvement de l’expiration, et remplit les veines en s’élevant hors du ventre, dans lequel il puise les aliments divisés en petites parties : c’est ainsi que dans le corps entier de chaque animal se sont formés ces courants de la nourriture qui viennent l’arroser. Mais ces parties nutritives, nouvellement retranchées de substances qui tiennent, les unes de la nature des fruits, les autres de celle de l’herbe, et que Dieu a produites à notre intention précisément pour cet usage, c’est-à-dire pour nous nourrir, ont toutes sortes de couleurs à cause de leur mélange ; cependant la couleur qui s’y répand en plus grande abondance, c’est la couleur rouge, formée par l’action incisive du feu, qui s’imprime dans le liquide : c’est pourquoi la couleur du liquide qui parcourt le corps offre cet aspect que nous avons décrit ; et ce liquide, c’est ce que nous nommons le sang ; c’est lui qui nourrit les chairs et le corps entier, c’est en lui que tous les membres puisent de quoi remplir le vide formé par la fuite des parties qui sortent. Ces pertes et la nutrition qui les répare, ont lieu de la même manière que le mouvement de toutes choses dans l’univers, d’après lequel le semblable se porte toujours vers son semblable. »
  14. Rappelons ici quelques propositions qu’on trouvera développées et commentées dans les Dissertations sur l’anatomie et sur la physiologie. Pour Galien comme pour les modernes, le contenu de la veine porte se dirige des viscères abdominaux vers le foie ; mais suivant Galien, cette veine, qui elle-même part du foie, comme toutes les autres veines, transporte un aliment qui a déjà subi un commencement d’élaboration que le foie est chargé d’achever. — La veine cave naît des veines hépatiques ; elle se porte en haut et en bas et ne constitue en réalité qu’une seule veine, puisque l’oreillette droite n’en est qu’un diverticulum et, pour ainsi dire, une dilatation (voy. liv. VI, ix, xi, xv). La portion de la veine cave qui est au-dessus de l’insertion des veines hépatiques porte le sang dans les parties supérieures, en sorte que, pour Galien, c’est la partie ascendante, tandis que la portion située au-dessous de l’insertion de ces veines hépatiques porte le sang aux parties inférieures, et constitue par conséquent la partie descendante. Donc, pour Galien, la veine cave se comporte par rapport au foie comme l’aorte par rapport au cœur. — Quand Galien dit que la veine cave naît de la face convexe du foie, il entend que c’est plus particulièrement dans cette région qu’on trouve les grosses branches des veines hépatiques, car il savait très-bien que les ramifications de ces veines pénètrent dans tout le parenchyme et s’anastomosent avec celles de la veine porte.
  15. Ὓγρασίν τροφῆς ὄχημα, De aliment., in fine. Cf. Hoffmann, l. l., p. 62.
  16. On a beaucoup discuté sur la faculté nutritive de l’eau. Comme le débat remonte jusqu’aux temps hippocratiques, que les arguments pour et contre allégués de part et d’autre sont nombreux et ont un certain intérêt, je réserve la discussion de cette question, qui d’ailleurs est assez compliquée, pour la Dissertation sur la physiologie de Galien. — Voy. du reste G. Stuckius, Antiq. convivialium, III, vi, Tiguri, 1598, fo 316 vo ; Bonamicus, De alimento, III, i-iii, Florent., 1603, p. 256 suiv. ; Nonnius, De re cibaria, IV, iv ; Robin et Verdeil, Chimie anatomique, Paris, 1853, chap. viii, et particulièrement § 779, p. 148.
  17. Cf. Hoffmann, l. l., et la Dissertation précitée.
  18. Galien fait surtout allusion ici à son traité Des facultés naturelles, et à celui De l’usage du pouls. — Voy.la Dissertation précitée.
  19. Cf. Hoffmann, l. l., p. 62-63, et la Dissertation précitée.
  20. Voy. dans la Dissertation précitée la figure au trait qui représente ce double mouvement décrit par Galien.
  21. Tout ce passage semble un commentaire de deux phrases d’Aristote (Part. anim., II, iii, p. 234, l. 41, et IV, iv, p. 276, l. 40, éd. Bussemaker) : « Les plantes ont des racines dans la terre, car c’est de là qu’elles tirent un aliment tout préparé ; mais pour les animaux, l’estomac et la puissance (faculté, δύναμις) des intestins sont une terre dont ils doivent tirer leur nourriture. C’est pour cette raison qu’existe le mésentère, substance pour qui les veines qui le parcourent sont comme des racines. »
  22. Cf. Facult. nat., III, vi ; Dogm. Hipp. et Plat., VIII, ix ; Comment. in Aph., II, 20, et la Dissert. sur la physiol.
  23. Προὔταξεν · c’est-à-dire elle a placé le thorax entre la bouche et l’estomac.
  24. Le duodénum était considéré tantôt comme un prolongement (ἔκφυσις) soit de l’intestin vers l’estomac, soit de l’estomac vers les intestins (voy. p. 329, note 3, et la Dissertation sur les termes anatomiques), mais ne faisant pas, à proprement parler, partie des intestins, et tantôt comme une partie même du canal intestinal. Galien adopte indifféremment dans ses descriptions, l’une et l’autre manière de voir ; aussi le mot ἔκφυσις est-il pris par lui tantôt dans un sens général, tantôt dans un sens propre, pour désigner la partie qui s’étend du pylore au jejunum, de même que στόμαχος signifie œsophage en particulier ou tout canal étroit. Dans la phrase qui nous occupe nous avons pour l’un et l’autre mot des exemples de ces deux acceptions. — De même encore Galien donne dans ce paragraphe au mot πυλωρός son sens générique et, dans d’autres passages, par exemple dans le Manuel des dissections, ce mot est le nom propre de l’orifice stomacho-duodénal (voy. p. 329, note 3, et, pour tout ce passage assez obscur, la Dissert. précitée).
  25. Chez l’homme le pylore est, pour ainsi dire, plus limité que chez les singes ; il forme, chez l’homme un anneau, chez le singe une espèce d’entonnoir, en sorte que le pylore est beaucoup plus prononcé et beaucoup plus étendu dans ces animaux que dans l’homme. — Cet anneau, de forme irrégulière présente en effet au premier abord l’apparence glanduleuse dont parle Galien. Cuvier (Anat. comp., t. IV, 2e part., p. 25) ne décrit cette disposition que pour les orangs et pour quelques singes de l’Amérique ; mais je l’ai constatée aussi sur les magots. — Elle existe encore chez des animaux d’un autre ordre.
  26. Au chap. vii du livre VI du Manuel des dissections, Galien dit que tout ce qu’il a raconté au sujet des tuniques de l’estomac et des intestins dans le traité De l’utilité des parties, est très-exact ; aussi ajoute-t-il très-peu de détails. « La vessie et l’utérus ont, dit-il, une seule tunique (voy. Utilité des parties, V, xi, xii), non compris le péritoine, qu’on regarde comme une tunique et qui, par conséquent, forme la troisième de l’estomac et des intestins, et la seconde de la vessie et de la matrice. — La tunique interne de l’estomac a des fibres droites, l’externe des fibres circulaires ; le péritoine n’a des fibres d’aucun genre, attendu que c’est un corps tout à fait simple (voy. Utilité des parties, V, xi). Ce n’est cependant pas un fil d’araignée qui n’a pas encore été tissé. Dans les intestins les fibres sont pour la plupart circulaires, quelques fibres droites sont couchées sur ces fibres. » Cette dernière particularité n’est pas notée dans l’Utilité des parties, ni au chap. viii, ni au chap. x. — En somme, Galien a connu et assez exactement décrit les tuniques musculeuse et séreuse de l’estomac ; mais il a ignoré l’existence de la tunique celluleuse, ou peut-être n’a-t-il pas considéré comme une véritable tunique le lacis de vaisseaux et de tissu cellulaire qui la constitue. Il a bien distingué les deux couches (fibres droites et fibres circulaires) dans la tunique musculeuse de l’estomac et des intestins ; et si on considère sa description des deux tuniques de l’estomac, dont l’une, dit-il (Utilité des parties, chap. viii, init.), est constituée par des fibres droites (première couche ou couche superficielle), et l’autre par des fibres transverses (premier et deuxième plan de la seconde couche), on sera porté à croire qu’il n’a pas connu la tunique muqueuse, ou du moins qu’il ne l’a pas distinguée de la tunique musculeuse ; et bien qu’il ne s’exprime pas aussi clairement au sujet des intestins, on peut très-légitimement conclure de l’estomac à ces derniers. Les deux tuniques qu’il leur accorde paraissent n’être autre chose que les deux plans de fibres de la tunique musculeuse. On remarquera aussi que, soit pour l’estomac, soit pour les intestins, la tunique séreuse n’est, pour Galien, qu’une enveloppe accessoire de protection, et que la tunique musculeuse joue le principal rôle dans ses théories sur l’utilité des tuniques. — Quand Galien dit (Utilité des parties, V, xii, init.) que la couche interne (fibres longitudinales ou droites) possède très-peu de fibres obliques, faudrait-il chercher à retrouver dans ce passage la mention des fibres obliques qui, dans l’estomac, appartiennent à la portion cardiaque de la seconde couche de fibres circulaires ? Je n’oserais pas l’affirmer. Voy du reste les chap. xi et xii du livre V, et la Dissertation sur l’anatomie de Galien, où j’ai rassemblé tout ce qui, dans ses ouvrages, regarde la nature des tuniques de l’estomac et des intestins. Dans la Dissertation sur la physiologie, on trouve ce qui concerne leurs usages.
  27. « L’estomac est, après l’œsophage, celle des parties du tube alimentaire qui a les parois les plus épaisses. Toutes les tuniques, à l’exception de la séreuse, augmentent d’épaisseur et de solidité de gauche à droite : le grand cul-de-sac est donc la partie la plus mince, et le pylore la plus épaisse. La grande courbure parait aussi avoir des parois plus minces que les parties supérieures du viscère. » — Huschke, Splanchn., p. 48.
  28. Chez l’homme le foie n’est formé que d’un grand lobe et d’un rudiment de lobule appelé lobe de Spigel. Chez les orangs, et surtout chez le chimpansé, cet organe est très-semblable à celui de l’homme ; mais quand on arrive aux magots, on trouve bien évidemment le foie divisé en plusieurs lobes, ainsi que je m’en suis assuré sur plusieurs exemplaires. Voici, du reste, la description donnée par Cuvier (l. l., p. 438) : « Dans le magot, le lobe principal est partagé par une scissure peu profonde, pour le ligament ombilical, en deux portions inégales, dont la droite est de beaucoup la plus grande ; c’est derrière elle que la vésicule est incrustée (Cuvier et M. Duvernoy ont noté que la vésicule, quand elle existe et qu’elle est attachée au foie, se trouve toujours sur le lobe principal. Galien avait fait aussi cette importante remarque ; voy. p. 305, note 2, init.) — Les lobes latéraux, presque entièrement séparés du lobe principal, sont évidemment surajoutés à ce viscère, ainsi que les lobules, si on le compare à celui de l’homme et des orangs (Cuvier et M. Duvernoy, parlant du foie de l’homme comme type, ou plutôt comme norme, ne reconnaissent chez les animaux que des lobes ou lobules accessoires au lobe principal et au lobule de Spigel ; voy. p. 431-434) ; ils sont grands, le gauche plus que le droit, celui-là de forme semi-lunaire. Le lobule droit est petit, étroit, mais long, prismatique, situé sur la base du lobe de ce nom, comme son appendice ; il n’y est attaché que par un pédicule très-étroit ; le lobe gauche est plus petit, attaché à l’extrême base du lobe principal. Sur deux magots je l’ai trouvé sous-divisé à droite en un petit lobule qui est fixé sur le sein droit par un repli du péritoine, ligament hépalo-rénal. Au-dessous du lobe gauche accessoire se voient les principaux vaisseaux du foie qui sont placés comme dans une sorte d’enfoncement ou sillon transversal, analogue à celui de l’homme. » — Ces remarques suffisent pour établir que Galien a décrit des foies de singe ou d’autres animaux, et non pas des foies d’homme. Voyez, du reste, sur la controverse relative aux lobes du foie et à leur usage, Hoffmann (l. l., p. 65) et la Dissertation sur l’anatomie de Galien ; on trouvera aussi dans cette Dissertation des extraits du chap. viii du livre VI du Manuel des dissections, surtout pour ce qui concerne les notions d’Hérophile, sur le foie.
  29. S’agit-il des muscles antérieurs et internes (psoas-iliaque), ou de la masse des muscles postérieurs qui descendent latéralement le long de la colonne vertébrale ? C’est là un point assez obscur que je discute dans la Dissertation sur l’anatomie. — Voy. aussi la Dissertation sur les termes anatomiques.
  30. Οἷον θερμάσματα. Hoffmann (l. l., p. 66) doute s’il faut entendre ce mot dans le sens de fomentations, sens que lui donne Hippocrate (Rég. des malad. aig., § 7, t. II, p. 268), ou dans celui de réchauds, θερμαντήρια. Au fond, ces deux sens reviennent au même ; il s’agit de foyers, de réservoirs de chaleur avec lesquels l’estomac est toujours en contact. — Dans le Traité des facultés naturelles (III, vii, t. II, p. 163-64), Galien, après avoir énuméré certaines circonstances qui favorisent la coction, parle non-seulement du foie, de la rate et de l’épiploon (voy. aussi plus loin, chap. ix), comme étant chargés de communiquer leur chaleur à l’estomac, mais il ajoute le cœur et le diaphragme (dans le livre XIV, chap xii, de l’Utilité des parties, il compte aussi le poumon) et il les compare à de nombreux foyers ardents placés autour d’un grand chaudron (καθάπερ τινὶ λέβητι μεγάλῳ πυρὸς ἑστίας πολλάς).
  31. Les anciens Grecs, suivant Galien, dans le Manuel des dissections (VI, v, init.), disaient ἐπίπλοον, ou ἐπίπλουν ; voy. la Dissertation sur les termes anatomiques.
  32. « On a dit que la graisse du grand épiploon servait à entretenir une chaleur utile dans l’estomac et les intestins, tandis que le foie faisait en haut, pour l’estomac ce que faisait en bas cet épiploon : on croyait ces abris caloriques d’autant plus nécessaires, que l’estomac et l’intestin étaient des parties membraneuses, dites privées de sang, et conséquemment plus facilement frappées par le froid ; on s’appuyait de l’exemple des animaux qui hivernent, et que nous avons dit avoir un épiploon plus large et chargé de plus de graisse ; on a argué surtout d’une observation de Galien, qui raconte qu’un gladiateur, auquel il avait enlevé une portion du grand épiploon, a ensuite éprouvé une sensation continuelle de froid en cette partie, a été sujet à de fréquentes indigestions (Galien ne parle que de la sensation de froid ; Chaussier a confondu deux observations, celle de Galien et celle de Nancelius ; voy. De omento, par Fr. Reebmann, Argentor., 1753, 4o, p. 22). Mais les motifs sur lesquels on fonde une plus grande disposition de l’estomac et des intestins à être refroidis, sont hypothétiques et vains : les animaux hivernants n’ont pas constamment l’épiploon plus grand et garni de plus de graisse (Cuvier, Anat. comp., 2e éd., t. IV, 2e part., p. 67-69, suiv., paraît cependant regarder ce fait comme général). Mille fois on a enlevé, dans des cas de hernie, de grandes portions d’épiploon sans avoir observé l’effet qu’a signalé Galien ; enfin cet usage ne serait encore applicable qu’à la portion gastro-colique de l’épiploon. » Chaussier et Adelon, article Épiploon du Dict. des sc. médic. — Ziegerus (De omento, Lips., 1717, 4o, p. 20) avait déjà combattu cette opinion de Galien, renouvelée d’Aristote (Part anim., IV, iii, p. 276), partagée par beaucoup d’auteurs, et en particulier par Nancelius (Analog. Microc. ad Macroc., éd. de 1611, col. 621) ; il lui oppose l’observation de Forestus (Observ. chirurg., VI, obs. 7, t. IV, p. 154, éd. de 1653. Voici, du reste, comment Reebmann (l. l., p. 22-23) s’exprime sur ce sujet : « Cum Forestus de aliquo vulnerato, cui indoctus chirurgus omentum abscidit, cuique reliquum suppuratione porro abscessit, quod cum curatus fuerit, non melius se vestiverit, nec a frigore læsus fuerit beneque comederit, memoret ; cum etiam in herniarum operatione omentum sæpe resecetur, absque frigoris sensu aut coctionis detrimento remanente, usum hunc alii firmo stare talo non autument. Attamen, cum exempla in contrarium adsint, et gladiator, de quo Galenus loquitur, gracilior fuerit, in macilentis subjectis omenti præsentiam aut absentiam plus prodesse aut obesse quam quidem in obesioribus, in hac historiarum collisione inferre debemus. » — Toutefois quelques auteurs modernes, entre autres Huschke (Traité de Splanchn., trad. de Jourdan, p. 196), ne donnent pas aussi formellement tort à Galien, et admettent que la situation de l’épiploon et la sécrétion graisseuse dont il est le siège font qu’il maintient la chaleur des intestins. — Les usages mécaniques de l’épiploon paraissent beaucoup plus certains ; voy. par exemple le travail de Chaussier (Essai sur la structure et les usages des épiploons, dans Mém. de l’Acad. de Dijon, 1784, p. 118-127 ; Huschke, l. l., p. 195-6). — On trouvera d’amples et curieux détails sur l’histoire et la critique des dénominations et des usages de l’épiploon dans la thèse de Ziegerus, soutenue sous la présidence de Rivinus. Ziegerus, comme son maître Rivinus, cherche à prouver, par une série d’arguments qui n’ont pas une très-grande valeur scientifique, que l’épiploon est un diverticulum et un réservoir du sang pour l’estomac. Chaussier (l. l.) ne serait pas éloigné d’adopter cette manière de voir, du moins pour la portion gastro-colique : néanmoins il cherche surtout à démontrer que le péritoine a pour usage de permettre l’ampliation de l’estomac. — J’ai peine à croire que le membre de phrase suivant (cet homme était naturellement, etc.), qui semble précisément détruire, au moins en grande partie, l’explication donnée par Galien, appartienne au texte primitif ; j’incline à le regarder comme une addition marginale fort ancienne passée depuis dans le texte.
  33. « Les hommes et les singes ont l’épiploon très-grand : aussi beaucoup d’hommes sont-ils appelés souvent porte-épiploon (ἐπιπλοοκομισταί) ; en effet on nomme ainsi [ceux qui portent] une hernie dans laquelle l’épiploon passe à travers le conduit qui descend aux testicules (canal inguinal). Après l’homme aucun autre animal, si ce n’est le singe, n’est sujet à cet accident. » (Galien, Manuel des dissections, VI, v, initio.) — « L’épiploon existe dans tous les mammifères, et son étendue varie beaucoup, sans suivre le rapport des ordres naturels. On sait que cette étendue n’est pas, à beaucoup près, la même dans les différents individus de l’espèce humaine, que l’épiploon quelquefois n’atteint pas l’ombilic ; que d’autres fois il dépasse à peine ce point ; que dans d’autres cas il descend jusqu’au pubis. Les différences moins marquées dans les autres mammifères pour les individus d’une même espèce, ont lieu pour des espèces d’un même genre et surtout pour des genres différents, quoique d’un même ordre naturel. Ainsi l’on a trouvé que l’épiploon de l’ours brun ne dépassait pas le milieu de l’abdomen, tandis que dans le blaireau et le raton, il se prolongeait jusqu’au pubis. Cependant il a le plus ordinairement cette dernière étendue et remonte même sur les côtés jusqu’aux reins. Dans quelques cas, il est tellement développé qu’après avoir embrassé les intestins en arrière et s’être enfoncé dans le bassin, il revient en avant en longeant le rectum. C’est ce que nous avons observé plusieurs fois dans quelques espèces de singes. L’espèce de cul-de-sac qu’il formait en arrière, en se repliant ainsi sur les boyaux, était retenu par un fort tissu cellulaire à la vessie, au rectum, au mésorectum, et aux côtés du péritoine. Lorsque l’épiploon a cette disposition, non-seulement il augmente les enveloppes des intestins, mais encore il fixe ces viscères plus qu’ils ne l’auraient été sans lui, et empêche, en les contenant, qu’ils ne pèsent trop contre les points faibles des parois de l’abdomen. » (Cuvier, Anat. comp., 2e édit., t. IV, 2e part., p. 676-7.)
  34. Les modernes ont noté que le péritoine est plus mince que la plupart des autres membranes séreuses. Dans le Manuel des Dissections (VI, iv) Galien compare le péritoine (pour l’épaisseur du moins) à une large toile d’araignée. C’est par le péritoine qu’il commence la description des organes abdominaux, mais la manière dont cette membrane se comporte est beaucoup plus facile à saisir quand on a décrit d’abord les organes qu’elle enveloppe.
  35. Ἐκφύσησις. C’est pour Galien un des éléments de la voix. Voy. VII, v.
  36. « Le péritoine enveloppe les viscères, les intestins, les vaisseaux situés entre le diaphragme et la naissance des jambes, et de plus la matrice et la vessie. Son nom dérive de cet usage même (ἀπὸ τοῦ περιτεστάσθαι). » Manuel des Dissections, VI, iv, init. — Voy. l’Appendice et la Dissert. sur l’anat.
  37. De ce passage et du commencement du chap. x, il résulte que Galien n’a pas connu le péritoine pariétal. — Voy. la Dissert. précitée. — Il accorde aussi, mais à tort, une faculté contractile au péritoine.
  38. Sur ces mouvements péristaltiques voy.la longue note d’Hoffmann, p. 67-8, et ma Dissertation sur la physiologie de Galien. — « Le péritoine procure aux viscères abdominaux la faculté de se mouvoir librement. Il est la conséquence et plus tard la cause du mouvement de ces organes, la conséquence du travail de l’accroissement qui a pour résultat de les séparer des parois abdominales, et la cause de la mobilité dont ils jouissent plus tard. Cette mobilité manque à tous les organes qui ne reçoivent de lui aucune enveloppe ou auxquels il n’en fournit qu’une incomplète (pancréas, reins, capsules surrénales, duodénum, etc.). Nulle autre membrane séreuse ne permet aux parties qu’elle tapisse des mouvements aussi libres et aussi variés. » Huechkf, Traité de splanch., p. 179.
  39. On trouvera à peu près les mêmes choses dans le Manuel des dissections, VI, iv, init. ; voy. aussi la fin du présent chapitre et le viie vers la fin.
  40. Voy. pour le mot μήνιγξ la Dissert. sur les termes anatom. et physiologiques.
  41. Dans le Manuel des dissections (VI, iv, in fine), Galien remarque aussi que la partie de péritoine qui enveloppe l’estomac, est plus épaisse que celle qui recouvre le foie.
  42. Voy. pour ce passage très-obscur la Dissertation sur l’anatomie de Galien, et, dans l’Appendice, le chap. iv et v du livre VI du Manuel des dissect.
  43. Dans l’Appendice (chap. v et vi du VIe livre du Manuel des dissections) et dans la Dissertation sur l’anatomie de Galien, on trouve tous les renseignements qui peuvent faire comprendre comment Galien s’est représenté la naissance, les insertions, les connexions, la forme et la marche aussi bien du péritoine que de l’épiploon.
  44. « On a dit avec raison que l’épiploon servait à soutenir les rameaux artériels et veineux qui se distribuent à l’estomac et aux intestins, et à soutenir en général les vaisseaux, tant sanguins que sécréteurs et excréteurs, qui font communiquer la rate et le foie avec l’intestin duodénum. » Chaussier et Adelon, Dict. des sc. médic., article Épiploon. — C’était aussi l’opinion de Vésale, liv. V, chap. iv.
  45. Cf. Bauhin, Theat. anat., I, xii, p. 46, éd. de 1621, 4o. — « Ces provisions de graisse, dit M. Duvernoy, dans Cuvier (Anat. comp., 2e éd., t. IV, 2e part., p. 681) en parlant de la graisse épiploïque et de celle des autres replis du péritoine, donnent à l’animal chez lequel elles ont lieu, la faculté de se passer d’aliments aussi longtemps qu’elles ne sont pas épuisées. » Cette proposition se rapproche beaucoup, comme on voit, de celle de Galien.
  46. Voy. le Manuel des diss., VI, x, init., et la Dissertation sur les termes anatomiques.
  47. Chez l’homme le mésocolon transverse arrive au bord inférieur du pancréas ; chez quelques animaux cette glande est contenue dans le dédoublement des lames de ce mésocolon, lequel paraît être, pour Galien, comme du reste, pour plusieurs anatomistes modernes, un prolongement de l’épiploon. — Voy. la Dissert. précitée.
  48. Pour ces deux insertions très-problématiques, et pour les rapports de l’épiploon avec le pancréas, voy. la Dissertation sur l’anatomie de Galien.
  49. Il serait difficile, d’après ce passage, de savoir si Galien entend seulement ici l’insertion au colon transverse, le long du ligament épiploïque, ou cette insertion et le prolongement qui descend le long du colon ascendant (épiploon colique de Haller) ; mais en se reportant au Manuel des dissect., VI, v, init., où il est dit que l’épiploon se fixe à droite au colon (κατὰ τὰ δεξιὰ μέρη τῷ κώλῳ συναπτόμενον), on sera tenté de croire que Galien a connu cet épiploon colique. — Voy., du reste, pour tout ce paragraphe, la Dissertation précitée.
  50. Voy. Hoffmann, l. l., p. 69, et ma Dissertation sur la physiologie de Galien.
  51. Voy. dans l’Appendice le chap. xii, du livre VI, du Manuel des dissect., qui contient la description des canaux biliaires. ― Voy. aussi la Dissertation précitée sur la manière dont Galien conçoit le rapport de ces canaux avec la vésicule.
  52. Galien dit la même chose dans le Manuel des dissect., VI, viii, init., et il ajoute : « On trouve le foie chez tous les animaux pourvus de sang, et non pas seulement dans les six espèces de ces animaux (voy. chap. iii, init.). Quand le foie existe, la rate existe aussi, ainsi quelles conduits biliaires ; mais tous les animaux ne sont pas pourvus de vésicule. Toutefois ils ne sont pas dans la vérité, les anatomistes qui ont écrit sur tous les animaux chez lesquels ils disent que la vésicule manque. C’est ainsi que Mnésithée s’est trompé à propos de l’éléphant, car cet animal possède une vésicule attachée au foie et d’un volume proportionnel à celui de tout ce viscère. Du reste, la position de la vésicule est toujours la même chez tous les animaux qui en ont une ; elle est attachée au plus grand des lobes du foie (cf. chap. viii, p. 293, la note 1 sur les lobes du foie). » — Aristote (Hist. anim., II, xv, § 5) énumère un certain nombre d’animaux qui n’ont point de vésicule (il l’appelle simplement χολή voy. aussi Rufus dans Oribase, Collect. méd., VII, xxvi, t. II, p. 105 de notre édition) ; mais il n’en accorde pas à tous les animaux pourvus de sang (voy. aussi Part. anim., IV, ii, init.), comme le fait Galien, et en cela il est d’accord avec Cuvier et Duvernoy (voy. Cuvier, Anat. comp., 2e éd. t. IV, 2e p., p. 548 et suiv., et confrontez l’énumération d’Aristote avec celle de ces deux auteurs). La loi qui préside à cette distribution de la vésicule dans les divers animaux, n’est pas encore trouvée ; toutefois on a remarqué que la vésicule manque rarement chez les carnivores, à quelque classe qu’ils appartiennent. — Aristote (l. l., § 7) et Cuvier (l. l., p. 549) s’accordent encore contre Galien à refuser une vésicule biliaire à l’éléphant ; seulement Aristote dit que si on incise la place où doit se trouver la vésicule chez les animaux qui en sont pourvus, il s’écoule un liquide bilieux plus ou moins abondant. — Le même auteur (Part. anim., IV, ii, init.) a très-bien remarqué aussi que la vésicule, quand elle existe, est tantôt attachée au foie, et que tantôt elle en est isolée ; que dans un même genre d’animaux, les uns ont une vésicule et les autres n’en ont pas, et il ajoute : « Ceci se voit aussi chez l’homme, car quelques-uns paraissent avoir une vésicule attachée au foie, et les autres paraissent n’en pas avoir (voy. pour ce passage ma Dissert. sur l’anat. de Galien). Cette particularité est la source de contestations sur tout le genre, car ceux qui ont rencontré l’une ou l’autre disposition sur tous les animaux [qu’ils ont vus] l’attribuent à tous les autres animaux [du même genre]. »
  53. Galien (Manuel des dissect.. VI, xi, in medio) nous apprend qu’Érasistrate appelait cette chair du foie parenchyme, παρέγχυμα (quasi περιέκχυμα dixisset hoc est effusum vasis suis sanguinem, et circum illa demum concretum ; Hoffm., l. l., p. 69). Et il ajoute que cette substance est une espèce de calfeutrage (δίκην στοίβης) placé entre les divisions des vaisseaux et qu’on peut l’enlever complétement avec les doigts, et laisser ainsi ces vaisseaux à nu. — Ce mot de parenchyme est resté dans la science moderne, mais on n’a plus tenu compte de la dérivation primitive ; il signifie la substance propre d’un viscère.
  54. Voy. Aristote, Part. anim., III, xiii. — Cf. chap. vii, p. 264, l. 39 suiv. ― Suivant cet auteur, les viscères diffèrent de la chair, non-seulement par le volume, mais encore parce que [dans les muscles] la chair est à l’extérieur, et que dans les viscères elle est à l’intérieur ; la cause en est que les viscères ont une communauté de nature avec les veines, que les uns sont créés en vue des veines et que les autres n’existent pas sans les veines.
  55. Facultés nat., III, vii ; Temper., III, ii ; Dogmes d’Hipp. et de Platon, VI, viii. — Voy. la Dissert. sur la physiologie de Galien.
  56. « Le plexus hépatique, très-peu considérable proportionnellement à la glande, pénètre, à travers le sillon transverse dans l’intérieur du foie, au pourtour de l’artère hépatique ; mais on ne peut suivre ses ramifications qu’à une très-petite distance dans la capsule de Glisson, et on ignore encore quel est son mode de distribution dans les lobules. » — Huschke, l. l., p. 131. — Comparativement à celui des veines et des conduits biliaires, le calibre de l’artère hépatique est certainement petit ; mais si on considère cette artère en elle-même, elle n’est pas aussi grêle que le dit Galien un peu plus bas.
  57. Pour cette espèce de topographie en apparence si étrange des divers canaux bilieux, artériels et veineux qui parcourent le foie, je renvoie à la Dissertation sur l’anatomie de Galien, et aux figures qui l’accompagnent ; il me serait impossible de donner ici en peu de mots une explication suffisante.
  58. Οὐ συνάπτονται. Il ne faut pas croire que Galien nie les anastomoses des veines hépatiques avec la veine porte ; il connaissait très-bien ces anastomoses, comme on le verra dans la Dissertation sur l’anatomie, il veut simplement dire que les branches des deux ordres de veines ne marchent pas accolées l’une à l’autre.
  59. « Les parois des veines du foie [surtout des veines hépatiques] sont fort minces et paraissent n’être formées que de la seule tunique interne des vaisseaux. Les grosses branches elles-mêmes ne m’ont paru entourées que d’une couche mince de tissu cellulaire ; elles ne reçoivent pas de prolongement de la capsule de Glisson. » — Huschke, l. l., p. 130.
  60. Voyez dans l’Appendice les extraits curieux du chap. xi, livre VI du Manuel des dissections, sur l’anatomie des veines du foie.
  61. Galien semble concéder que la nature n’a pas fait ce qu’elle aurait dû faire, mais ce n’est là qu’un artifice de langage, une sorte d’ironie dont il use volontiers pour mieux écraser ensuite ses adversaires.
  62. Voy. sur ces insatiables buveurs, Athénée, X, ii, et les notes de Casaubon. Cf. aussi Aristote, Hist. anim., VI, ii.
  63. Galien renvoie ici à son traité Des facultés naturelles, en trois livres (cf. particul., I, xiii, suiv., et le livre II), et à celui qui est intitulé : De la substance des facultés naturelles, mais dont il ne reste qu’un fragment.
  64. Galien semble renvoyer ici au livre XVI, où il traite particulièrement de la distribution des veines (chap. xiii et xiv) ; mais je n’y trouve pas de mention du fait qu’il annonce ici.
  65. « Cur ita factum est, ut in simis hepatis sint rami venæ portæ, in gibbis cavæ [v. hepaticæ], in medio horum pori choledechi ? — Ut eo melius purgetur sanguis a bile. Sed revera, imaginarium hoc est totum. Rami enim venæ cavæ non minus perreptant sima hepatis, quam gibba ; quemadmodum rami venæ portæ non minus gibba, quam sima. Et his omnibus locis interjiciuntur pori illi, ut ex omnibus pariter angustiis prolectent bilem. Heic cogitat animus humanus, si Galenus inter ramos utriusque venæ interponit poros bilarios, quomodo rami συναναστομοῦνται ? Et ne putes Galenum non agnoscere has συναστομώσεις, vide quæ de hepatis obstructionibus docet Loc. affect., V, vii. » Hoffmann l. l., p. 70. - Évidemment Galien ne pouvait pas se rendre très-bien compte de la manière dont s’anastomosent les vaisseaux du foie, et comment les veines porte et sus-hépatiques se comportent avec les radicules des canaux biliaires. Toutefois je pense qu’il ne faut pas entendre la phrase, sujet de cette note, comme le fait Hoffmann. Galien ne me paraît pas avoir regardé les canaux biliaires comme des intermédiaires entre les radicules de la veine porte et ceux de la veine sus-hépatique ; mais il s’est figuré que de la veine porte naissaient, suivant un certain angle, les radicules des conduits biliaires, avant que le sang encore impur dans la veine porte, passât dans les veines sus-hépatiques. Voici le texte grec : Βέλτιον ἦν ἐπὶ ταῖς ἀναφερούσαις τὴν ἐκ τῆς κοιλίας τρσφὴν φλεψὶ, προτέρους τῶν διαδεξαμένων φλεβῶν τοὺς ἕλκοντας τὴν ξανθὴν χολὴν τετάχθαι πόρους, ce que les traducteurs latins ont, suivant moi, rendu imparfaitement par ces mots : Satius fuit post venas alimentum ex ventriculo sursum ferentes excepturis id venis poros attrahentes flavam bilem priores fuisse locatos. — Voyez du reste mes Dissertations sur l’anatomie et sur la physiologie de Galien.
  66. Ἵνα μὴ ἀμφοτέρας ὁμοίως διαψύχωσιν vulg. et ms. 2148 (la fin de ce chapitre manque au 2154). Les traducteurs latins suppriment la négation ; mais je crois qu’il faut la conserver, Galien ayant voulu dire que la nature ne voulait pas rafraîchir les deux espèces de veines de la même manière. — Hoffmann (l. l, p. 70) veut voir une contradiction entre ce que Galien dit ici sur les artères, et ce qu’il affirme plus haut (même chap., p. 308), que les divisions de l’artère accompagnent celles des veines dans tout leur trajet ; mais il s’agit de deux faits différents, et dans le passage qui nous occupe, Galien s’est représenté les ramifications des veines sus-hépatiques plus distantes des radicules de l’artère, que celles de la veine porte. Du reste, on comprendra mieux toutes ces idées théoriques sur le rôle des artères dans le foie, quand on aura lu dans les Dissertations précitées l’ensemble des opinions de Galien sur l’anatomie et la physiologie du foie.
  67. Politicus, p. 261 e. — Hoffmann (l. l., p. 71-2) a établi par une longue suite de citations, que Platon et Galien ne se montrent pas systématiquement contraires à la recherche des noms, quand ces noms peuvent servir à faire comprendre les choses.
  68. Voy. tout le livre VI des Dogmes d’Hippocrate et de Platon, et les extraits que j’en ai donnés dans ma Dissertation sur la physiologie de Galien. — Cf. Hoffmann, l. l., p. 72.
  69. Ce n’est pas du foie, mais de l’âme végétative qui y habite, que Platon (Timée, p. 70 e) dit que c’est une bête sauvage (θρέμμα ἄγριον). « Le Créateur, ajoute-t -il, l’a placée aussi loin que possible du cerveau, afin que l’âme délibérante ne fût ni distraite, ni troublée par les appétits grossiers de cette âme végétative. » - Voy. du reste dans la Dissertation précitée les extraits du traité des Dogmes d’Hippocrate et de Platon, auquel Galien renvoie un peu plus bas.
  70. Les modernes ont confirmé cette remarque sur le peu de degré de sensibilité du foie à l’état sain ou morbide.
  71. Les ligaments sont le petit épiploon, les ligaments hépato-duodénal et hépatocolique ; il y a aussi un ligament hépato-rénal. Voy. pour ce dernier, note 1, in medio de la page 293.
  72. Hoffmann (l. l., p. 74) remarque avec raison que Galien ne parle pas du ligament rond formé par la veine ombilicale du fœtus oblitérée, et qu’il regarde même cette veine comme inutile après la naissance (voy. VI, xxi). Du reste ce canal veineux n’est, à vrai dire, un ligament qu’accidentellement et secondairement, Galien ne paraît pas avoir non plus distingué ce qu’on appelle le ligament coronaire (voy. p. 318, note 2). — Hoffmann ajoute : « Experientia docuit, adeo in sublimi continere hepar, ut reciso umbilico subito suffocetur animal, impedito jam diaphragmatis motu ab hepate propendente. Hoc docuerunt Ægyptii primi omnium anatomici (!). Hi enim, scribente Scaligero adversus Cardanum, p. 246, grassatores et rebelles pro supplicio vivos exuunt corio. Ita ii demum magno cum cruciatu vivunt, si carnifex umbilicum ferro non attingat. Eo enim tacto, subito exspirant. Sed quæ causa est ?… Concidente (inquit Laurentius, Hist. 1, cap. xvii ; cf. etiam cap. viii) vena umbilicali, hepatis vinculo, collabitur hepar, a quo trahitur diaphragma, princeps respirationis organum. Ex hoc causam reddit subitaneæ mortis adolescentis cujusdam F. Hildanus, Sel. observ. chir. [obs. 20, à la suite de Fontanonus, Francof. 1600, 8o, p. 557]. »
  73. Je trouve dans Cuvier (Anat. compar., t. IV, 2e part., p. 425) des vues analogues, mais nécessairement appuyées sur des considérations d’un autre ordre. « Le foie est constamment rapproché du cœur, comme si la veine cave avait dû se débarrasser de suite du sang qu’elle reçoit par les veines hépatiques ; ou pour pouvoir, dans des cas plus rares, se décharger au besoin dans ces dernières veines, du sang qui ne peut arriver dans les poumons, lorsque la respiration est momentanément suspendue dans les mammifères et les oiseaux, surtout dans ceux qui plongent. Ce rapprochement entre le foie et le cœur tient, sans doute encore, à la circulation du fœtus. »
  74. Voy. pour l’explication de ce passage la Dissert. sur l’anat. et p. 317, note 2.
  75. Τὸν μὲν ἐγὼ βούλευσα κατὰ μεγαλήτορα θυμὸν,
    Ἄσσον ἰὼν, ξίφος ὀξὺ ἐρυσσάμενος παρὰ μηροῦ,
    Οὐτάμεναι πρὸς στῆθος, ὅθι φρένες ἧπαρ ἔχουσι,
    Χεῖρ᾽ ἐπιμασσάμενος.

    (Odyssée, IX, 299-302.)

    Il ne paraît pas certain, quoi qu’en dise Galien, qu’Homère ait eu en vue l’ouverture de la veine cave ; ses expressions sont si vagues qu’on peut seulement en conclure qu’il se figurait une blessure intéressant à la fois les organes contenus dans la poitrine, et quelques-uns des viscères les plus importants de l’abdomen.

  76. D’une part le péritoine remonte sur la veine jusqu’au point où elle rencontre le diaphragme ; d’une autre part la portion aponévrotique de ce muscle que traverse la veine cave lui envoie des deux côtés des prolongements fibreux. De plus, cette veine est maintenue dans la gouttière du foie par des faisceaux fibreux ou par la substance même du foie qui convertissent cette gouttière en canal. Dans la Dissertation sur l’anatomie, je tâche de déterminer lequel de ces moyens Galien a décrit.
  77. Voy. la Dissertation sur les termes anatomiques pour les mots φρήν et διάφραγμα.
  78. Les modernes ont confirmé cette observation. Voici comment Huschke s’exprime à cet égard (l. l., p. 114) : « Le ligament suspenseur n’est pas tendu verticalement : ses deux faces, la droite et la gauche, se tournent en même temps, la première vers le haut, pour entrer en contact avec la tunique péritonéale du diaphragme, la seconde en bas, pour reposer sur la face supérieure du lobe droit, de manière que cette portion du foie n’arrive jamais à toucher le diaphragme. » — Si je ne me trompe, il faut encore trouver dans le passage qui nous occupe une nouvelle allusion au ligament suspenseur. — Voy. p. 315, note 2.
  79. Il me semble, d’après la phrase suivante, qui se rapporte évidemment à Érasistrate, que cet auteur n’a pas nié absolument l’utilité de la rate, comme Galien le lui reproche ; car s’il ne lui accordait aucune fonction active, il la regardait du moins comme formant une espèce de contrepoids au foie, ou plutôt comme représentant en quelque sorte ce viscère à gauche et rétablissant ainsi le parallélisme entre les deux côtés de l’abdomen. Cela me parait avoir été aussi le sentiment de Rufus (De appell. part. corp. hum., p. 59, éd. de Clinch) qui qualifie la rate ἄπρακτος καὶ ἀνέργητος — Voy. du reste la Dissertation sur la physiologie de Galien.
  80. Cf. chap. xiii et suivez la comparaison du foie et de la rate, comparaison qui est certainement dans la pensée de Galien. — Voy. Hoffmann, l. l.,p. 76.
  81. Voy. particul. Util, du pouls, chap. i ; Causes du pouls, I, iii ; Différ. du pouls, IV, ii ; Prés. tirés du p., IV, xii ; Causes des sympt., chap. iii. — Cf. la Dissertation sur la physiologie de Galien'.
  82. Galien parle de deux prolongements qui vont de la rate vers l’épiploon. Dans le Manuel des dissections (VI, x, voy. note 2 du même chap., p. 323), il s’agit évidemment d’un prolongement vasculaire, mais il me semble que l’auteur a voulu parler ici du ligament gastro-splénique qui, à vrai dire, n’est qu’un appendice gauche et postérieur du grand épiploon avec lequel il se continue sans interruption. Cette interprétation me semble aussi résulter de ce qui est dit des attaches de l’épiploon à la fin de notre chap. xi.
  83. Je ne sais s’il faut voir ici un rappel du ligament gastro-splénique (voy. chap. xi, p. 303).
  84. Dans le Manuel des dissect., VI, x, on trouve quelques autres détails anatomiques sur la rate : « La concavité de la rate est tournée à droite ; du foie lui vient une veine (v. splénique, qui est un rameau de la veine porte), et, à son tour, cette veine en envoie une à l’estomac ; quand la veine venue du foie s’est ramifiée dans toutes les parties du viscère, une partie de cette veine (veines courtes) se porte à la partie convexe de l’estomac (grosse tubérosité), une autre au côté gauche de l’épiploon (v. gastro-éplipl. gauche). Ces dispositions sont communes à tous les animaux pourvus de sang ; mais la rate n’a ni la même grandeur, ni la même couleur chez tous les animaux ; chez ceux qui sont vigoureux et d’un tempérament chaud (le lion, le chien, par exemple), elle est passablement noire ; chez le cochon et chez tous ceux dont le tempérament est froid et humide, elle est plus blanche. » (Voy. Cuvier, t. IV, 2e part., p. 625, suiv. et 638). — Galien n’a point parlé des crénelures du bord antérieur, attendu qu’elles sont à peine marquées sur le magot ; chez cet animal la rate est seulement divisée, par une légère scissure, en deux lobes arrondis. Du reste il est difficile, sur les singes qui meurent dans les pays froids, de juger de la forme régulière de la rate, car ce viscère est presque toujours farci de tubercules qui en changent les contours. — Galien a négligé de décrire, et il a seulement mentionné d’une façon fort obscure les ligaments qui unissent la rate au diaphragme et à l’estomac (lig. phrénico-splénique et gastro-splénique), et qui cependant sont très-apparents. — Le moyen d’union et de suspension qu’il paraît distinguer le plus nettement, c’est le tissu cellulaire dense qui fixe la rate par son bord postérieur et par une petite portion de sa convexité, à la région lombaire du diaphragme, voy. le commencement du chapitre, p. 322. — Galien parle des nerfs de la rate dans le chap. v du livre X.
  85. Τὸ μέν πού συγχρῆται πρὸς τὸ βέλτιον ἑκάστῳ τῶν ὀργάνων ἡ φύσις, τὸ δέ τι κἀξ ἀνάγκης ἕπεται πᾶσι τοῖς ἕνεκά του γεγονόσιν. — C’est là une formule aristotélique que, dans ma Dissertation sur la physiologie de Galien, j’ai discutée, après avoir rapporté les divers passages des écrits d’Aristote, où elle se trouve. — Cf. aussi Hoffmann, p. 77-8.
  86. Cette pensée se trouve dans l’Histoire des animaux, VIII, i, § 2-3, mais Galien ne l’a pas rapportée textuellement, il n’en prend que le sens le plus général ; voici la traduction du passage d’Aristote : « Ainsi la nature passe peu à peu des êtres inanimés aux animaux, de sorte que, dans la série continue, on ne peut reconnaître lesquels sont aux confins et lesquels occupent le milieu ; car, après les êtres inanimés vient d’abord le genre des plantes, et, parmi elles, les unes diffèrent des autres suivant qu’elles paraissent plus ou moins participer à la vie. Tout ce genre, comparé aux autres corps, paraît presque animé ; comparé aux animaux, il paraît inanimé. Le passage des plantes aux animaux est insensible ; car, parmi les êtres qui sont dans la mer, on peut se demander, pour quelques-uns, si ce sont des animaux ou des plantes. » — Aristote étend les mêmes considérations aux manifestations générales de la vie, mouvement, sensibilité, nutrition, génération ; plus haut il avait montré que les mœurs des animaux sont un vestige de celles mieux dessinées de l’homme ; sous ce rapport, les animaux ne diffèrent de l’homme que du plus au moins, et l’homme ne diffère aussi de beaucoup d’animaux que du plus au moins. — « Du reste, ajoute-t-il, l’enfant n’a que les vestiges des mœurs qu’il aura plus tard, de sorte qu’à cet âge l’âme ne diffère guère de celle des brutes ; aussi n’est-il pas étonnant que les animaux aient des mœurs, ou identiques, ou semblables, ou analogues à celles de l’homme. » — Cf. aussi Galien, Utilité des parties, XIV, vi.
  87. Part. anim., III, xiv ; Hist. anim., II, xvii. — Cf. Galien lui-même, Adm. anat., VI, iii. — On voit, du reste, qu’il avait eu le dessein d’écrire plus amplement sur ce sujet, mais il ne paraît pas avoir accompli son projet, ou son livre n’est pas arrivé jusqu’à nous. — Voy. sur la longueur proportionnelle et la forme comparative des intestins, Cuvier, t. IV, p. 173, suiv. et p. 226, suiv. — Les modernes ont confirmé l’opinion des anciens, que la forme et la longueur du canal intestinal sont en rapport avec le genre d’alimentation.
  88. Voy. le traité Si du sang est contenu dans les artères. — Cf. Manuel des dissect., VI, xvii ; Utilité des parties, V, xi, et XIV, xiv. — Voy. aussi la Dissertation sur la physiologie de Galien.
  89. Voyez, pour cette proposition, amendée et rectifiée un peu plus bas, et pour la détermination de ces tuniques, la Dissertation sur l’anat. de Galien.
  90. C’est là une proposition vraie, et qu’on peut établir en partie par la seule inspection des matières évacuées, car Galien ne l’avait pas vérifiée par l’anatomie pathologique. Voy. la Dissertation sur la pathologie de Galien.
  91. Galien désigne ici les bandelettes musculeuses appelées ligaments du colon ; comme les deux latéraux sont beaucoup plus apparents que le postérieur lequel est caché dans l’écartement du mésocolon, il ne mentionne pas ce dernier. — Voy. la Dissert, sur l’anatomie.
  92. C’est ce qui constitue la tunique ou membrane séreuse de la plupart des viscères abdominaux. — Sans doute il faut trouver aussi dans ce passage une mention indirecte du mésentère et du mésocolon. Voy. la Dissert. sur l’anatomie et, dans l’Appendice, les chap. iv à vi du livre VI du Manuel des dissections.
  93. Galien semble ici ranger le colon parmi les intestins grêles ; mais on verra, en lisant le commencement du chapitre suivant, que c’est simplement un vice de méthode dans l’exposition, et qu’il fait commencer les gros intestins avec le cœcum. Voici du reste ce que dit Galien sur les intestins dans le chap. ix du livre VI du Manuel des dissect. : « La nature des intestins est la même chez tous les animaux ; ils diffèrent seulement par la longueur et par le nombre de leurs circonvolutions. Chez l’éléphant et le cheval, l’intestin est très-large ; chez le cochon, les circonvolutions sont nombreuses, et tout l’intestin est très-long ; il offre, de plus, des particularités notables dans ses diverses parties. — L’intestin a la même forme chez le singe et chez l’homme (un des termes de comparaison, l’homme, manquant à Galien, il n’a pu noter chez le magot l’absence de l’appendice cœcal, la forme particulière du cœcum et son mode d’union avec l’intestin grêle. — Voy. Cuvier, l. l., p. 216-217) ; d’abord on voit le prolongement (duodénum) que l’intestin reçoit du pylore (cf. même livre, chap. v et xii, initio, chap. xiii, et voy. aussi Utilité des parties, IV, vii, p. 289, note 1) ; après ce prolongement qui a douze doigts d’étendue, comme le dit très-exactement Hérophile, l’intestin se replie de toutes les façons en circonvolutions parsemées d’une multitude de vaisseaux ; on appelle cette partie νῆστις (jéjunum) parce qu’on la trouve toujours vide d’aliments. La troisième partie (iléon), appelée spécialement intestin grêle, vient ensuite ; elle est semblable par la ténuité de ses parois à la partie précédente, mais elle en diffère en ce qu’elle n’est pas vide d’aliments et qu’elle n’a pas un aussi grand nombre de vaisseaux ; à la suite est l’intestin qu’on appelle borgne (cœcum), puis le colon, enfin on trouve l’intestin appelé ἀπευθυσμένον (rectum) et qui s’étend depuis le colon jusqu’au siège. » Si on rapproche ce chapitre du chap. xviii De l’utilité des parties, on verra que Galien a divisé et subdivisé les intestins exactement comme les modernes. — Voy. aussi V, ii, et la note correspondante.
  94. Cf. Aristote, Part. anim., IV, xiv ; Gener. anim., I, iv. — « Chez les mammifères qui manquent de cœcum, dit Cuvier (t. IV, 2e part., p. 216), le canal intestinal est tout d’une venue, conservant partout un diamètre à peu près égal, diminuant même un peu quelquefois en allant vers l’anus. »
  95. Ce fait, déjà signalé par Aristote (Part. anim., III, xiv), a été confirmé par les anatomistes modernes. Voy., entre autres, Cuvier (Anat. comp., 2e éd., t. IV, 2e part., p. 271 et 273). — On remarquera que Galien ne parle jamais de l’appendice vermiculaire du cœcum, appendice qui ne se trouve en effet parmi les singes que chez les gibbons et les orangs. — Cf. Cuvier, l. l., p. 220. — Voy. aussi chap. xvii, p. 330, note 1.
  96. Voy. la Dissertation précitée sur la détermination des muscles qui entourent le rectum et sur tous ceux qui sont destinés médiatement ou immédiatement, soit à retenir, soit à expulser les excréments. — Cf. V, xiv, et Manuel des dissect., VI, xiv. — Il semble, d’après le passage qui nous occupe, que ce n’était pas au muscle lui-même, mais à l’extrémité du rectum que Galien donnait le nom de sphincter : καὶ δὴ τοὔνομα αὐτῷ σφιγκτῆρα διὰ τοῦτο [τὸ ὑπὸ μυῶν ἐν κύκλῳ περικειμένων σφίγγεσθαι] οἱ τεθεικέναι τινάς. — Cf. du reste la Dissertation sur les termes anatomiques.
  97. Dans la Dissertation sur la physiologie de Galien, je cherche à faire comprendre cette théorie, aussi obscure qu’erronée, de l’alimentation des intestins et de l’estomac. On y trouvera discuté un passage qui concerne Hérophile. — Dans l’Appendice, j’ai aussi donné la traduction du chap. vi du livre VI du Manuel des dissections, sur le mésentère et ses vaisseaux.