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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, II, xvii.

soit des ligaments, soit du mode d’union des os entre eux, ce qui arrive pour les os quand les rebords de leurs cavités sont très-peu élevés et qu’ils n’ont de crêtes d’aucun côté. Et certes, bien que les cavités soient munies de crêtes, lorsque le rebord de ces crêtes est brisé dans des mouvements violents, non-seulement les os se luxent actuellement, mais cette disposition à se luxer leur reste toujours ; d’où l’on voit que la structure parfaite des articulations ne contribue pas peu à les empêcher de se luxer.

Pourquoi donc la nature n’a-t-elle pas mis toutes les articulations à l’abri du danger ? parce qu’il existe un antagonisme nécessaire entre la variété des mouvements et la solidité des articulations, et que ces deux conditions ne pouvaient pas coexister au même degré. L’une dépend de la laxité dans les moyens d’union, l’autre d’une contraction circulaire exacte et ferme. Là où la variété des mouvements était sans danger, il était inutile et superflu d’inventer quelque chose pour la solidité ; mais là où cette variété était dangereuse et exposait aux déplacements, elle a préféré la sûreté à la variété[1]. Pourvoyant plutôt à la sûreté qu’à la variété dans les articulations du coude et du carpe, et s’exposant en même temps au danger de rendre le bras semblable à un membre estropié en le réduisant à un seul mouvement, elle a ajouté à chacune de ces articulations une articulation accessoire[2], mode d’union qui permet les mouvements latéraux. Quant à l’articulation de l’épaule, il ne s’y passe pas seulement des mouvements d’extension et de flexion, mais aussi des mouvements de rotation en tous sens ; en effet, la tête de l’humérus est ronde, les liens sont lâches, enfin la cavité du col de l’omoplate est peu profonde, et dans toute son étendue en harmonie parfaite avec la tête de l’humérus. L’articulation du carpe comme celle du coude, étant au contraire fortement serrée de tous côtés, ne peut avoir ni un mouvement varié,

  1. Dans son ardeur à tout expliquer et à tout justifier, Galien ne s’est pas aperçu qu’à l’épaule comme dans toutes les articulations dont les mouvements sont variés, la facilité aux déplacements est plus grande qu’aux articulations fortement serrées, et que les luxations y sont souvent très-difficiles à réduire. Pour l’épaule, du moins chez l’homme, la nature a évidemment sacrifié la solidité des mouvements à leur variété et à leur étendue.
  2. Voy. II, xi, et la note 3 sur l’articulation du carpe avec l’avant-bras. — Cf. aussi plus bas le chap. xviii.