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DE LA MAIN.

Toutefois, ô très-sages accusateurs ! la nature vous répondrait qu’il fallait donner à un animal risible par l’essence de son âme, un corps d’une structure risible : or, la suite de ce discours montrera comment tout le corps du singe est une imitation risible de celui de l’homme (voy. XIII, xi). Mais voyez maintenant combien sa main est ridicule, en songeant avec moi que si un peintre ou un modeleur imitant la main de l’homme, se trompait dans sa représentation d’une manière risible, sa bévue n’aurait pas un autre résultat que de produire une main de singe ; car nous trouvons surtout plaisantes les imitations qui tout en conservant la ressemblance dans la plupart des parties, se trompent gravement dans les plus importantes. Quelle utilité retirera-t-on donc des quatre autres doigts bien conformés, si le pouce est si mal construit qu’il ne peut plus recevoir l’épithète de grand ? Telle est sa disposition chez le singe ; de plus, il est tout à fait ridicule et s’éloigne peu de l’index. Aussi, dans cette circonstance, la nature s’est montrée juste, comme Hippocrate a coutume de l’appeler souvent[1], en enveloppant une âme ridicule dans un corps ridicule. C’est donc avec raison qu’Aristote[2] déclare tous les animaux d’une structure aussi belle et aussi bien ordonnée que possible, et qu’il cherche à démontrer l’art qui a formé chacun d’eux ; mais ils sont dans la mauvaise voie, ceux qui ne comprennent pas l’ordre qui a présidé à la création des animaux, et particulièrement de celui qui est le mieux construit de tous, mais qui livrent un grand combat, et qui craignent qu’on ne leur démontre qu’ils ont une âme plus sage que les animaux sans raison, ou un corps construit comme il convient à un animal doué de sagesse. Mais laissons ces gens-là !

  1. On trouvera dans l’Œconomie de Foës (voce δίκαιον) l’indication de plusieurs passages ou les auteurs hippocratiques donnent à la nature l’épithète de juste. — Voy. aussi chap. xvii, p. 144.
  2. Cf. particulièrement Part. anim. I, v ; IV, x ; De juv. et senect. iv, § 1 ; De anima, II, iv, 5 (voy. p. 112, et la note) ; III, xii, 3. — Je citerai entre autres ces passages, tirés du traité Des parties des animaux (IV, x, éd. Bussemaker ; p. 290, l. 16 et suiv.) : « La nature, comme un homme prudent, a toujours coutume de distribuer chaque organe aux animaux qui peuvent s’en servir… Parmi les choses convenables, elle fait toujours les meilleures. »