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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, I, xxii.

comme s’il équivalait à toute la main ; car on voyait que les fonctions de cette partie étaient abolies aussi bien par l’ablation du pouce que par celle des quatre autres doigts[1]. De même, si la moitié du pouce est détruite d’une manière quelconque, la main devient aussi inutile, aussi difforme que par une mutilation semblable des quatre autres doigts. Eh bien, fameux sophistes, habiles contempteurs de la nature, avez-vous donc jamais vu chez les singes ce doigt que généralement on appelle anti-main, et qu’Hippocrate[2] nommait le grand doigt ? Si vous ne l’avez pas vu, comment osez-vous dire que le singe ressemble en tout à l’homme ; si vous l’avez vu, il vous a paru court, grêle, estropié et tout à fait risible, comme du reste l’animal tout entier. « Le singe est toujours beau pour les enfants, » nous dit un ancien[3], nous avertissant en cela que cet animal est un joujou risible pour les enfants qui s’amusent, car il cherche à imiter toutes les actions des hommes ; mais il se trompe toujours et prête à rire. N’avez-vous jamais vu un singe s’évertuant à jouer de la flûte, à danser et à écrire ; en un mot, à faire tout ce que l’homme accomplit parfaitement ? Eh bien, que vous en semble ? Réussit-il entièrement comme nous, ou bien n’est-il qu’un imitateur ridicule ? Peut-être rougiriez-vous de dire qu’il en est autrement.

  1. Voy. p. 120, note, ce qu’Aristote dit à ce sujet, et Cf. chap. xxiii, init. - Hoffmann (l. l., p. 22), dont l’érudition est variée, étendue, mais non pas toujours discrète, emprunte, pour illustrer, dit-il, ces passages de Galien, à l’histoire profane et sacrée une foule d’exemples qui prouvent combien l’ablation du pouce est désavantageuse ; et il montre qu’on la pratiquait souvent chez les prisonniers de guerre !
  2. De l’officine, § 4, t. III, p. 226. — Cf. aussi I, ix initio, p. 127. — Aristote (Part. Anim. p. 291, l. 7. éd. Bussem.) dit que le pouce a été appelé grand, bien qu’il soit petit, parce que les autres doigts sont inutiles sans lui.
  3. Pindare, Pyth. Carm. II, v. 131-133, éd. Heyne (v. 72-3, éd. Bergk). — Voy. aussi les Scholies, T. II, p. 519, éd. Heyne.

    …καλός τοι
    πίθων, παρὰ παισὶν αἰεὶ
    καλός…

    On trouvera dans le Commentaire d’Hoffmann (p. 20) quelques développements curieux, et entre autres cette pensée d’Héraclite, rapportée par Platon (Hipp. maj. p. 289 b), « que si le singe est un être ridicule par rapport à l’homme, l’homme, l’être le plus sage, est, par rapport à Dieu, un singe pour la sagesse, la beauté et les autres avantages. »