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DE LA MAIN.

ne posséderait pas les autres. Comme il était mieux de se servir de toutes les armes et d’exercer tous les arts, l’homme n’en a point reçu de la nature. Aristote a donc dit excellemment que la main est, en quelque sorte, un certain instrument qui tient lieu d’instruments[1]. À l’imitation d’Aristote, nous pourrions aussi très-bien soutenir que la raison est un certain art qui tient lieu des autres arts. En effet, comme la main, n’étant aucun des instruments particuliers, tient lieu de tous les instruments, puisqu’elle peut très-bien les manier tous, de même la raison, qui n’est aucun des arts particuliers, puisqu’elle est capable de les recevoir tous, serait un art qui tiendrait lieu des arts. L’homme donc, étant de tous les animaux le seul qui possède dans son âme un art qui tient lieu des arts, jouit en conséquence dans son corps d’un instrument qui tient lieu des instruments.


Chapitre v. — De l’utilité de la division de la main en doigts et de l’opposition du pouce avec les autres.


Examinons d’abord cette partie de l’homme (c’est-à-dire la main)[2], et voyons non pas seulement si elle est simplement utile, ni si elle convient à un animal doué de sagesse, mais si elle a dans tous ses détails une structure telle qu’elle n’en pourrait avoir une meilleure, si elle était autrement construite. Une condition première et capitale que doit remplir, pour être parfaitement construit, un

  1. Ὄργάνον τι πρὸ ὀργάνων. C. Hoffmann (p. 8) après Piccart, entend : Instrumentum omnium primum, seu perfectissimum, mais dans Aristote le contexte oblige je crois à traduire πρό ainsi que je l’ai fait, bien que le sens d’Hoffmann soit peut-être plus naturel. Du reste, au fond, ces deux sens reviennent à peu près au même. — Voy. aussi dans ce volume p. 113, note 1.
  2. Galien commence par la main, parce qu’elle est en quelque sorte l’organe caractéristique de l’être humain, et qu’elle a les fonctions les plus apparentes, en sorte qu’on passe, dans la recherche de l’utilité des parties, des phénomènes les plus manifestes aux plus cachés. Voy. aussi le commencement des chap. viii et ix. — J’avais résolu d’ajouter au texte de Galien des notes tirées des auteurs ecclésiastiques qui ont traité de la nature de l’homme au point de vue des causes finales ; mais ces notes sont devenues si nombreuses, et forment d’ailleurs un tel ensemble de doctrine, que j’ai préféré les réunir dans une dissertation qui fait partie de mon Introduction.