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railleuse et sceptique l’imagination ardente, l’enthousiasme de la jeunesse et le feu des plus nobles passions ; qui, au milieu des orgies d’une monarchie décrépite, évoquant les ombres des héros de Plutarque et les austères souvenirs de Rome et de Sparte ; religieuse avec les philosophes, indépendante avec les croyants, repoussée de toute part et plus malheureuse encore de ses propres faiblesses que de l’injustice et du mépris des autres, n’a connu la vie que par ses amertumes, la société que par ses rivalités et ses luttes, la gloire que par ses épines. Cependant Rousseau est forcé de reconnaître que la société une fois fondée, il est difficile de la dissoudre et de retourner, comme il dit, vivre dans les forêts avec les ours. Il convient même que la société a du bon. et que c’est elle qui développe en nous l’idée de la justice, le sentiment du devoir ; qui donne à nos actions la valeur morale dont elles manquaient auparavant ; qui fait succéder la raison à l’instinct, le droit à la force ; qui excite, provoque, étend toutes nos facultés et, pour employer ses expressions mêmes[1], d’un animal stupide et borné fait un être intelligent et un homme. Mais, à la place de la liberté physique qu’elle nous ôte, c’est-à-dire du droit illimité d’user de toutes les choses qui nous tentent et que nous pouvons atteindre, il veut que la société nous donne la

  1. Contrat social, liv. I, chap. 8.