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autant le Centurion efface Marie Calumet. Autant Joe Tarte est au-dessus d’Eugène, autant le roman de M. Routhier est au-dessus des vers de l’abbé Burke. Dans deux ou trois cents ans, quand depuis longtemps on aura perdu le souvenir de Jules Allard et de Jérémie Décarie ; quand la mémoire même du juge Cimon ne sera plus qu’une ombre ; quand au fond de quelque musée le squelette athlétique de M. Jetté achèvera de tomber en poussière ; quand dans les bureaux de la Presse, hantés par le spectre de Dansereau, on n’entendra plus à minuit que le heurt des assiettes contre les bouteilles et le roulement sourd des tonneaux de scotch sur les planchers ébranlés, on n’aura pas encore cessé de lire le Centurion.

M. Routhier sait cela. Il sait que, depuis les plages de Gaspé jusqu’aux rives du Pacifique, il n’y a d’égale à la pureté de son style que la pureté de son âme.

Il sait qu’il a du génie, et que le Centurion est un chef-d’œuvre.

⁂ Et ce chef-d’œuvre est un talisman, et ce talisman l’a suivi dans ses explorations.

Or, notre auteur a le cœur large ; il n’a pas voulu garder pour lui seul ce trésor unique.

Bien au contraire, il paraît en avoir fait profiter tous ses compagnons de voyage, depuis l’aristo de la première jusqu’au prolétaire de