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CORRESPONDANCE

commun une histoire touchante et pas canaille. Seulement, pour l’amour de Dieu, ou plutôt pour l’amour de l’Art, fais encore attention et change moi quelqu’un de ces passages, les seuls auxquels je trouve à redire (voir mes avis précédents) :

1o Plombait[1], qui j’en suis sûr est mauvais ;

2o La douleur est d’airain ;

3o Les fers qui s’attachent à des ailes, au milieu des ruines de l’âme. Le passage peut du reste se passer de ces quatre vers et s’arrêter à « Perdue en toi commence à se tarir » ;

4o Enfin, et surtout le Christ qu’il faut retrancher. Cela donne un caractère couillon, néo-catholique, à ton œuvre, et abîme tes parfums.

Pas de Christ, pas de religion, pas de patrie ; soyons humains. Et puis c’est peut-être le seul endroit de ton œuvre qui choquera. Je sais bien qu’il y a âme du pauvre, mais le lecteur n’y verra pas moins que le Christ doit recueillir surtout les âmes des filles qui font des enfants. Le reste passera.

5o de tes grands feux de branches d’olivier.

Quant à vouloir publier ce conte comme étant d’un homme, c’est impossible puisque, à deux places, parlant des femmes, tu dis nous. Passages très bons, très à leur place et auxquels il ne faut rien changer. Publie donc cela franchement et avec ton nom, puisque c’est de beaucoup ta meilleure œuvre. Quant à la Revue des Deux-Mondes, à

  1. Voir Correspondance, II, Appendice, où nous avons donné de la Paysanne la partie précédemment corrigée par Flaubert.