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LE DÉDOUBLEMENT DES CANAUX.

L’apparition de 1892 est venue, et l’on a vu plusieurs dédoublements. Il en a été de même en 1894. Ainsi l’hypothèse qui subordonne ces géminations aux saisons de Mars est non seulement loin d’être satisfaisante, mais paraît contredite par les faits eux-mêmes.

Un trait caractéristique de l’observation des géminations est que, tandis qu’un observateur consciencieux voit un canal nettement double, un autre, non moins digne de foi, le voit nettement simple. En 1886, M. Perrotin a vu doubles plusieurs canaux que M. Schiaparelli voyait simples. Ce phénomène s’est répété souvent depuis, et, pour ne citer que les dernières observations, nous ajouterons que, tandis que les principaux Membres de la Commission aréographique de la British astronomical Association voyaient, en 1896-1897, l’Orcus double, M. Lowell le décrivait comme « sûrement simple ». Ces faits sont de la plus haute importance, car, en écartant toute idée de réalité attachée aux géminations, ils nous mettent sur la voie de l’origine optique du phénomène.

En 1891, M. A. de Boë a attribué ces dédoublements à des images secondaires qui se formeraient dans l’œil de l’observateur, comme il arrive, en effet, en regardant une ligne droite tracée à l’encre sur un carton blanc placé en deçà ou au delà de la vision précise.

Le principe du dédoublement optique d’une ligne repose sur le fait, signalé par M. l’abbé Moreux, de Bourges, que la vue hors du foyer d’un point (fig. 243)

Fig. 243.Fig. 244
donne lieu à un anneau de diffusion (fig. 244). « D’où, conclut le savant professeur, une succession de points — une ligne — donnera une succession de ces anneaux empiétant les uns sur les autres, c’est-à-dire deux lignes parallèles avec estompage inclus. » M. l’abbé Moreux trouve l’explication de ce fait dans la structure du cristallin de l’œil.

En vertu de ces anneaux, il est facile de voir qu’en doublant, une ligne devrait disparaître pour donner lieu à la formation de deux bandes parallèles, équidistantes de la ligne primitive, et avec estompage inclus. C’est là, en effet, ce qui arrive en réalité (fig. 245 et 246). Le dédoublement des canaux de Mars paraît

Fig. 245.Fig. 246
obéir à la même loi : « En 1888, dit M. Schiaparelli, j’ai pu me convaincre qu’… il peut arriver que ni l’une ni l’autre des nouvelles formations ne coïncident avec l’ancien canal… Toute trace de l’ancien canal disparaît pour faire place aux deux lignes nouvelles » (La Planète Mars, p. 448). De même, l’estompage inclus entre les deux lignes est un trait caractéristique, et des dédoublements optiques