Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 1, 1892.djvu/462

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
448
LA PLANÈTE MARS.

été observées de nos jours, et qui avaient sans doute pour cause des phénomènes de même nature.

Un semblable fait s’est produit aussi sur une vaste échelle, dans le voisinage du pôle boréal, pendant les oppositions 1884-1886. Autour de la calotte blanche polaire, plusieurs canaux étaient devenus très noirs et très larges et, en même temps, les espaces interposés étaient devenus assez sombres. Lorsque la définition du télescope était insuffisante, la confusion de tous ces détails produisait autour de la calotte blanche polaire une zone grise, et c’est probablement une semblable observation qui a donné naissance aux tracés d’une mer polaire boréale, qui n’existe pas.

Les variations d’intensité d’un canal bien tracé embrassent simultanément toute sa longueur. Mais lorsque, par l’intersection avec d’autres canaux, il est partagé en plusieurs parties, il peut arriver que l’intensité, uniforme pour chaque partie, soit différente d’une section à l’autre. Nous avons déjà dit qu’en 1877, le Triton était visible seulement à droite du Léthé, et invisible dans la section entre le Léthé et la mer Cimmerium. En 1879, le Phison a été très noir dans sa section boréale entre le Nilosyrtis et l’Astaboras, tandis qu’il était bien moins évident dans la partie australe, entre l’Astaboras et le Sinus Sabæus. En 1882, Hydraotes était très délié dans sa section à gauche de la Jamuna, assez gros et visible (et même double) dans la section à droite du même canal. Dans ces cas, le changement d’intensité, en passant d’une section à l’autre, se fait par un saut brusque, sans transition appréciable, chaque section étant ordinairement bien uniforme dans toute son étendue.

F. — Les doublements ou géminations des canaux..

Nous allons considérer la dernière et la plus remarquable des transformations des canaux de Mars, celle qui donne naissance aux géminations. Ces phénomènes sont bien propres à imposer un frein à l’essor de notre imagination, lorsqu’elle veut essayer d’appliquer à l’étude physique de Mars l’analogie tirée des faits que nous observons sur la Terre. Un canal quelconque a été reconnu sous l’une des formes précédemment décrites, ou même sous plusieurs successivement ; en peu de jours (ou peut-être d’heures), par un procédé de transformation dont le détail a échappé jusqu’à présent, il se présente doublé et composé de deux bandes très voisines entre elles, ordinairement égales et parallèles : le cas d’une légère divergence ou d’une différence d’épaisseur étant assez rare. Dans plusieurs cas, il a été possible de constater, par la comparaison minutieuse avec les détails environnants, que l’une des deux bandes a conservé (exactement ou à peu près) l’emplacement du canal primitif ; mais dernièrement, en 1888, j’ai pu me convaincre que cette règle n’est pas générale, et il peut arriver que ni l’une ni l’autre des nouvelles formations ne coïncident avec l’ancien canal. L’identité de la direction générale et de l’emplacement est alors seulement approximative ; toute trace de l’ancien canal disparaît pour faire place aux deux lignes nouvelles.