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LA PLANÈTE MARS.

série de lignes et de taches représentant plus ou moins exactement la carte géographique de Mars, puis il fait tomber sur elle un rayon de soleil, ou de toute autre source lumineuse. Il place alors, à quelques millimètres devant la surface métallique et parallèlement à elle, une fine mousseline bien transparente, tendue sur un cadre, et il voit aussitôt toutes les lignes et toutes les taches se dédoubler, se géminer, par suite de l’apparition, à côté de chacune d’elles, de son ombre, dessinée sur la mousseline par la lumière que le métal a réfléchie.

Mais, d’abord, nous ne nous faisons pas une idée bien nette du point de départ même de la théorie. Si Mars était en quelque sorte un globe périscopique en cuivre poli, nous comprendrions parfaitement que l’ombre d’un canal se peignît par réflexion sur une couche de brume. Or les continents des planètes sont loin d’être doués de semblables propriétés réfléchissantes. En général, ce sont des surfaces rugueuses, mates, réfléchissant fort peu la lumière, mais la diffusant incomparablement davantage. Les mesures photométriques de Zöllner ont donné à Mars un albedo, ou pouvoir diffusif, comparable à celui de notre grès blanc. Or, en traçant des lignes noires sur un bloc de grès illuminé par les rayons solaires, et en le recouvrant de mousseline, on n’obtient aucune gémination. Pourquoi ? Parce que la lumière diffusée de tous les points de la surface, voisins de la ligne, efface entièrement son ombre réfléchie sur la mousseline.

Une autre difficulté réside dans l’égale intensité des deux branches des canaux doubles. N’est-il pas étrange que l’action diffusive exercée par la brume sur le canal primitif s’arrange neuf fois sur dix pour réduire son intensité très exactement au point de la rendre égale à celle de son ombre ?

Mais laissons ces objections pour d’autres plus directes et plus graves.

Dans sa note publiée en 1892, M. Stanislas Meunier disait : « Si la gémination résulte, comme je le pense, du phénomène de réflexion qui nous occupe, on peut prévoir, dans chaque cas, de quel côté d’un canal donné se produira son ombre. » Mais comme la ligne sur le métal restera fixe, la théorie se trouve ici en opposition directe avec les faits : « En 1888, dit M. Schiaparelli, j’ai pu me convaincre qu’il « peut arriver que ni l’une ni l’autre des nouvelles formations ne coïncident avec l’ancien canal… Toute trace de l’ancien canal disparaît pour faire place aux deux lignes nouvelles. » (La Planète Mars, t. 1, p. 448).

Nous voudrions ensuite savoir si le parallélisme du canal et de son ombre subsiste dans toutes les positions de la sphère, car il pourrait se faire que la forme sphérique de Mars se prêtât bien moins qu’un disque plat au parallélisme !

Dans ses derniers essais, M. Stanislas Meunier s’est servi d’une sphère de 90mm de diamètre, recouverte d’une calotte de verre de 0mm,67 d’épaisseur en contact immédiat, ou mieux, séparée par un intervalle de 1mm à 3mm, et supportant une fine mousseline. Le premier de ces chiffres donne, pour la hauteur de la brume au-dessus de la surface, la valeur de 1/67 du rayon ; la seconde R/27 ; la troisième R/12. Et comme nos cirri les plus élevés ne paraissent pas se former