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LE DÉDOUBLEMENT DES CANAUX.

existent en A aussi bien que partout ailleurs. Il n’est pas besoin d’expérience pour sentir la vérité de ces conclusions. Mais elles seront confirmées par l’expérience pourvu qu’on l’exécute dans des conditions semblables à celles qu’on suppose sur la planète lorsqu’elle est voisine de l’opposition.

Quant à l’hypothèse de la diplopie monoculaire[1], c’est la première que j’ai examinée en janvier et février 1882, lorsque j’ai dû constater les géminations malgré moi, au premier coup d’œil, et sans les avoir cherchées. Comme alors Mars s’élevait assez près du zénith (déclin. +27°) et la lunette étant presque verticale, j’ai essayé de déplacer la ligne des yeux par rapport au zéro du cercle de position. Rien ne changeait : les lignes simples restaient simples, les doubles restaient doubles, leur intervalle était toujours le même. Cet intervalle ne changeait que lentement avec la rotation de la planète par l’effet de la perspective. J’ai fait des expériences sur des lignes très fines de certaines gravures, et j’ai cherché si des doublements semblables avaient lieu par les petites étoiles et autres objets célestes. Enfin, je me suis efforcé de ne pas voir double ce qui l’était bien. Ces preuves, la parfaite régularité des images géminées, la facilité et la netteté avec laquelle je les voyais sans effort, m’ont convaincu qu’il ne s’agit pas là d’un phénomène subjectif. Au reste, il suffit d’examiner un quelconque de mes dessins pour reconnaître avec la plus grande évidence l’impossibilité de leur appliquer la théorie de la diplopie monoculaire.

La bande qui est entre les deux lignes m’a paru ordinairement de la même couleur que le champ environnant ; quelquefois j’ai cru voir du blanc, mais très rarement. Dans les géminations parfaites, les deux traits se montrent tout à fait égaux, tracés l’un et l’autre avec la plus grande netteté : les bords de chaque trait bien définis. Le cas de deux traits inégaux s’est présenté aussi quelquefois, mais comme exception.

En ce qui concerne mes propres observations, je dois donc rejeter l’hypothèse de la diplopie. Mais il est bien possible qu’elle soit applicable à d’autres observateurs, surtout lorsque l’instrument n’est pas assez puissant, l’atmosphère mauvaise, l’œil fatigué, et lorsqu’on ne soigne pas bien la mise au foyer[2].

Sur la nature de ces dédoublements et sur la cause de leurs changements, je ne puis rien dire. Leurs variations énigmatiques rendent plus difficile encore l’étude des changements qui ont lieu dans les configurations permanentes de la planète.

Après cette lecture, M. Antoniadi, astronome adjoint à l’Observatoire de Juvisy, a fait la communication suivante :

On sait en quoi consistent les expériences de M. Stanislas Meunier. Le savant professeur dessine, à l’aide d’un vernis noir, sur une face métallique polie, une

  1. Proposée par A. de Boë, astronome à Anvers. Voir t. I ; p. 588.
  2. Hypothèse reprise par M. Antoniadi, et abandonnée ensuite.