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LES CANAUX.

CHAPITRE VIII.

LES CANAUX, LES FLEUVES, LE RÉSEAU GÉOMÉTRIQUE
CONTINENTAL, LA CIRCULATION DES EAUX.

Nous arrivons ici au point le plus délicat de notre œuvre, et nous en ressentons toute la difficulté.

Devons-nous admettre cet immense réseau géométrique qui s’étendrait sur tous les continents ? Si nous l’admettons, pouvons-nous en trouver l’explication ?

On conçoit sans peine tous les doutes qui ont accueilli les affirmations de M. Schiaparelli. D’abord, ces lignes droites menées d’une mer à l’autre et s’entrecoupant mutuellement ont paru si peu naturelles qu’il eût été difficile de les accepter sans vérification. Ensuite, la vérification s’est longuement fait attendre, et, lorsqu’elle est arrivée, on pouvait penser que l’on avait cherché ces lignes en en ayant la carte sous les yeux et qu’une idée préconçue prépare souvent une sorte d’auto-suggestion. Ces canaux ont été découverts en 1877 et surtout en 1879, et vus dédoublés en 1882. Quelques-uns d’entre eux se retrouvent, il est vrai, dans les dessins anciens. Le Nectar se voit en 1830 (p. 107) sur la carte de Beer et Mädler, l’Hydaspe sur les dessins de Secchi en 1858 (p. 138) ; nous en retrouvons aussi sur ceux de Dawes en 1864 (p. 186-187), Burton et Dreyer en 1879 (p. 317), Niesten en 1881 (p. 367), Knobel en 1884 (p. 379) ; mais il faut arriver jusqu’en 1886 et 1888 pour voir vérifié, au moins en majorité, le curieux réseau de M. Schiaparelli par MM. Perrotin et Thollon, à Nice, et Terby, à Louvain, puis, en 1890, par MM. Stanley Williams en Angleterre et Pickering aux États-Unis, etc. Un grand nombre d’observateurs les ont vainement cherchés, même avec les plus puissants instruments, et quant à nous, personnellement, nous n’avons pu apercevoir que les plus larges (Nilosyrtis, Gange, Indus), et en 1892 seulement, à notre équatorial de 0m,24 de l’Observatoire de Juvisy, qui en a montré un très grand nombre à un observateur doué d’une vue particulièrement perçante, M. Léon Guiot. Il est juste d’ajouter qu’en ces dernières oppositions, la planète est restée très basse au-dessus de l’horizon de Paris et ne s’est pas dégagée de l’épaisseur atmosphérique des couches inférieures.

Il nous paraît difficile de ne pas admettre l’exactitude des observations de M. Schiaparelli. D’une part, l’astronome de Milan est un excellent observa-