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LA PLANÈTE MARS.
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s’atténuent et disparaissent en arrivant au bord, cette seconde hypothèse n’est pas soutenable. Nous remarquerons, en passant, que le contraste entre cette bordure blanche et le ton jaune ocré général des continents se remarque beaucoup mieux pendant la nuit que pendant le jour (c’est là une observation que nous venons encore de faire tout récemment — le 1er juillet 1892, — l’anneau dont il s’agit était beaucoup plus évident à 3h du matin qu’au lever du soleil). L’atmosphère de Mars en est certainement la cause productrice. IL peut être dû soit à des brumes légères, soit à la réfraction des couches atmosphériques situées au delà de la tangente de notre rayon visuel au contour de la sphère, réfraction qui relève les images et doit agrandir légèrement le globe par un anneau blanchâtre.

Cette dégradation lumineuse plus ou moins intense et plus ou moins large, en raison inverse de la transparence de l’atmosphère martienne, pourrait, il est vrai, s’expliquer par la réflexion de montagnes, comme il arrive pour la Pleine Lune, dont le bord est également plus brillant que le centre. Cette explication a été adoptée par Zöllner[1], qui supposait la surface de la planète hérissée de montagnes, comme la surface lunaire, montagnes dont les pentes auraient été inclinées de 76° sur l’horizon. Mais elle nous semble un peu forcée, et comme la présence de l’atmosphère de Mars la remplace avantageusement, elle devient inutile.

L’observation établit que les taches de Mars, même les plus foncées, deviennent invisibles en général lorsqu’elles arrivent à 53° du centre du disque ; parfois on les distingue jusqu’à 60° et même 65°, mais c’est extrêmement rare. Les régions très blanches se voient plus loin ; les neiges polaires sont visibles tout à fait au bord du disque, leur éclat perçant le voile atmosphérique. Ces régions blanches paraissent même plus lumineuses vers les bords du disque que dans la région centrale, par exemple les deux îles de Thulé, l’île d’Argyre et l’Hellade (Schiaparelli, 1877). Plus d’une fois même on a pris alors ces régions pour des neiges polaires. Cependant cette année l’Hellade, ou terre de Lockyer, qui se présente plus de face que d’habitude, est au contraire particulièrement claire.

D’autre part, l’Analyse spectrale est venue confirmer l’existence de l’atmosphère martienne en y révélant, de plus, les raies d’absorption de la vapeur d’eau. Les recherches de Huggins, Vogel et Maunder s’accordent pour cette constatation, notamment pour la raie d’absorption de longueur d’onde 628, et pour la ligne 656 (voy. p. 213 et 308). Il y a une dizaine de groupes de lignes identifiés d’une manière satisfaisante. Nous devons donc admettre qu’il y a là de la vapeur d’eau, et sans doute chimiquement la même eau

  1. Photometrische Untersuchungen, p. 127 ; Leipzig, 1865.