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LA PLANÈTE MARS.

Cet angle, avec la pointe assez bien marquée, nous a servi à vérifier de nouveau le temps de la révolution de Mars autour de son axe.

Le 13 juillet, j’observai à 3h 40m du matin la grande bande oblique étendue en ligne droite d’un bord à l’autre (fig. A), mais on ne remarqua aucun angle, quoique la pointe dût paraître alors dans le disque apparent proche de son bord occidental ; ce qui donne lieu de croire qu’elle n’était pas encore visible, et qu’elle s’est formée depuis ce temps-là par quelque changement assez ordinaire qui arrive en peu de temps aux parties qui forment les taches de cette planète.

La bande oblique et brisée n’est pas la seule tache que l’on ait remarquée sur Mars : il y en avait une autre de figure triangulaire et assez grande dans une partie de sa circonférence éloignée de plus de 130° de l’endroit où était la bande coudée. Nous l’observâmes le 5 et le 6 août, vers le milieu du disque apparent dont elle occupait la plus grande partie, ayant une des pointes du côté du pôle septentrional, et sa base proche du pôle méridional (fig. D).

Elle disparut les jours suivants, en passant dans l’hémisphère opposé et on l’a vue retourner une autre fois le 16 et le 17 octobre, après avoir fait 72 révolutions, chacune de 24h 40m 10s, comme par les observations de l’autre tache.

Outre ces taches obscures qui étaient situées en différents endroits de la surface de Mars, il y en avait une autre fort claire et fort éclatante proche du pôle méridional, qui offrait l’aspect d’une zone polaire (fig. C et D).

Durant nos six mois d’observations, elle a été sujette à différents changements : ayant paru très claire en certain temps, et en d’autres très faible, et après avoir disparu entièrement, elle reparut avec le même éclat qu’auparavant.

Toutes les fois qu’elle était claire, le disque de Mars ne paraissait pas rond, mais la partie méridionale du bord qui la terminait paraissait excéder et former en cet endroit une espèce de tubérosité ou de calotte d’une portion de cercle plus grand que le reste du bord ; de sorte que, dans cette rencontre, cette planète, vue avec la lunette, offrait à peu près la même apparence que fait à la vue simple la Lune, lorsque, dans son croissant et dans son décours, une petite partie seulement du disque éclairé par les rayons directs du Soleil est exposée vers nous et que l’autre partie est éclairée par les rayons réfléchis de la Terre qui nous la rendent visible, car pour lors la partie du disque de la Lune éclairée par les rayons directs paraît être une portion d’un plus grand cercle que le reste qui est éclairé par les rayons réfléchis. Or, comme cette apparence de la plus grande portion de la Lune n’est formée dans l’œil que par la plus forte impression des rayons plus lumineux, de même il y a lieu de croire que l’apparence de Mars était causée dans l’œil par l’éclat de sa partie plus claire et plus vive que le reste de son disque.

En comparant ensemble les observations de la tache claire, nous avons reconnu que la diversité d’apparences qu’elle a présentée avait quelque rapport à la révolution de Mars autour de son axe, car en prenant pour époque l’observation que je fis le 17 mai 1719, dans laquelle la tache parut fort claire, si l’on ajoute 37 jours qui font 36 révolutions entières, on aura le 23 juin pour premier retour de la tache au même endroit du disque. En ajoutant de nouveau 37 jours au 23 juin,