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LA PLANÈTE MARS.

ses dimensions avaient notablement diminué, et en divers endroits, ses anciennes limites étaient plus ou moins occupées par la mer, de sorte qu’elle avait pris la forme de trapèze aux angles arrondis, comme on le voit Pl. I et II. Lors des oppositions suivantes, Hellas apparut toujours plus obliquement par rapport au rayon visuel ; elle avait l’air d’une tache blanchâtre d’aspect nébuleux et de forme peu précise. Son diamètre ne dépassait certainement pas 12° à 15°. Parfois plus blanche et plus brillante que d’ordinaire, on aurait pu la confondre avec la tache polaire boréale.

À certains égards, la région nommée Libye paraît appartenir elle aussi à la catégorie dont nous parlons ; elle se trouve sous l’équateur, et par conséquent on peut l’observer facilement dans toutes les oppositions, quelle que soit l’inclinaison de l’axe de la planète. En 1877, cette région avait pour limite, du côté de la Mare Tyrrhenum, un arc élégant et régulier se terminant vers le Nord en une pointe mince et allongée (Osiridis Promontorium). La surface de cette pointe était recouverte d’une ombre qui était d’autant plus forte qu’elle se rapprochait davantage de l’extrémité. Vers le Nord, la Libye était bornée par un canal à peu près semi-circulaire, sur le milieu ou sur le sommet duquel on apercevait quelque chose ressemblant à un point sombre ; je donnai à cette localité le nom de lac Mœris. En 1879, je trouvai qu’une partie de la Libye avait été envahie par la Syrtis Magna, de sorte que cette dernière arrivait jusqu’à la ligne AB (fig. 230) ; la région de la Libye, à droite de la ligne AB, était devenue complètement foncée, de jaune qu’elle était d’abord, et elle avait pris la teinte de la mer voisine avec laquelle elle s’était fondue. Le promontoire d’Osiris avait été supprimé par cet envahissement de la mer, le cours du Népenthès s’était raccourci et son embouchure s’était transportée en B ; le littoral de la Syrtis Magna avait pris une autre courbure et s’était notablement rapproché du lac Mœris. Enfin l’ombre indécise qui, en 1877, recouvrait le promontoire d’Osiris, s’était avancée jusqu’au milieu de la Libye ; elle enveloppait en même temps le lac Mœris, qui, auparavant, était situé tout à fait en dehors d’elle. L’autre partie de la Libye (c’est-à-dire la moitié gauche) avait pris une couleur rouge bien plus foncée que pendant l’opposition précédente. Pendant les années 1881 et 1882, je ne vis point se produire de changement ; je remarquai seulement que la surface de la Libye, offrant toujours une teinte rouge, ressemblait à un tissu grossier tellement rempli de petites taches, qu’il n’était pas facile de les distinguer les unes des autres. Lors de l’opposition de 1884, l’envahissement de la mer avait progressé jusqu’à la ligne CDF, ainsi qu’on le voit à l’inspection du dessin (fig. 230), de sorte qu’elle avait fait disparaître une grande étendue de la Libye et une petite partie de Regio Isidis. Le lac Mœris qui, en 1877, se trouvait au milieu du Népenthès, était maintenant arrivé presque contre son embouchure. La Libye, au lieu de présenter un arc de belle courbure, formait, entre la Grande Syrte et la mer Tyrrhénienne, un promontoire ressemblant à un angle à pointe émoussée. Elle conserva aussi, en 1884, indépendamment de la couleur foncée qui la distinguait de son entourage immédiat, l’aspect d’un tissu d’apparence floconneuse, comme si cette région eût été couverte d’innombrables petites