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LA PLANÈTE MARS.

j’ai souvent recommencée depuis, qui a seulement été terminée l’année dernière, et qui ne doit encore être considérée toutefois que comme un tracé provisoire des taches permanentes de cette planète.

Nous possédions déjà trois essais principaux de représentation géographique de Mars. Le premier date de quarante ans, et a été donné par Beer et Mädler, pour résumer leurs observations faites en Allemagne de 1830 à 1839 ; le second est dû à Kaiser, de Leyde, qui traça une carte de Mars, après les oppositions de 1862 et 1864, pendant lesquelles il observa assidûment la planète ; le troisième est dû à M. Proctor qui, en 1869, dessina une carte remarquable, beaucoup plus complète que les deux précédentes, d’après les observations faites en Angleterre par Dawes, en 1864. Ces trois cartes offrent entre elles des dissemblances considérables.

Mon but a été de représenter, non une seule série d’observations comme dans les cas précédents (les miennes, quoique nombreuses, eussent été, du reste, fort insuffisantes pour ce but), mais l’ensemble général des observations faites depuis ‘le commencement, si c’était possible, J’ai comparé, pour construire cette carte, plusieurs centaines de dessins, dont les premiers datent de plus de deux siècles (1636), et dont les principaux, indépendamment des trois séries précédentes, sont dus à Huygens, Maraldi, Herschel, Schrœter, Secchi, Lockyer, Lassell, Phillips, lord Rosse, Knobel. La bibliographie aréographique de M. Terby m’a été fort utile dans ce travail.

Le degré zéro des longitudes aréographiques a été placé au point choisi par Beer et Mädler, méridien remarquable par une petite tache très sombre, signalée vers 1798 par Schrœter, remarquée de nouveau en 1822 par Kunowski, prise comme origine en 1830, par Mädler, revue par Dawes en 1854 et 1862, placée par Kaiser à 90 degrés, et qui est incontestablement un point fixe du sol de Mars. D’après l’ensemble des observations, cette tache me paraît isolée de celle qui s’étend à sa droite (orient). Kaiser a pris pour origine la tache ronde, non moins caractéristique, que l’on voit près du 270e degré, et Phillips, le cap équatorial du continent traversé par notre 45e degré. Il m’a paru préférable de conserver l’origine précédente, déjà adoptée par Mädler, Lockyer, Proctor, etc.

La configuration la plus anciennement connue de la géographie de Mars est la mer verticale sombre que l’on voit descendre au-dessous de l’équateur, vers le 70e degré de longitude, s’amincir et se terminer par un coude qui se dirige vers l’est en forme de canal. Au-dessous, se trouve une autre mer qui s’avance dans l’intérieur des terres en formant un angle. Lorsque le globe de Mars est tourné de façon à nous présenter cette région à peu près de face, ces deux mers paraissent réunies vers le coude, et l’ensemble rappelle la forme d’un sablier. On la désigne depuis longtemps sous ce même nom : the Hour-glass Sea. La première observation que nous ayons de cette tache date du 28 novembre 1659, et est due à l’astronome Huygens.

Cette mer, représentée sous forme de sablier par tous les anciens observateurs, a, coïncidence bizarre, servi véritablement de sablier ou de mesure du temps, pour déterminer la durée de la rotation de la planète. Il semble donc que la meil-