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encore, car on a constaté que lorsque le soleil, voilé par des brumes, s’efface dans le ciel, et ne se manifeste plus que par une large zone argentée, le signal lumineux est pourtant toujours sensible à l’œil nu, et se montre très brillant dans la lunette. Il résulte de là que, même en l’absence du soleil, la correspondance pourra être continuée.

« Le télégraphe solaire n’est pas, comme le télégraphe aérien, un instrument nécessairement fixe, et qui exige des stations toujours les mêmes. Il peut s’installer partout. L’instrument portatif, construit par M. Leseurre, ne pèse que 8 kilogrammes. Il se monte sur un trépied en bois, et s’oriente à l’aide d’une boussole et d’un niveau à bulle d’air. Il n’occupe guère plus de volume qu’un héliostat, avec lequel il a beaucoup de ressemblance. Il est surtout remarquable par la facilité qu’on a de le transporter d’un endroit dans un autre, par le peu d’embarras qu’il cause et le peu de temps qu’il exige pour être installé et mis en place.

« Le télégraphe solaire, ou héliographe, sera très probablement adopté pour le service des armées, et spécialement pour l’Algérie, puisque c’est par ordre des ministres de la guerre et de l’intérieur que les expériences dont nous venons de parler ont été faites à l’Observatoire.

« On s’est demandé si avant Leseurre personne n’avait songé à construire quelque appareil de télégraphie conçu sur un principe analogue. On peut citer d’abord l’allemand Bergstrasser, qui, dans ses travaux nombreux sur la télégraphie aérienne, a indiqué la possibilité d’employer les rayons solaires réfléchis par un miroir. Mais un appareil anciennement proposé et qui a une analogie beaucoup plus frappante avec celui de M. Leseurre, c’est celui qui fut proposé par Gauss sous le nom d’héliotrope, et qui a été perfectionné depuis dans sa construction par l’habile physicien allemand, M. Steinheil. Cet appareil a pour fonction de projeter un rayon de lumière sur un objet éloigné ; il est fondé sur une propriété géométrique bien connue de la glace sans tain à surfaces parallèles. Si l’on fait tomber obliquement un rayon de soleil sur une glace à surfaces bien dressées et exactement parallèles, le rayon transmis et le rayon réfléchi iront illuminer dans l’espace deux objets différents. Si alors on se place derrière la glace de manière à voir par réflexion l’objet éclairé par le rayon transmis, en vertu d’une sorte de réciprocité facile à démontrer, on verra en même temps par transmission l’objet éclairé par voie de réflexion. On peut donc utiliser cette remarque pour diriger le rayon réfléchi dans telle direction qu’on voudra.

« On aurait pu, à la rigueur, faire de ce dernier appareil un télégraphe solaire ; mais celui de Leseurre, dont nous venons de donner la description, est en réalité le seul qui ait encore été complètement adapté à sa destination et qui ait été combiné et proposé comme devant servir aux communications télégraphiques entre des postes éloignés [1]. »


Dès l’année 1856, la télégraphie optique était donc inventée par un ingénieur français.

Le succès de la télégraphie électrique adoptée parmi nous, dès l’année 1851, et qui ne cessa de prendre du développement pendant les années suivantes, empêcha de prêter grande attention à la télégraphie optique de Leseurre ; mais le siège de Paris, en 1870-1871, vint lui donner l’opportunité qui lui manquait. On fut heureux, à cette époque, de pouvoir disposer d’un moyen de correspondance qui passait, pour ainsi dire, par-dessus la tête de l’ennemi.

Pendant l’invasion prussienne, alors que la plupart de nos bureaux télégraphiques étaient saccagés et les communications interrompues, c’est grâce au système de transmission optique que l’on put correspondre avec les forts qui environnaient Paris.

Pris dans un cercle de feu, Paris, dans lequel nos savants français les plus éminents avaient tenu à rester enfermés, par une confiance patriotique, s’efforça, par tous les moyens, de communiquer avec l’extérieur. Pendant que ballons et pigeons voyageurs s’envolaient hors de la place, des appareils ingénieux étaient combinés, pour envoyer au loin d’insaisissables signaux.

MM. Bourbouze et Paul Desains essayèrent d’envoyer de Paris à Rouen un courant électrique, auquel la Seine eût servi de conducteur, et que l’on eût recueilli au moyen de galvanomètres à aiguilles très sensibles. On obtint ainsi peu de résultats, mais la conception était excellente.

Le physicien Lissajous proposa d’émettre des signaux lumineux, et de les recueillir au moyen de lunettes couplées.

M. Cornu chercha à utiliser les propriétés que possède le prisme, de décomposer et de

  1. Merveilles de la science, tome II, page 18-19 (note).