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il imagina et fit placer au-dessus de sa maison, une machine télégraphique. Cette machine devait avoir quelque valeur, car elle subsista assez longtemps. Cependant, à l’apparition du télégraphe de Chappe, Dupuis la fit disparaître.

En Allemagne, un savant de Hanau, nommé Bergstrasser, a consacré sa vie presque entière à la télégraphie. Il a écrit sur ce sujet un ouvrage estimé, et construit un grand nombre d’appareils télégraphiques. Le mérite principal de ses travaux réside dans les perfectionnements qu’il apporta au vocabulaire de la correspondance. Il représentait les mots par des chiffres. Seulement, comme le système ordinaire de numération aurait exigé un trop grand nombre de caractères, il faisait usage de l’arithmétique binaire ou quaternaire, qui n’emploie que deux ou quatre signes pour représenter tous les nombres. C’est le système qu’ont adopté plus tard, les ingénieurs anglais, pour leur télégraphe aérien.

Cependant Bergstrasser se proposait moins de construire un télégraphe que d’expérimenter les divers moyens de transmettre au loin la pensée. Il avait étudié dans cette vue, tous les procédés de correspondance imaginés avant lui. Il employait le feu, la fumée, les feux réfléchis sur les nuages, l’artillerie, les fusées, les explosions de poudre, les flambeaux, les vases remplis d’eau, signaux des anciens Grecs, le son des cloches, celui des trompettes et des instruments de musique, les cadrans, les drapeaux mobiles, les fanaux, les pavillons et les miroirs.

Nous n’avons pas besoin de faire remarquer tout ce qu’avait d’impraticable la combinaison de tant de moyens différents. L’arithmétique binaire exige que l’on répète un très-grand nombre de fois les deux signes qui représentent les différents nombres, lorsque ces nombres sont un peu élevés ; il résultait de là que, pour transmettre une phrase de quelques lignes, il fallait reproduire à l’infini le même signal. Si l’on faisait usage du canon ou de fusées, Bergstrasser pour une phrase composée d’une vingtaine de mots, faisait tirer jusqu’à vingt mille coups de canon ou vingt mille fusées. L’excentricité allemande ne perd jamais ses droits : Bergstrasser fut un moment sur le point de voir adopter ses vingt mille coups de canon.

Il ne manquait à sa gloire que d’avoir composé un télégraphe vivant. C’est ce qu’il fit en 1787, en dressant un régiment prussien à transmettre des signaux. Les soldats exécutaient les manœuvres télégraphiques par les divers mouvements de leurs bras. Le bras droit étendu horizontalement indiquait le numéro 1 ; le gauche placé de la même manière, le numéro 2 ; les deux bras ensemble, le numéro 3 ; le bras droit élevé verticalement, le numéro 4, et le bras gauche en l’air, le numéro 5. Ces télégraphes animés manœuvrèrent en présence du prince de Hesse-Cassel : le régiment obtint un succès de fou rire.

À part ces bizarreries, Bergstrasser a rendu à la télégraphie de notables services. Ses calculs pour la combinaison des chiffres représentatifs des mots, étaient d’une rare justesse. Sa prévoyance n’était jamais en défaut. Il embrassait même le cas où les interlocuteurs ne pourraient s’apercevoir entre eux, bien qu’ils fussent assez près pour se toucher. Alors il armait leurs mains d’un miroir avec lequel ils dirigeaient les rayons du soleil sur un objet placé à l’ombre ; la répétition de ce signal à intervalles fixes était, dans ce cas, la base de l’alphabet.

Ce dernier moyen, pour le dire en passant, a été repris de nos jours, et proposé pour un système de correspondance télégraphique applicable à l’Algérie[1].

  1. Le télégraphe solaire a été proposé en 1856, par un employé des télégraphes, M. Leseurre. Il repose sur la réflexion des rayons du soleil, projetant à de grandes distances des éclairs lumineux. La répétition de ces éclairs, leur longueur ou leur brièveté, forment un alphabet particulier, qui sert à composer une écriture de convention.

    Le télégraphe solaire pourrait servir à établir une cor-