La danse macabre[1]
Les morts, les mauvais morts me gardent sous leur serre,
Je suis des leurs, ces morts qui sont dans le tourment :
Ils m’habitent ! je suis toujours chez Lucifer,
Remords, frères d’enfer, affreusement vivants.
Ils font du jour divin un louche crépuscule,
Filtrant sous mon crâne branlant et dilaté :
Je sens qu’autour de moi et parmi moi circule
Une indistincte et répulsive humanité.
Soudain l’horreur, la grande horreur m’est apparue !
J’ai vu, mon Dieu, j’ai vu, sans en mourir d’effroi :
L’armée immonde accourt, tout palpite et remue,
Se multiplie, bondit, m’entoure et vient sur moi.
Procession d’enfer ! des squelettes sans tête,
Des cadavres mi-dévorés qui laissent voir
À la place du ventre un grouillement de bêtes,
À la place du cœur un trou saignant et noir,