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plaçait immédiatement au nombre des premiers géomètres d’Europe[1] » ; enfin, en 1746, il avait obtenu le prix offert par l’Académie de Berlin à l’auteur du meilleur ouvrage sur la cause des vents. Lebreton, on le voit, avait été bien inspiré dans le choix de l’associé de Diderot.

Les magnifiques promesses du Discours préliminaire, que nous étudierons plus loin, et l’accueil enthousiaste que le public avait fait à ce discours, semblaient devoir attacher indissolublement d’Alembert à la fortune de l’Encyclopédie, et lui-même, dans sa Préface du tome III, se déclarait hautement résolu « de tout sacrifier au bien de l’Encyclopédie ». Que si d’injurieux critiques continuaient à s’acharner contre l’ouvrage, il s’encourageait lui-même à les mépriser en se rappelant cette fable de Boccalini que Voltaire avait contée dans sa préface d’Alzire : « Un voyageur était importuné du bruit des cigales ; il voulait les tuer et ne fit que s’écarter de sa route ; il n’avait qu’à continuer paisiblement son chemin, les cigales seraient mortes d’elles-mêmes au bout de huit jours. » C’est en 1754 que d’Alembert prenait, en de si beaux termes, un nouvel engagement vis-à-vis du public. Quatre ans après, il se séparait brusquement de Diderot : que s’était-il donc passé qui justifiât une volte-face si inattendue ?

C’est au septième volume, en 1758, qu’avait éclaté la plus terrible crise que traversa l’Encyclopédie : d’Alembert, par son article Genève, avait provoqué les éloquents paradoxes de Rousseau sur les spectacles et les bruyantes réclamations des pasteurs genevois calomniés, prétendaient-ils, par les insidieuses félicitations de d’Alembert sur ce qu’il appelait leur socinianisme. Puis le malencontreux ouvrage d’Helvétius, de l’Esprit, était venu jeter l’alarme au camp des Encyclopédistes qui se voyaient à la fois dépassés et compromis par cet enfant terrible de la philosophie : Joly de Fleury lançait aussitôt ses foudres oratoires contre Helvétius et les Encyclopédistes, et, à la suite de son violent

  1. D’Alembert, par Joseph Bertrand, Hachette, p. 36.