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dont les parents étaient inhumés dans les départements déclarèrent solennellement qu’en touchant au Père-Lachaise, à Montparnasse, à Montmartre on allait violer la sépulture de leurs familles[1].

L’ancien préfet de la Seine avait conçu un projet grandiose. Il voulait doter Paris d’un champ de sépulture très-vaste, placé parmi des terres sablonneuses propres au rapide anéantissement des corps, et exposé au vent du nord, qui est celui dont nous recevons le moins les atteintes ; la ville aurait été reliée à sa nécropole par un chemin de fer spécial qui, pour ne point déranger les habitudes de notre population, aurait eu trois gares, une dans chacun de nos trois grands cimetières. La tranchée gratuite, la fosse commune, — cette horreur du pauvre, — était supprimée à jamais. Au lieu de ces inhumations dont 20 centimètres de terre ne dissimulent qu’imparfaitement l’humiliante promiscuité, il donnait à chacun sa sépulture individuelle, isolée, semblable à celles que l’on trouve aujourd’hui dans les concessions temporaires, et il ne la reprenait qu’au bout de trente ans. Pour bien des gens, c’était la perpétuité. Il vendait aux gens riches, à beaux deniers comptant, autant de mètres de terrain qu’ils en auraient voulu pour dresser les mausolées, mais aux pauvres il accordait gratuitement la place fixe, déterminée, nominative, qui constitue l’authencité du tombeau. Vraiment un tel projet ne méritait pas tant d’anathèmes. Après des études approfondies et très-sérieusement conduites par un ingénieur tel que M. Belgrand, il fit des acquisitions près de la vallée de Montmorency,

  1. Bien des brochures ont été écrites à ce sujet ; une seule mérite d’être citée, car elle résume habilement et fait valoir toutes les objections élevées contre le projet de M. Haussmann ; elle est due à un esprit de bonne trempe, dont je regrette de ne pouvoir partager les opinions en cette circonstance. Voir La déportation des morts, par Victor Fournel ; Paris, 1870 ; extrait du Correspondant du 10 et du 25 avril 1869.