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NUMÉRO 8


la croyance aux sorciers au dix-neuvième siècle.


TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE BORDEAUX
Audience du 23 juillet 1872.


moyens de ramener un époux infidèle. — sortilège. — escroqueries montant à 60 000 francs.

L’accusée est une femme d’une cinquantaine d’années. Si elle n’a pas d’antécédents judiciaires, du moins sa conduite passée est loin d’être honorable au point de vue des mœurs. Séparée de son mari, elle est obligée d’avouer qu’elle a eu de nombreux amants.

Quant à la plaignante, elle a trente-six ans. Mariée à un important négociant de chiffons, elle croyait à l’infidélité de son mari.

Voici comment elle raconte les moyens employés par elle pour ramener à ses devoirs son époux.

Elle dépose ainsi, après avoir déclaré s’appeler madame P. aîné :

Une femme de journée que j’avais, accoucha, et elle prétendit partout que le père de son enfant était mon mari ; cela m’affligea beaucoup. J’avais fait la connaissance de la femme Aurausan, qui passait pour avoir une moralité déplorable ; elle vint presque tous les jours chez moi.

Au bout d’un certain temps, je lui racontai mes chagrins ; elle me dit de ne pas quitter mon mari, qu’il n’y avait qu’un temps pour cela. Elle me déclara que c’était une sorcière qui avait vendu l’âme de mon mari ; elle me proposa de racheter cette âme moyennant 1 000 fr., me disant qu’elle allait acheter du drap rouge pour le porter au diable. Ma mère me prêta les 1 000 fr., lui ayant dit que j’avais perdu un billet de banque, et que c’était pour que mon mari ne s’aperçût de rien que je lui faisais cet emprunt.

La femme Aurausan me dit un jour : « Lorsque je porte de l’argent au démon, il est toujours en blouse ; il a les pieds fourchus et les mains en feu. »

Il y a deux ans, elle vint me chercher 40 fr. pour acheter un bouc, et elle chercha à me faire comprendre que ce bouc était une