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dort, elle n’en soutiendra pas moins qu’elle a été au sabbat, et cependant son corps n’aura point quitté le matelas sur lequel il est fixé.

Wier dit courageusement le nom de la maladie nerveuse et mentale dont ces malheureux souffrent tellement qu’ils essayent d’y échapper par le suicide : c’est l’hystéro-démonopathie. Que répondit-on à cette démonstration péremptoire ? Que Satan est le malin, que les morts paraissent être dans leur tombeau, que les enfants dévorés paraissent vivants, que la sorcière paraît présente sur le lit où elle a été garrottée, mais que ce ne sont là que des apparences suscitées par le diable, propres à tromper les yeux des ignorants, à affermir l’impiété des incrédules, et qu’en réalité les morts ont été déterrés, les enfants mangés, et que la sorcière a été au sabbat.

Cependant un peu de clarté se fait ; la science va se débarrasser peu à peu de la gangue où elle est enfermée depuis si longtemps ; c’est l’heure des grandes entreprises : l’imprimerie multiplie la pensée, le nouveau monde vient de se révéler, la réforme essaye d’épurer une religion qui retombe au paganisme, Galilée sent la terre se mouvoir sous ses pieds et Keppler ouvre le ciel. On peut croire que le diable va enfin rentrer aux abîmes, que la loi du Dieu de douceur et de pardon va régner que la maladie ne sera plus traitée comme le crime ; vaine espérance ! Les femmes de la famille Médicis ont envahi la France, suivies d’une armée d’astrologues, de nécromanciens, de médecins disciples de Locuste, de diseurs de bonne aventure et de chercheurs de l’élixir de longue vie. C’est le temps des maléfices, des sortilèges, des envoûtements[1]. Quelque déconsidérées qu’elles

  1. Il ne faut pas croire que ces superstitions aient pris fin ; les tribunaux ont encore à juger aujourd’hui des procès où les sorciers et les sorts jouent le principal rôle. Voir Pièces justificatives, 8.