Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

NUMÉRO 6


État de Bicêtre en 1789.


Si l’on a pu dire que la publicité fait la sauvegarde du peuple, c’est surtout lorsqu’on fait connaître l’état des lieux où la misère et la vieillesse le forcent de chercher du secours ; c’est lorsqu’on rend compte des moyens destinés à le soulager, que l’on publie le nombre et l’état des malheureux à la charge de la bienfaisance sociale. Ces notions deviennent pour lui une source de nouveaux secours, par les combinaisons qu’elles donnent lieu de faire, et par la réforme des abus qu’elles facilitent et accélèrent.

C’est donc sous ce point de vue que nous devons envisager l’état que nous donnons de la maison de Bicêtre ; le public y verra et l’étendue des besoins, et la multitude d’abus qui doivent nécessairement accompagner une aussi grande administration.

Quant aux abus, je remarquerai qu’ils tiennent bien plutôt à l’ignorance populaire, aux préjugés des familles et du public, qui se sont tous habitués à regarder cet asile comme un moyen facile de contenir et corriger la jeunesse.

Chaque jour des pères insensibles ou des parents cruels, dans un temps où l’homme ne doit compte de sa conduite qu’à la loi, sollicitent des réclusions à Bicêtre ; et les nouveaux administrateurs que le vœu public et leurs lumières ont appelés à leur place mettent avec raison au nombre des fatigues et des désagréments attachés à leurs fonctions les refus multipliés qu’ils sont obligés de faire tous les jours à de pareilles demandes.

Les hommes sont incorrigibles dans leurs vieilles habitudes, et il faut toute la force des lois positives pour les contenir ; la raison seule ne le peut pas.

C’est dans cette habitude qu’existent encore tous les abus de la maison de Bicêtre, parce qu’on veut toujours que ce soit un lieu de correction, et que ceux qui le gouvernent, habitués peut être aux mêmes idées, sont obligés d’ailleurs de suivre en aveugles les règles qu’on leur prescrit ; règles que leur humanité les force quelquefois d’enfreindre, en adoucissant fréquemment le régime auquel les ordres qu’ils ont reçus les obligent d’astreindre les prisonniers.

Bicêtre renferme encore des hommes d’une espèce différente ;