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mot était autrefois d’un usage très-fréquent ; Molière l’a employé dans l’Étourdi :

Eh bien, ne voilà pas mon enragé de maître ?
Il va nous faire encor quelque nouveau bissêtre !

Dans un rapport présenté en 1657 au cardinal Mazarin, l’orthographe populaire qui semble entraîner la signification spéciale qu’on vient d’indiquer est conservée : « Bissestre est une maison vrayement royale, si elle estoit achevée. » Il est donc fort probable que les deux appellations se sont confondues en une seule qui a gardé deux sens différents : pour les lettrés Bicêtre était l’ancien château de l’évêque de Winchester ; pour la masse, c’était un lieu de malheur. Quoi qu’il en soit, le mot, tout en ayant perdu son acception première, est resté familier dans le peuple de Paris comme synonyme de mauvais et d’ingouvernable ; d’un méchant garnement, on dit encore : C’est un vrai Bicêtre.

La maison, il faut l’avouer, avait une réputation détestable qu’elle méritait bien. Elle était devenue, sous Louis XVI, un hospice, un hôpital, une prison[1]. C’est là qu’on faisait passer par les grands remèdes « les gens atteints de maladies provenant de débauches » ; mais, comme en vertu des vieilles habitudes ecclésiastiques ils n’y étaient reçus « qu’à la charge d’être sujets à la correction avant toutes choses et fouettés », on peut penser qu’ils ne témoignaient pas un grand empressement à s’y rendre. La Révolution mit fin à cette coutume barbare, et tous les malades spéciaux, détenus et maltraités à Bicêtre, furent transférés le 12 mars 1792 à l’ancien couvent des capucins, qui est maintenant l’hôpital du Midi.

  1. Voir Pièces justificatives, 6.