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très-rares, exceptionnels, et dans lesquels seulement il serait permis de se faire délivrer judiciairement les lettres adressées aux personnes accusées d’un crime avéré.

L’intérêt extrême que les gouvernements ont à pénétrer leurs mutuels secrets les a souvent entraînés à des actes que la délicatesse et la morale réprouvent. Parfois on n’a pas hésité à commettre des crimes pour s’emparer des dépêches d’un agent diplomatique. Dans ce cas-là surtout, on faisait appel à la raison d’État, et tout se trouvait justifié pour les gens qui s’imaginent qu’en toutes choses le résultat seul est à considérer. Chacun se souvient encore de l’assassinat des plénipotentiaires français, dans la nuit du 9 floréal an VII (28 avril 1799), à deux cents pas de Rastatt, près du pont de Rheinau, sur la route de Plittersdorf. Roberjot et Bonnier furent tués ; Jean Debry, échappé par miracle, reçut treize blessures. Le but de cette agression, dont il faut lire le récit dans le procès-verbal même des ministres plénipotentiaires[1] était tout simplement de s’emparer des papiers que les envoyés français portaient avec eux dans leur voiture. L’Autriche a rougi de cet attentat ; elle a essayé d’en rejeter la responsabilité sur des émigrés français déguisés en hussards hongrois ; on accusa les royalistes, les agents du comte de Provence ; il n’y a pas longtemps que cette thèse a été présentée de nouveau ; elle n’est pas soutenable ; les historiens feront bien d’y renoncer et de ne plus réveiller ces honteux souvenirs.

Un autre fait excessivement grave et beaucoup moins connu s’est passé dans la première moitié du gouvernement de la Restauration. L’ambassadeur d’une très-grande puissance près d’une cour italienne de premier ordre s’aperçut à des indices certains que ses secrets étaient divulgués. Ses dépêches les mieux chiffrées étaient devinées, ses correspondances particulières avec son gou-

  1. Voir Pièces justificatives, no 5.