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les comptes du ministère des affaires étrangères on trouve qu’en 1847 les fonds secrets payaient encore 60 500 francs de pensions aux « employés de l’ancien cabinet noir ».

La période qui commence en 1830 est trop contemporaine pour que l’on puisse se permettre d’en parler. De certains procès politiques où les correspondances saisies et lues à la poste servaient de base à l’accusation, on peut inférer que la royauté de Juillet employa sinon régulièrement, du moins quand elle crut en avoir besoin, cette arme qu’on aurait pu croire brisée pour jamais ; mais rien dans les révélations qui suivirent les journées de Février ne vint prouver que le cabinet noir eût été rétabli d’une façon normale. Ce fut plutôt, je crois, un en-cas qu’une institution, et si l’on en usa, ce fut dans certains moments exceptionnels, qui paraissaient critiques ou dangereux.

Existe-t-il encore aujourd’hui ?

Montaigne eût dit : Que sais-je ? et Rabelais peut-être !

En tout cas, il doit être absolument inutile en présence de l’arrêt que la cour de cassation, toutes chambres réunies, a rendu le 21 novembre 1853. Par cet arrêt[1], la cour reconnaît au préfet de police et aux préfets le droit de se faire délivrer par la direction des postes telles lettres qu’ils déterminent. Un simple commissaire de police peut aujourd’hui, en présentant une délégation ad hoc, se faire remettre contre un reçu les lettres adressées à tel individu désigné ; si plus tard elles sont rendues à l’administration, elles sont frappées d’un timbre particulier qui porte en exergue : ouverte par autorité de justice, et renvoyées au destinataire. C’est brutal, j’en conviens, mais préférable néanmoins aux manœuvres du cabinet noir. La cour de cassation a pro-

  1. Voir Pièces justificatives, 2.