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toujours été limité à un certain territoire, il y a encore en France & singulierement en Bourgogne, en Bresse & dans le Bugey de ces justices personnelles qui s’étendent sur certains hommes & sur leurs descendans, le seigneur les suit par-tout ; tels sont les main-mortables dans les pays de main morte, lesquels en plusieurs lieux sont appellés gens de suite & fiefs de suite. Voyez Dunod, traité de la main-morte. Il y en a aussi dans la principauté souveraine de Dombes, & en Allemagne. (A)

Justice populaire, on appelle ainsi celle qui est exercée par des personnes élues par le peuple, telles sont les justices appartenantes aux villes, les justices consulaires, telles étoient aussi anciennement les justices des élus. Voyez Consuls, Echevins, Mairie, Juge municipal. (A)

Justice de privilege, est celle qui est établie pour connoître des causes de certaines personnes privilégiées, telles sont les jurisdictions des requêtes de l’hôtel du palais, celle du prevôt de l’hôtel, celles des juges conservateurs des priviléges des universités, &c. (A)

Justice reglée, c’est un tribunal qui a droit de contraindre. On emploie quelquefois pour obtenir ce que l’on demande, la médiation ou l’autorité de personnes qualifiées qui peuvent imposer ; on leur porte ses plaintes & on leur donne des mémoires ; mais ce sont-là des voies de conciliation ou d’autorité, au lieu que de se pourvoir en justice réglée, c’est prendre les voies judiciaires, c’est-à-dire procéder par assignation, si c’est au civil, & par plainte, si c’est au criminel.

Le terme de justice réglée, signifie aussi quelquefois les tribunaux ordinaires où les affaires s’instruisent avec toutes les formes de la procédure, à la différence des arbitrages & de certaines commissions du conseil où les affaires s’instruisent par de simples mémoires sans autre procédure. (A)

Justice de ressort, signifie le droit de ressort, c’est-à-dire le droit qui appartient à un juge supérieur de connoître, par voie d’appel, du bien ou maljugé des sentences rendues par les juges inférieurs de son ressort ou territoire. Saint Louis fut le premier qui établit la justice de ressort ; les sujets opprimés par les sentences arbitraires des juges des baronies commencerent à pouvoir porter leurs plaintes aux quatre grands bailliages royaux qui furent établis pour les écouter. Voyez les établissemens de Saint Louis, liv. I. chap. lxxx. & liv. II. chap. xv.

Justice du ressort, est celle qui est enclavée dans le ressort d’une autre justice supérieure, & qui y ressortit par appel. (A)

Justice royale, est celle qui appartient au roi & qui est exercée en son nom.

Il y a aussi des justices dans les apanages & dans les terres engagées qui ne laissent pas d’être toujours justices royales & de s’exercer au nom du roi, quoiqu’elles s’exercent aussi au nom de l’apanagiste ou de l’engagiste. Voyez ci-devant Jurisdiction royale. (A)

Justice à sang, c’est la connoissance des rixes qui vont jusqu’à effusion de sang, & des délits dont la peine peut aussi aller jusqu’à effusion de sang.

Ce droit n’appartient communément qu’à la haute justice qui comprend en entier la justice criminelle qui peut infliger des peines jusqu’à effusion de sang.

Il y a néanmoins quelques coutumes telles que celles d’Anjou, du Maine & de Tours, où la moyenne justice est appellée justice à sang ; ces termes y sont synonymes de moyenne justice, parce qu’elles attribuent au moyen-justicier la connoissance du sang, aussi donnent-elles à ce juge le droit d’avoir des fourches patibulaires. Voyez ci-après Justice du sang & du Larron. (A)

Justice du sang & du Larron, est le pouvoir de connoître du sang & du larron ; il y a plusieurs anciennes concussions de justice faites avec cette clause cum sanguine & latrone ; d’autres au contraire qui ne sont faites qu’excepto sanguine & latrone.

Les coutumes de Picardie & de Flandre attribuent au moyen-justicier la connoissance du sang & du larron.

On entend par justice de sang la connoissance des battures ou batteries & rixes qui vont jusqu’à effusion de sang, & se font de poing garni de quelque arme offensive, pourvû que ce soit de chaude colere, comme l’interprete la coutume de Senlis, art. 110, c’est-à-dire dans le premier mouvement & non pas de guet-à-pens.

La justice du larron, est la connoissance du simple larcin non qualifié & capital.

Ces deux sortes de délits le sang & le larron ont été désignés comme étant plus fréquens que les autres.

Loyseau en son traité des Seigneuries, chap. 10, n. 26, dit que suivant le droit commun de la France, le moyen justicier n’a pas la connoissance du sang & du larron ; & en effet Quenois en sa conférence des coutumes rapporte un arrêt du 14 Novembre 1551, qui jugea que depuis qu’en batterie il y a effusion de sang, c’est un cas de haute justice. (A)

Justice séculiere, est un tribunal ou la justice est rendue par des juges laïcs, ou du moins dont le plus grand nombre est composé de laïcs ; le tribunal est toujours réputé séculier, quand même il y auroit quelques ecclésiastiques & même quelques places affectées singulierement à des ecclésiastiques. Voyez ci-devant Jurisdiction & Justice ecclésiastique. (A)

Justice de Seigneur, est la même chose que justice seigneuriale ou subalterne. Voyez ci-après Justice seigneuriale. (A)

Justice seigneuriale, est celle qui étant unie à un fief appartient à celui qui en est le Seigneur, & est exercée en son nom par ceux qu’il a commis à cet effet.

Les justices seigneuriales sont aussi appellées justice subalternes, parce qu’elles sont inférieures aux justices royales.

On leur donne le surnom de seigneuriales ou subalternes pour les distinguer des justices royales, municipales & ecclésiastiques.

Quelques-uns prétendent faire remonter l’origine des justices seigneuriales jusqu’aux Germains, suivant ce que dit Jules César, liv. VI. de bello gallico ; principes regionum atque pagorum jus inter suos dicunt controversiasque minuunt ; mais par ce terme principes pagorum, il ne faut pas entendre des seigneurs de village & bourgs, c’étoient des officiers élus par le peuple de ces lieux, pour lui commander en paix & en guerre, de sorte que ces justices étoient plutôt municipales que seigneuriales.

D’autres entre lesquels même on compte Me Charles Dumolin, prérendent du moins qu’il y avoit des justices seigneuriales chez les Romains dès le tems de Justinien. Ils se fondent sur un texte de la novelle 80 cap. ij. qui porte que si agricolæ constituti sub dominis litigent, debent possessores citius eas decernere pro quibus venerunt causas, & postquam jus eis reddiderint, mox eos domum remittere ; & au chapitre suivant, il dit que agricolarum domini eorum judices à se sunt statuti ; mais cette espece de justice attribuée par Justinien, n’étoit autre chose qu’une justice œconomique & domestique des maîtres sur leurs colons qui étoient alors demi-serfs, comme il paroît par le tit. de agricolis au code ; aussi cette même novelle ajoute-t-elle que quand les colons avoient des procès contre leur seigneur, c’est-à-dire contre leur