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De machicot on a fait le verbe machicoter, qui signifie altérer le chant, soit en le rendant plus léger, soit en le rendant plus simple ou plus composé, soit en prenant les notes de l’accord, en un mot en ajoûtant de l’agrément à la mélodie & à l’harmonie.

MACHINAL, adj. (Gram.) ce que la machine exécute d’elle-même, sans aucune participation de notre volonté : deux exemples suffiront pour faire distinguer le mouvement machinal, du mouvement qu’on appelle libre ou volontaire. Lorsque je fais un faux pas, & que je vais tomber du côté droit, je jette en avant & du côté opposé mon bras gauche, & je le jette avec la plus grande vîtesse que je peux ; qu’en arrive-t-il ? C’est que par ce moyen non réfléchi je diminue d’autant la force de ma chûte. Je pense que cet artifice est la suite d’une infinité d’expériences faites dès la premiere jeunesse, que nous apprenons sans presque nous en appercevoir, à tomber le moins rudement qu’il est possible dès nos premiers ans, & que ne sachant plus comment cette habitude s’est formée, nous croyons, dans un âge plus avancé, que c’est une qualité innée de la machine ; c’est une chimere que cette idée. Il y a sans doute actuellement quelque femme dans la société, déterminée à s’aller jetter ce soir entre les bras de son amant, & qui n’y manquera pas. Si je suppose cent mille femmes tout-à-fait semblables à cette premiere femme, de même âge, de même état, ayant des amans tous semblables, le même tempérament, la même vie antérieure, dans un espace conditionné de la même maniere ; il est certain qu’un être élevé au-dessus de ces cent mille femmes les verroit toutes agir de la même maniere, toutes se porter entre les bras de leurs amans, à la même heure, au même moment, de la même maniere : une armée qui fait l’exercice & qui est commandée dans ses mouvemens ; des capucins de carte qui tombent tous les uns à la file des autres, ne se ressembleroient pas davantage ; le moment où nous agissons paroissant si parfaitement dépendre du moment qui l’a précédé, & celui-ci du précédent encore ; cependant toutes ces femmes sont libres, & il ne faut pas confondre leurs actions quand elles se rendent à leurs amans, avec leur action, quand elles se secourent machinalement dans une chûte. Si l’on ne faisoit aucune distinction réelle entre ces deux cas, il s’ensuivroit que notre vie n’est qu’une suite d’instans nécessairement tels, & nécessairement enchaînés les uns aux autres ; que notre volonté n’est qu’un acquiescement nécessaire à être ce que nous sommes nécessairement dans chacun de ces instans, & que notre liberté est un mot vuide de sens : mais en examinant les choses en nous-mêmes, quand nous parlons de nos actions & de celles des autres, quand nous les louons ou que nous les blamons, nous ne sommes certainement pas de cet avis.

MACHINATION, (Droit françois.) La machination est une action par laquelle on dresse une embuche à quelqu’un, pour le surprendre par adresse, ou par artifice ; l’attentat est un outrage & violence qu’on fait à quelqu’un. Suivant l’ordonnance de Blois, il faut pour établir la peine de l’assassinat, réunir la machination & l’attentat ; « nous voulons, dit l’ordonnance, la seule machination & attentat, être punis de peine de mort,» la conjonction &, est copulative : mais selon l’ordonnance criminelle, pour être puni de la peine de l’assassinat, la machination seule suffit, encore qu’il n’y ait eû que la seule machination, ou le seul attentat ; ou, est une conjonction disjonctive & alternative.

Suivant donc la jurisprudence de France, il n’est pas nécessaire que l’assassin ait attenté immédiatement à la vie de celui qui est l’objet de son dessein criminel, il suffit qu’il ait machiné l’assassinat. En con-

séquence, par arrêt du parlement, un riche juif

ayant engagé son valet à donner des coups de bâton à un joueur d’instrumens, amant de sa maîtresse, ils furent tous deux condamnés à être roués, ce qui fut exécuté réellement à l’égard du valet, & en effigie à l’égard du maître : on punit donc alors la machination, qui n’avoit été suivie d’aucun attentat. M. de Montesquieu fait voir que cette loi est trop dure. (D. J.)

MACHINE, s. f. (Hydraul.) Dans un sens général signifie ce qui sert à augmenter & à regler les forces mouvantes, ou quelque instrument destiné à produire du mouvement de façon à épargner ou du tems dans l’exécution de cet effet, ou de la force dans la cause. Voyez Mouvement & Force.

Ce mot vient du grec μηχανή, machine, invention, art. Ainsi une machine consiste encore plûtôt dans l’art & dans l’invention que dans la force & dans la solidité des matériaux.

Les machines se divisent en simples & composées ; il y a six machines simples auxquelles toutes les autres machines peuvent se réduire, la balance & le levier, dont on ne fait qu’une seule espece, le treuil, la poulie, le plan incliné, le coin & la vis. Voyez Balance, Levier, &c. On pourroit même réduire ces six machines à trois, le levier, le plan incliné & le coin ; car le treuil & la poulie se rapportent au levier, & la vis au plan incliné & au levier. Quoi qu’il en soit, à ces six machines simples M. Varignon en ajoute une septieme qu’il appelle machine funiculaire, voyez Funiculaire.

Machine composée, c’est celle qui est en effet composée de plusieurs machines simples combinées ensemble.

Le nombre des machines composées est à-présent presqu’infini, & cependant les anciens semblent en quelque maniere avoir surpassé de beaucoup les modernes à cet égard ; car leurs machines de guerre, d’architecture, &c. telles qu’elles nous sont décrites, paroissent supérieures aux nôtres.

Il est vrai que par rapport aux machines de guerre, elles ont cessé d’être si nécessaires depuis l’invention de la poudre, par le moyen de laquelle on a fait en un moment ce que les béliers des anciens & leurs autres machines avoient bien de la peine à faire en plusieurs jours.

Les machines dont Archimede se servit pendant le siége de Syracuse, ont été fameuses dans l’antiquité ; cependant on révoque en doute aujourd’hui la plus grande partie de ce qu’on en raconte. Nous avons de très-grands recueils de machines anciennes & modernes, & parmi ces recueils, un des principaux est celui des machines approuvées par l’académie des Sciences, imprimé en 6 volumes in-4o. On peut aussi consulter les recueils de Ramelli, de Lupold, & celui des machines de Zabaglia, homme sans lettres, qui par son seul génie a excellé dans cette partie.

Machine architectonique est un assemblage de pieces de bois tellement disposées, qu’au moyen de cordes & de poulies un petit nombre d’hommes peut élever de grands fardeaux & les mettre en place, telles sont les grues, les crics, &c. Voyez Grue, Cric, &c.

On a de la peine à concevoir de quelles machines les anciens peuvent s’être servis pour avoir élevé des pierres aussi immenses que celles qu’on trouve dans quelques bâtimens anciens.

Lorsque les Espagnols firent la conquête du Pérou, ils furent surpris qu’un peuple qu’ils croyoient sauvage & ignorant, fût parvenu à élever des masses énormes, à bâtir des murailles dont les pierres n’étoient pas moindres que de dix piés en quarré, sans avoir d’autres moyens de charrier qu’à force de bras,