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L’évêque ne peut pas commettre une autre personne que son official ordinaire, pour juger les affaires contentieuses.

La jurisdiction ecclésiastique n’a point de territoire, c’est pourquoi la reconnoissance d’une promesse ou billet faite devant le juge d’Eglise n’emporte point d’hypotheque.

Avant l’édit de 1695, le juge d’église ne pouvoit mettre à exécution les jugemens, que par exécution de meubles, & non par saisie réelle.

Le juge d’église pouvoit decréter même de prise de corps ; mais il ne pouvoit faire arrêter ni emprisonner, sans implorer l’aide du bras séculier ; il pouvoit seulement faire emprisonner ceux qui se trouvoient dans son auditoire, lorsqu’il y avoit lieu de le faite. Mais par l’art. 24 de l’éd. de 1695 il est dit : que les sentences & jugemens sujets à exécution, & les decrets décernés par les juges d’Eglise, seront exécutés en vertu de cette nouvelle ordonnance, sans qu’il soit besoin de prendre aucun pareatis des juges royaux, ni de ceux des seigneurs ; & il est enjoint à tous juges de donner main-forte, & toute aide & secours dont ils seront requis, sans prendre aucune connoissance des jugemens ecclésiastiques.

Il a toujours été d’usage de condamner aux dépens dans les tribunaux ecclésiastiques, lors même que l’on n’en adjugeoit pas encore en cour-laye, mais le juge d’Eglise ne pouvoit autrefois condamner en l’amende à cause qu’il n’a point de territoire : présentement il peut prononcer une amende, laquelle ne peut être appliquée au profit de l’évêque, parce que l’Eglise n’a point de fisc ; il faut qu’elle soit appliquée à de pieux usages, & que l’application en soit déterminée par la sentence.

Les autres peines auxquelles le juge d’Eglise peut condamner, sont la suspension, l’interdit, l’excommunication, les jeûnes, les prieres, la privation pour un tems du rang dans l’église, de voix délibérative dans le chapitre, des distributions ou d’une partie des gros fruits, la privation des bénéfices, la prison pour un tems, & la prison perpétuelle ; l’amende honorable dans l’auditoire nûe-tête & à genoux.

L’Eglise ne peut pas prononcer de peine plus grave ; ainsi elle ne peut-condamner à mort ni à aucune peine qui emporte effusion de sang, ni à être fouetté publiquement, ni à la question, ni aux galeres ; elle ne peut même pas condamner au bannissement, mais seulement ordonner à un prêtre étranger de se retirer dans son diocèse.

La justice ecclésiastique se rendoit autrefois aux portes des églises ; c’est pourquoi on y représentoit Moïse législateur des Hébreux, Aaron leur grand-prêtre ; Melchisedec qui unit le sacerdoce à la royauté ; Salomon que la sagesse de ses jugemens a rendu célebre ; J. C. auteur de la nouvelle loi, S. Pierre & S. Paul, principaux instrumens de son divin ministere, & la reine de Saba à côté de Salomon, dont l’Evangile a dit : regina austri sedet in judicio. Cette reine a été regardée par les anciens commentateurs de l’Ecriture, comme une figure de l’Eglise. On représentoit aussi aux portes des églises David & Betsabé.

Lorsque les justices ecclésiastiques se tenoient aux portes des églises, on y représentoit ordinairement deux lions en signe de force, à l’imitation du tribunal de Salomon qui étoit inter duos leones. Le curé de saint Jean au Puy en Vélay avoit autrefois une jurisdiction, dont on trouve des jugemens datés, datum inter duos leones. L’archi-prêtre de saint Severin à Paris avoit aussi une jurisdiction, qu’il tenoit sur le perron de cette église, entre les deux lions qui sont au-devant de la grande porte ; c’est pourquoi l’on a eu soin de conserver ces figures de lions en mémoi-

re de cette ancienne jurisdiction que l’archiprêtre a

perdue.

En quelques endroits les archidiacres se sont attribué une partie de la jurisdiction épiscopale, tant volontaire que contentieuse, & ont même des officiaux ; ce qui dépend des titres & de la possession, & de l’usage de chaque diocèse.

Les chapitres des cathédrales ont en quelques endroits la jurisdiction spirituelle sur leurs membres. Voyez Justice du glaive.

Les évêques, abbés, chapitres & autres bénéficiers, ont aussi à cause de leurs fiefs des justices temporelles, qui sont des justices séculieres & seigneuriales pour les affaires temporelles de leurs seigneuries ; ce que l’on ne doit pas confondre avec leurs jurisdictions ecclésiastiques.

Sur la jurisdiction ecclésiastique, voyez dans le decret de Gratien le titre de foro competenti, & au décrétales les titres de judiciis & officio judicis ; les Novelles 79, 83 & 123 de Justinien ; les libertés de l’Eglise gallicane, les mémoires du Clergé, notamment tome VI. & tome VII. Loyseau, des seigneuries, chap. 15 ; la Bibliotheque canonique, tome I ; le Traité de la jurisdiction ecclésiastique de Ducasse ; les lois ecclésiast. de d’Héricourt, partie I. chap. j. Voyez aussi aux mots Archidiacre, Cas privilégiés, Délit commun, Evêque, Official, Promoteur, Vicegérent, Grand-Vicaire. (A)

Jurisdiction entiere, ou comme on dit plus communément,Entiere Jurisdiction, est celle qui appartient pleinement à un juge sans aucune exception ; c’est ce que l’on appelloit chez les Romains merum imperium qui comprenoit aussi le mixte & la jurisdiction simple ; parmi nous, c’est lorsque le juge exerce la haute, moyenne & basse justice ; car s’il n’avoit que la basse ou la moyenne ou même la haute, supposé qu’un autre eut la moyenne ou la basse, il n’auroit pas l’entiere jurisdiction. (A)

Jurisdiction épiscopale, est celle qui appartient à l’évêque, tant pour le spirituel que pour les autres matieres qui ont été attribuées à la jurisdiction ecclésiastique. Voyez ci-devant Jurisdiction ecclésiastique. (A)

Jurisdiction quasi épiscopale, est celle qui appartient à quelques abbés ou chapitres, qui exercent quelques-uns des droits épiscopaux. Voyez Abbés. (A)

Jurisdiction des Exempts, est celle qui est établie pour connoître des causes de ceux qui ne sont pas sujets à la justice ordinaire, soit en matiere civile ou en matiere ecclésiastique.

Il y a eu des juges des exempts dans les apannages des princes.

Les abbayes & chapitres qui sont exempts de la jurisdiction de l’ordinaire, ont la jurisdiction sur leurs membres. Voyez Jurisdiction des Abbés. (A)

Jurisdiction extérieure, est celle où la justice se rend publiquement, & avec les formalités établies à cet effet, & qui s’exerce sur les personnes & sur les biens, à la différence de la jurisdiction intérieure, qui ne s’exerce que sur les ames, & qui n’a pour objet que le spirituel. (A)

Jurisdictions extraordinaires, sont celles quæ extra ordinem utilitatis causa sunt constitutæ ; telles sont les jurisdictions d’attribution & de privilege, les commissions particulieres. Voyez Jurisdiction d’Attribution & de Privilege. (A)

Jurisdictions extravagantes, sont la même chose que les justices extraordinaires ; on les appelle ainsi, quia extra territorium vagantur. Voyez Loyseau, des offices, liv. I. chap. vj. & n. 49, & ci-après Justices extrordinaires. (A)

Jurisdiction féodale, est celle qui est atta-