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tion n’y sont point marqués, mais seulement la libration moyenne, c’est-à-dire les termes entre la plus grande & la plus petite. La troisieme table que donne M. le Monnier est celle des PP. Grimaldi & Riccioli, avec la plus grande & la plus petite libration. Ces trois figures du disque de la lune sont assez différentes entr’elles.

On a attribué autrefois beaucoup de puissance à la lune sur les corps terrestres, & plusieurs personnes sont encore dans cette opinion, que les Philosophes regardent comme chimérique. Cependant si on examine la chose avec attention, il ne doit point paroître impossible que la lune ne puisse avoir beaucoup d’influence sur l’air que nous respirons & les différens effets que nous observons. Il est certain que le soleil & la lune sur-tout, agissent sur l’Océan, & en causent le flux & le reflux. Or si l’action de ces astres est si sensible sur la masse des eaux, pourquoi ne le sera-t-elle pas sur l’atmosphere qui les couvre ? Pourquoi ne causera-t-elle pas dans cette atmosphere des mouvemens & des altérations sensibles ? Il est vrai que le vulgaire tombe dans beaucoup d’erreurs à ce sujet, & nous ne prétendons point adopter tous les préjugés sur la nouvelle lune, sur les effets de la lune, tant en croissant ou en décours, sur les remedes qu’il faut faire quand la lune est dans certains signes du zodiaque ; mais nous croyons pouvoir dire que plusieurs vents, par exemple, & les effets qui en résultent, peuvent être attribués très-vraissemblablement à l’action de la lune ; que par son action sur l’air que nous respirons, elle peut changer la disposition de nos corps, & occasionner des maladies : il est vrai que comme les dérangemens qui arrivent dans l’atmosphere ont encore une infinité d’autres causes dont la loi ne paroît point reglée, les effets particuliers de la lune se trouvant mélés & combinés avec une infinité d’autres, sont par cette raison très-difficiles à connoître & à distinguer ; mais cela n’empêche pas qu’ils ne soient réels, & dignes de l’observation des Philosophes. Le docteur Mead, célebre medecin anglois, a fait un livre qui a pour titre, de imperio solis ac lunæ in corpore humano, de l’empire du soleil & de la lune sur les corps humains.


Jusqu’ici nous n’avons presque fait que traduire l’article lune tel qu’il se trouve à peu-près dans l’encyclopédie angloise, & nous y avons joint quelques remarques tirées de différens auteurs, entr’autres des institutions astronomiques de M. le Monnier. Il s’agit à présent d’entrer dans le détail de ce que les savans de notre siecle ont ajouté à la théorie de M. Newton.

Ce qu’on a lû jusqu’ici dans cet article contient les phénomenes du mouvement de la lune, tels à peu près que les observations les ont fait connoître successivement aux Astronomes, & tels que M. Newton a tenté de les expliquer : nous disons a tenté, car quelque estimable que soit l’essai de théorie que ce grand homme nous a donné sur ce sujet, on a dû voir, par ce qui précede, que cet essai laisse encore beaucoup à desirer ; la raison en est que M. Newton n’avoit point résolu le problème fondamental, nécessaire pour trouver les différentes irrégularités de la lune ; ce problème consiste à déterminer au moins par approximation, l’équation de l’orbite que la lune décrit autour de la terre ; c’est une branche du problème fameux connu sous le nom du problème des trois corps. Voyez Problème des trois corps.

La lune est attirée vers la terre en raison inverse du quarré de la distance, suivant la loi générale de la gravitation (voyez Gravitation), & en même tems elle est attirée par le soleil ; mais comme la

terre est aussi attirée par ce dernier astre, & qu’il s’agit ici non du mouvement absolu de la lune, mais de son mouvement par rapport à la terre, il faut transporter à la lune en sens contraire, l’action du soleil sur la terre, ainsi que la force avec laquelle la lune agit sur la terre (voyez les mém. de l’académie de 1745, pag. 365.) ; & en combinant ces différentes actions avec la force de gravitation de la lune vers la terre, il en résultera deux forces, l’une dirigée vers la terre, l’autre perpendiculaire au rayon vecteur. La force dirigée vers la terre est composée de deux parties, dont l’une est la force d’attraction de la lune vers la terre, & l’autre est très-petite par rapport à celle-là, & dépendante de celle du soleil. Il s’agit donc de trouver l’équation de la courbe, que la lune décrit en vertu de ces forces, & son intégration approchée ; or c’est ce que M. Euler, M. Clairaut & moi, avons trouvé en 1747 par différentes méthodes, qui toutes s’accordent quant au résultat. Je donnerai au mot Problème des trois corps, une idée de la mienne, qui me paroît la plus simple de toutes ; mais quelque jugement qu’on en porte, il est certain que les trois méthodes conduisent exactement aux mêmes conclusions. La seule difficulté est dans la longueur peut-être du calcul. On peut en voir la preuve dans les ouvrages que Messieurs Euler, Clairaut & moi, avons publiés sur ce sujet. Celui de M. Euler a pour titre Theoria motûs lunæ ; celui de M. Clairaut est la piece qui a remporté le prix à Petersbourg en 1751, & le mien est intitulé Recherches sur différens points importans du système du monde.

M. Euler est le premier qui ait imaginé de donner aux tables de la lune une nouvelle forme différente de celle de M. Newton ; au lieu de faire varier l’équation du centre, il regarde l’excentricité comme constante, & il ajoute à l’équation du centre une autre équation qu’on peut appeller évection (voyez Evection), & qui fait à peu-près le même effet que la variation supposée par M. Newton a l’excentricité, & au mouvement de l’apogée. M. Euler a publié le premier des tables suivant cette nouvelle forme, & dans lesquelles il a fait encore quelques autres changemens à la forme des tables de M. Newton ; on peut voir sur cela le premier volume de ses opuscules, Berlin 1746 : mais ses tables très-commodes & très expéditives pour le calcul, avoient le défaut de n’être pas assez exactes. M. Mayer, célebre astronome de Gottingue, a perfectionné ces mêmes tables, en suivant la théorie de M. Euler, & en la corrigeant par les observations ; du reste il a conservé la forme donnée par M. Euler aux tables de la lune, & il l’a même encore simplifiée ; par ce moyen il a formé de nouvelles tables, qui ont paru en 1753, dans le second volume des mém. de l’acad. de Gottingen, & qui ont l’avantage d’être jusqu’ici les plus commodes & les plus exactes que l’on connoisse ; aussi l’académie royale des Sciences de Paris les a-t-elle adoptées par préférence à toutes les autres, dans la connoissance des tems pour l’année 1760 ; cependant malgré toutes les raisons qu’on a de croire les tables de M. Mayer plus exactes que les autres, il est nécessaire, pour n’avoir aucun doute là-dessus, de les comparer à un plus grand nombre d’observations ; & j’ai exposé dans la troisieme partie de mes recherches sur le système du monde, les doutes qu’on pourroit encore former sur l’exactitude de ces mêmes tables, ou du-moins les raisons de suspendre son jugement à cet égard, jusqu’à ce qu’on en ait fait une plus longue épreuve.

M. Clairaut & moi avons aussi publié des tables de la lune suivant notre théorie ; celles de M. Clairaut, qui sont moins exactes que celles de M. Mayer, ont encore l’inconvénient de demander beaucoup