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fois plus grande que celle de la lune, & par conséquent en supposant à chacune de ces surfaces une texture semblable, eu égard à l’aptitude de réflechir les rayons de lumiere, la terre enverra à la lune dans cette supposition quinze fois plus de lumiere qu’elle n’en reçoit d’elle. Or dans les nouvelles lunes, le côté éclairé de la terre est tourné en plein vers la lune, & il éclaire par conséquent alors la partie obscure de la lune : les habitans de la lune, s’il y en a, doivent donc avoir alors pleine terre, comme dans une position semblable nous avons pleine lune ; de-là cette lumiere foible qu’on observe dans les nouvelles lunes, qui outre les cornes brillantes, nous fait appercevoir encore le reste de son disque, & nous le fait même appercevoir assez bien pour y distinguer des taches. Il est vrai que cette lumiere est bien moins vive que celle du croissant, mais elle n’en est pas moins réelle ; la preuve qu’on en peut donner, c’est qu’elle va en s’affoiblissant à mesure que la terre s’écarte du lieu qu’elle occupoit relativement au soleil & à la lune, c’est-à-dire à mesure que la lune s’approche de ses quadratures & de son opposition au soleil.

Quand la lune parvient en opposition avec le soleil, la terre vûe de la lune doit paroître alors en conjonction avec lui, & son côté obscur doit être tourné vers la lune ; dans cette position la terre doit cesser d’être visible aux habitans de la lune, comme la lune cesse de l’être pour nous lorsqu’elle est nouvelle dans sa conjonction avec le soleil ; peu après les habitans de la lune doivent voir la terre cornue, en un mot la terre doit présenter à la lune les mêmes phases que la lune présente à la terre.

Le docteur Hook cherchant la raison pourquoi la lumiere de la lune ne produit point de chaleur sensible, observe que la quantité de lumiere qui tombe sur l’hémisphere de la pleine lune est dispersée avant que d’arriver jusqu’à nous, dans une sphere 188 fois plus grande en diametre que la lune, que par conséquent la lumiere de la lune est 104368 plus foible que celle du soleil, & qu’ainsi il faudroit qu’il y eût tout à-la-fois dans les cieux 104368 pleines lunes, pour donner une lumiere & une chaleur égale à celle du soleil à midi. Voyez Soleil, Chaleur, &c.

On a même observé que la lumiere de la lune ramassée au foyer d’un miroir ardent ne produisoit aucune chaleur. Sans avoir recours au calcul du docteur Hook, on peut en apporter une raison fort simple, savoir que la surface de la lune absorbe la plus grande partie des rayons du soleil, & ne nous en envoie que la plus petite partie.

Cours & mouvemens de la lune. Quoique la lune finisse son cours en 27 jours 7 heures, intervalle que nous appellons mois périodiques, elle emploie cependant plus de tems à passer d’une conjonction à la suivante, & ce dernier intervalle de tems s’appelle mois synodique ou lunaison. Voyez Mois & Lunaison.

La raison en est que pendant que la lune fait sa révolution autour de la terre dans son orbe, la terre avec tout son système fait de son côté une partie de sa révolution autour du soleil, de façon qu’elle & son satellite, la lune, avancent l’un & l’autre de presque un signe entier vers l’orient ; le point de l’orbite, qui dans sa premiere position répondoit à la droite qui passe par les centres de la terre & du soleil, se trouve donc alors à l’occident du soleil, & par conséquent lorsque la lune revient à ce même point elle ne doit plus se retrouver comme auparavant en conjonction avec le soleil, ce qui fait que la lunaison ne peut s’achever en moins de 29 jours & demi. Voyez Périodique, Synodique, &c.

C’est pourquoi le mouvement dont la lune s’éloigne chaque jour du soleil n’est que de 12d. & quel-

ques minutes : on a nommé ce mouvement, le mouvement diurne de la lune au soleil.

Si le plan de l’orbite de la lune étoit coincident avec celui de l’écliptique, c’est-à-dire si la terre & la lune se mouvoient dans un même plan, le chemin de la lune dans les cieux, vû de la terre, paroîtroit précisément le même que celui du soleil, avec cette seule différence que le soleil se trouveroit décrire son cercle dans l’espace d’une année, & que la lune décriroit le sien dans un mois : mais il n’en est pas ainsi, car ces deux plans se coupent l’un l’autre dans une droite qui passe par le centre de la terre, & sont inclinés l’un à l’autre d’un angle d’environ 5d. Voyez Inclinaison.

Supposons, par exemple, que AB (fig. 15.) soit une portion de l’orbite de la terre, T la terre, & CEDF l’orbite de la lune dans lequel se trouve le centre de la terre ; décrivez de ce même centre T, dans le plan de l’écliptique, un autre cercle CGDH dont le demi-diametre soit égal à celui du demi-diametre de l’orbite de la lune, ces deux cercles qui sont dans un différent plan & qui ont le même centre T, se couperont l’un l’autre dans une droite DC qui passera par le centre de la terre, & par conséquent l’une des moitiés CED de l’orbite de la lune sera élevée au-dessus du plan du cercle CGH vers le nord, & l’autre moitié DFC sera au-dessous vers le sud. La droite DC dans laquelle les deux cercles se coupent, s’appelle la ligne des nœuds, & les points des angles C & D les nœuds, celui de ces nœuds dans lequel la lune s’eleve au-dessus du plan de l’écliptique vers le nord, s’appelle nœud ascendant ou tête du dragon, & l’autre nœud descendant & queue du dragon. Voyez Nœud ; & l’intervalle de tems que la lune emploie en partant du nœud ascendant pour revenir au même nœud, s’appelle mois dracontique. Voyez Dragon & Dracontique.

Si la ligne des nœuds étoit immobile, c’est-à-dire si elle n’avoit d’autre mouvement que celui par lequel elle tourne autour du soleil, elle regarderoit toujours en ce cas le même point de l’écliptique, c’est-à-dire qu’elle resteroit toujours parallele à elle-même. Mais ces observations prouvent au contraire que la ligne des nœuds change continuellement de place, que sa situation décline toujours de l’orient à l’occident contre l’ordre des signes, & qu’elle finit la révolution de ce mouvement rétrograde dans une espace d’environ 19 ans, après quoi chacun des nœuds revient au même point de l’écliptique dont il s’étoit d’abord éloigné. Voyez Cycle.

Il s’ensuit de-là que la lune n’est jamais précisément dans l’écliptique que deux fois dans chaque période, savoir lorsqu’elle se trouve dans ses nœuds. Dans tout le reste de son cours elle s’éloigne plus ou moins de l’écliptique, suivant qu’elle est plus ou moins proche de ces nœuds. Les points F & E où elle est le plus éloignée de ces nœuds, sont nommés ses limites. Voyez Limite.

La distance de la lune à l’écliptique est nommée sa latitude, & elle se mesure par un arc de cercle qui va de la lune perpendiculairement à l’écliptique, & qui est comprise entre la lune & l’écliptique, ayant la terre pour centre ; la latitude de la lune, même lorsqu’elle est la plus grande, comme en E & en F, ne passe jamais 5d & environ 18′. & cette latitude est la mesure des angles des nœuds. Voyez Latitude.

Il paroit par ces observations, que la distance de la lune à la terre change continuellement, de sorte que la lune est tantôt plus proche & tantôt plus loin de nous. En effet, elle paroît tantôt sous un angle plus grand, tantôt sous un angle plus petit : l’angle sous lequel le diametre horisontal de la lune a été observé lorsqu’elle étoit pleine & périgée, excede un peu