donneroit la différence de longitude entre le lieu où l’on fait l’observation & celui pour lequel les tables ont été construites.
La difficulté ne consiste pas à trouver exactement l’heure qu’il est, on en vient à bout par les observations de la hauteur du soleil ; mais ce qui manque, c’est un nombre suffisant d’apparences qui puissent être observées ; car tous ces mouvemens lents, par exemple, celui de saturne, sont d’abord exclus, parce qu’une petite différence d’apparence ne s’y laisse appercevoir que dans un grand espace de tems, & qu’il faut ici que le phénomene varie sensiblement en deux minutes de tems au plus, une erreur de deux minutes sur le tems en produisant une de trente mille dans la longitude. Or parmi les phénomenes qui se trouvent dans ce cas, ceux qui ont paru les plus propres à cet objet, sont les différentes phases des éclipses de la lune, la longitude de cet astre ou son lieu dans le zodiaque, sa distance des étoiles fixes, ou le mouvement où elle se joint à elles, & la conjonction, la distance & les éclipses des satellites de Jupiter : nous allons parler de chacun de ces moyens l’un après l’autre.
1°. La méthode par les éclipses de lune est très aisée, & seroit assez exacte s’il y avoit des éclipses de lune chaque nuit. Au moment que nous voyons le commencement ou le milieu d’une éclipse de lune, nous n’avons qu’à prendre la hauteur ou le zénith de quelque étoile fixe, & nous en conclurons l’heure, cela suppose que nous connoissons d’ailleurs la latitude, & alors il n’y aura qu’à résoudre un triangle sphérique dont les trois côtés sont connus, savoir le premier, la distance du zénith au pole, complément de la latitude ; le second, celle de l’étoile au zénith, complément de la hauteur de l’étoile ; le troisieme, celle de l’étoile au pole, complément de la déclinaison de l’étoile, car on tirera de-là la valeur de l’angle formé par le méridien & le cercle de déclinaison passant par l’étoile, ce qui ajoûté à la différence d’ascension droite du soleil & de l’astre pour ce jour-là, donnera la distance du soleil au méridien, ou le tems qu’on cherche, c’est-à-dire, l’heure du jour au moment & au lieu de l’observation ; on n’auroit pas même besoin de connoître la hauteur de l’étoile, si l’étoile étoit dans le méridien. En effet, l’heure du moment de l’observation sera donnée alors par la seule différence d’ascension droite de l’œil & de l’étoile pour ce jour-là, convertie en tems ; ce moment qu’on aura trouvé de la sorte, étant comparé à celui qui est marqué dans les tables pour la même éclipse, nous donnera la longitude. Voyez Éclipse.
2°. Le lieu de la lune dans le zodiaque n’est pas un phénomene qui ait, comme ce dernier, le défaut de ne pouvoir être observé que rarement ; mais en revanche l’observation en est difficile, & le calcul compliqué & embarrassé à cause de deux parallaxes auxquels il faut avoir égard ; de sorte qu’à peine peut-on se servir de ce phénomene avec la moindre assurance, pour déterminer les longitudes. Il est vrai que si l’on attend que la lune passe au méridien du lieu, & qu’on prenne alors la hauteur de quelque étoile remarquable (on suppose qu’on a connu déjà la latitude du lieu) la latitude déduira assez exactement le tems, quoiqu’il fût mieux encore d’employer à cela l’observation de quelques étoiles situées dans le méridien.
Or le tems étant trouvé, il sera aisé de connoître quel point de l’écliptique passe alors par le méridien, & par-là nous aurons le lieu de la lune dans le zodiaque correspondant au tems de l’endroit où nous nous trouvons ; nous chercherons alors dans les éphémérides à quelle heure du méridien des éphémérides la lune doit se trouver dans le même
point du zodiaque, & nous aurons ainsi les heures des deux lieux dans le même instant, enfin leur différence convertie en degrés de grand cercle, nous donnera la longitude.
3°. Comme il arrive souvent que la lune doit être observée dans le méridien, les Astronomes ont tourné pour cette raison leurs vues du côté d’un autre phénomene plus fréquent pour en déduire les longitudes, c’est l’occultation des étoiles fixes par la lune ; en effet, l’entrée des étoiles dans le disque de la lune, ou leur sortie de ce disque, peut déterminer le vrai lieu de la lune dans le ciel pour le moment donné de l’observation ; mais les parallaxes auxquelles il faut avoir égard, ces triangles sphériques obliquangles qu’il faut résoudre, & la variété des cas qui peuvent se présenter, rendent cette méthode si difficile & si compliquée, que les gens de mer n’en ont fait que très-peu d’usage jusqu’à présent. Ceux qui voudront s’en servir trouveront un grand secours dans le zodiaque des étoiles, publié par les soins du docteur Halley, & qui contient toutes les étoiles dont on peut observer les occultations par la lune.
Mais malgré le peu d’usage qu’on a fait jusqu’ici de cette méthode, la plûpart des plus habiles astronomes de ce siecle croient que l’observation de la lune est peut-être le moyen le plus exact de découvrir les longitudes. Il n’est pas nécessaire, selon eux, d’observer l’occultation des étoiles par la lune pour marquer un instant déterminé ; le mouvement de la lune est si rapide, que si on rapporte sa situation à deux étoiles fixes, elle forme avec ces étoiles un triangle qui, changeant continuellement de figure, peut être pris pour un phénomene instantané, & déterminer le moment auquel on l’observe. Il n’y a plus d’heure de la nuit, il n’y a plus d’heure où la lune & les étoiles soient visibles, qui n’offre à nos yeux un tel phénomene ; & nous pouvons par le choix des étoiles, par leur position, & par leur splendeur prendre entre tous les triangles celui qui paroîtra le plus propre à l’observation.
Pour parvenir maintenant à la connoissance des longitudes, il faut deux choses : l’une qu’on observe sur mer avec assez d’exactitude le triangle formé par la lune & par les étoiles ; l’autre qu’on connoisse assez exactement le mouvement de la lune pour savoir quelle heure marqueroit la pendule reglée dans le lieu où l’on est parti, lorsque la lune forme avec les deux étoiles le triangle tel qu’on l’observe. On peut faire l’observation assez exactement, parce qu’on a assez exactement sur mer l’heure du lieu où l’on est, & que d’ailleurs on a depuis quelques années un instrument avec lequel on peut, malgré l’agitation du vaisseau, prendre les angles entre la lune & les étoiles avec une justesse assez grande pour déterminer le triangle dont nous parlons. La difficulté se réduit à la théorie de la lune, à connoître assez exactement ses distances & ses mouvemens pour pouvoir calculer à chaque instant sa position dans le ciel, & déterminer à quel instant pour tel ou tel lieu le triangle qu’elle forme avec deux étoiles fixes, sera tel ou tel. Nous ne dissimulerons point que c’est en ceci que consiste la plus grande difficulté. Cet astre qui a été donné à la terre pour satellite, & qui semble lui promettre les plus grandes utilités, échappe aux usages que nous en voudrions faire, par les irrégularités de son cours : cependant si on pense aux progrès qu’a faits depuis quelque tems la théorie de la lune, on ne sauroit s’empêcher de croire que le tems est proche où cet astre qui domine sur la mer, & qui en cause le flux & reflux, enseignera aux navigateurs à s’y conduire, Préface du traité de la parallaxe de la lune par M. de Maupertuis. On verra à l’article Lune le détail des travaux des plus habiles