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le préteur Marius Gratidianus, dont Catilina porta la tête par toute la ville. Voyez Ciceron, lib. III. de offic.

Loi memnia, établit des peines contre les calomniateurs ; elle dispensoit aussi ceux qui étoient absens pour le service de l’état de comparoître en jugement. Voyez Zazius.

Loi menia, fut faite par le tribun Menius, pour diminuer l’autorité du sénat ; avant cette loi, lorsque le peuple avoit donné son suffrage, le sénat interposoit son autorité ; au lieu que suivant cette loi, le sénat étoit réputé auteur de ce qui se proposoit même avant que le peuple eût donné son suffrage ; de maniere que tout ce que le peuple ordonnoit, paroissoit fait de l’autorité du sénat. Tite-Live, lib. I.

Loi mensia, régloit que l’enfant né d’un pere ou d’une mere étranger, suivroit la condition de celui qui étoit étranger. Voyez Charondas en sa note sur Zazius à la fin.

Loi metella, fut présentée au peuple par le consul Metellus, de l’ordre des censeurs Flaminius & Æmilius, elle concernoit la police du métier de soulon. Voyez Pline, lib. XXXV. cap. xvij.

Lois de la mer, voyez ci-après Lois d’Oleron.

Loi de melée, c’est l’amende dûe pour une rixe. Voyez la coûtume de Mons, chap. xlix.

Loi molmutine, lex molmutina, seu molmucina, vel mulmutina ; ce sont les lois faites en Angleterre par Dunwallo Molmutius, fils de Clothon, roi de Cornouaille, lequel succéda à son pere. Ces lois furent célebres en Angleterre jusqu’au tems d’Edouard, surnommé le Confesseur, c’est-à-dire jusques dans le onzieme siecle. Voyez le glossaire de Ducange, au mot lex molmutina.

Loi mondaine, lex mundana seu terrena ; sous la premiere & la seconde race de nos rois, on appelloit ainsi les lois civiles par opposition au droit canonique ; elle étoit composée du code théodosien pour les Romains, & des codes nationaux des Barbares, suivant lesquels ces derniers étoient jugés tels que les lois saliques & ripuaires pour les Francs, les lois gombettes pour les Bourguignons, &c. Dans les capitulaires & écrits des sept, huit, neuf & dixieme siecles, le terme de loi mondaine signifie les lois propres de chaque peuple, & désigne presque toujours les capitulaires. Voyez M. le président Henaut sous Clovis, & les recherches sur le droit françois, p. 162.

Loi muable, voyez Loi arbitraire.

Loi municipale, est celle qui est propre à une ville ou à une province : ce nom vient du latin municipium, lequel chez les Romains signifioit une ville qui se gouvernoit par ses propres lois, & qui avoit ses magistrats particuliers.

Les lois municipales sont opposées aux lois générales, lesquelles sont communes à toutes les provinces qui composent un état, telles que les ordonnances, édits & déclarations qui sont ordinairement des lois générales ; au lieu que les coutumes des provinces & des villes & autres lieux sont des lois municipales. Voyez Droit municipal. (A)

Loi naturelle, (Morale.) la loi naturelle est l’ordre éternel & immuable qui doit servir de regle à nos actions. Elle est fondée sur la différence essentielle qui se trouve entre le bien & le mal. Ce qui favorise l’opinion de ceux qui refusent de reconnoître cette distinction, c’est d’un côté la difficulté que l’on rencontre quelquefois à marquer les bornes précises qui séparent la vertu & le vice : de l’autre, la diversité d’opinions qu’on trouve parmi les savans mêmes qui disputent entre eux pour savoir si certaines choses sont justes ou injustes, sur-tout en matiere de politique, & enfin les lois diamétralement opposées les unes aux autres qu’on a faites sur toutes ces choses en divers siecles & en divers pays ; mais

comme on voit dans la peinture, qu’en détrempant ensemble doucement & par degrés deux couleurs opposées, il arrive que de ces deux couleurs extrèmes, il en résulte une couleur mitoyenne, & qu’elles se mêlent si bien ensemble, que l’œil le plus fin ne l’est pas assez pour marquer exactement où l’une finit & l’autre commence, quoique pourtant les couleurs soient aussi différentes l’une de l’autre qu’il se puisse : ainsi quoiqu’en certains cas douteux & délicats, il puisse se faire que les confins ou se fait la séparation de la vertu & du vice, soient très-difficiles à marquer précisément, de sorte que les hommes se sont trouvés partagés là dessus, & que les lois des nations n’ont pas été par-tout les mêmes, cela n’empêche pas qu’il n’y ait réellement & essentiellement une très-grande différence entre le juste & l’injuste. La distinction éternelle du bien & du mal, la regle inviolable de la justice se concilie sans peine l’approbation de tout homme qui réfléchit & qui raisonne ; car il n’y a point d’homme à qui il arrive de transgresser volontairement cette regle dans des occasions importantes, qui ne sente qu’il agit contre ses propres principes, & contre les lumieres de sa raison, & qui ne se fasse là-dessus de secrets reproches. Au contraire, il n’y a point d’homme qui, après avoir agi conformément à cette regle, ne se sache gré à lui-même, & ne s’applaudisse d’avoir eu la force de résister à ces tentations, & de n’avoir fait que ce que sa conscience lui dicte être bon & juste : c’est ce que saint Paul a voulu dire dans ces paroles du chap. ij. de son épître aux Romains : que les Gentils qui n’ont point de loi, font naturellement les choses qui sont de la loi, & que n’ayant point de loi, ils sont leur loi à eux-mêmes, qu’ils montrent l’œuvre de la loi écrite dans leurs cœurs, leur conscience leur rendant témoignage, & leurs pensées entre elles s’accusant ou s’excusant.

Je ne disconviens pas qu’il n’y ait des gens qui, gâtés par une mauvaise éducation, perdus de débauche, & accoutumés au vice par une longue habitude, ont furieusement dépravé leurs principes naturels, & pris un tel ascendant sur leur raison, qu’ils lui imposent silence pour n’écouter que la voix de leurs préjugés, de leurs passions & de leurs cupidités. Ces gens plûtôt que de se rendre & de passer condamnation sur leur conduite, vous soutiendront impudemment, qu’ils ne sauroient voir cette distinction naturelle entre le bien & le mal qu’on leur prêche tant ; mais ces gens-là, quelque affreuse que soit leur dépravation, quelque peine qu’ils se donnent pour cacher au reste des hommes les reproches qu’ils se font à eux-mêmes, ne peuvent quelquefois s’empêcher de laisser échapper leur secret, & de se découvrir dans de certains momens où ils ne sont point en garde contre eux-mêmes. Il n’y a point d’homme en effet si scélérat & si perdu, qui, après avoir commis un meurtre hardiment & sans scrupule, n’aimât mieux, si la chose étoit mise à son choix, n’avoir obtenu le bien par d’autres voies que par des crimes, fût-il sûr de l’impunité. Il n’y a point d’homme imbu des principes d’Hobbes, & placé dans son état de nature, qui, toutes choses égales, n’aimât beaucoup mieux pourvoir à sa propre conservation, sans être obligé d’ôter la vie à tous ses semblables, qu’en la leur ôtant On n’est méchant, s’il est permis de parler ainsi, qu’à son corps défendant, c’est-à-dire, parce qu’on ne sauroit autrement satisfaire ses desirs & contenter ses passions. Il faut être bien aveuglé pour confondre les forfaits & les horreurs avec cette vertu qui, si elle étoit soigneusement cultivée, feroit voir au monde la réalité des traits ingénieux dont les anciens poëtes se sont servis pour peindre l’âge d’or.

La loi naturelle est fondée, comme nous l’avons dit, sur la distinction essentielle qui se trouve entre