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aux prises avec une chaleur qui justifie bien le proverbe,

Tantæne animis celestibus iræ !

Pour savoir si la plante dont l’ombre réjouit si fort Jonas étoit des citrouilles ou du lierre, faut-il s’étonner si leurs successeurs s’échauffent pour des sujets qui ne sont pas plus intéressans ?

Saint Augustin avoue que la version de saint Jérôme qui avoit introduit du lierre au lieu de citrouilles, avoit causé dans le temple le plus grand tumulte ; & saint Jérôme de son côté se plaint amérement qu’à cause de cette façon de traduire le kikajou, on avoit crié contre lui au sacrilege ; aussi Calvin qui se connoissoit en vivacité, avoue que saint Jérôme, dans sa réponse à saint Augustin, étoit sorti des bornes d’une honnête modération ; & cependant tot capita tot sensus, sur les choses importantes comme sur les minuties. Les uns prétendent que cette plante de Jonas étoit vigne sauvage ; d’autres, une espece de féves ; ceux-ci, une plante inconnue, aussi miraculeuse dans son espece que sa production & son accroissement dans une nuit ont pu l’être ; plusieurs enfin entendent par le kikajou de Jonas, le palma christi, que les Arabes appellent kiki, &c. On n’auroit jamais fait si on vouloit rapporter toutes les questions frivoles qui ont été agitées dans la république des lettres, & qui ont toujours dégénéré en misérables logomachies. Scaliger & Cardan aux prises sur cette question très-importante : an hædus tot habeat pilos quot caper ? les Jurisconsultes partagés sur celles-ci : an jus in bruta quoque animantia cædat ? sitne aliquid juris naturalis, necne ? &c.

La Physique est-elle une science ou un art ? &c.

La nouvelle Philosophie nous promettoit en définissant tous les termes, de prévenir toutes logomachies ; mais c’est guérir une migraine périodique par un mal de tête habituel ; puisqu’en multipliant les mots dans les définitions, on multiplie nécessairement les disputes.

Les sensations ont produit beaucoup de logomachies ; c’est que tous les hommes ne sentent pas de même, & qu’il est difficile d’exprimer ce qu’on sent.

Il faut, dit-on dans l’école, pour prévenir des logomachies, bien établir l’état de la question ; mais le petit nombre de ces questions dont l’état peut bien s’établir, sont précisément celles sur lesquelles il n’y a pas lieu de disputer, & sur lesquelles même on ne pourroit pas le faire raisonnablement. Au reste, vû les travers de l’esprit humain, la vérité est au bout d’une route embarrassée de ronces & d’épines, on n’y parvient qu’après bien des contradictions & des logomachies ; mais prétendre que ces contradictions & ces disputes ont conduit les hommes à la vérité, ce seroit vouloir se persuader que sans les inondations & les naufrages, l’animal appellé homme n’auroit pas sçû nager.

Turpe est difficiles habere nugas,
Et stultus labor est ineptiarum.

Epigramm. Martialis ad Classicum.

LOGOGRAPHIE, s. f. (Gramm.) C’est la partie de l’Ortographe qui prescrit les regles convenables pour représenter la relation des mots à l’ensemble de chaque proposition, & la relation de chaque proposition à l’ensemble du discours. On peut voir au mot Grammaire l’origine de ce mot, l’objet & la division de cette partie ; & aux mots Ortographe & Ponctuation, les principales regles qui en font l’essence.

LOGOTHETE, s. m. (Hist. mod.) nom tiré du grec λόγος, ratio, compte, & de τίθημι, établir.

Le logothete étoit un officier de l’empire grec, & on en distinguoit deux ; l’un pour le palais, & l’autre

pour l’église. Selon Codin, le logothete de l’église de Constantinople étoit chargé de mettre par écrit tout ce qui concernoit les affaires relatives à l’église, tant de la part des grands, que de celle du peuple. Il tenoit le sceau du patriarche, & l’apposoit à tous les écrits émanés de lui ou dressés par ses ordres.

Le même auteur dit que le grand logothete, c’est ainsi qu’on nommoit celui du palais impérial, mettoit en ordre les dépêches de l’empereur, & généralement tout ce qui avoit besoin du sceau & de la bulle d’or : c’étoit une espece de chancelier ; aussi Nicetas explique-t-il par ce dernier titre celui de logothete.

LOGROGNO, ou LOGRONO, (Géog.) ancienne ville d’Espagne, dans la vieille Castille, sur les frontieres de la Navarre, dans un terrein abondant en fruits exquis, en olives, en blé, en chanvre, en vins, & en tout ce qui est nécessaire à la vie. Elle est sur l’Ebre, à 22 lieues N. E. de Burgos, 57 N. E. de Madrid. Quelques-uns la prennent pour la Juliobrica des anciens ; d’autres estiment que la Juliobrica de Pline est présentement Fuente d’Ivero. Sa long. 15. 32. lat. 42. 26.

Logrogno est la patrie de Rodriguez d’Arriega, fameux jésuite espagnol, mort à Prague en 1667, âgé de 75 ans. Il a répandu beaucoup de subtilités scholastiques dans sa vaste théologie, qui contient huit volume in-fol. & plus encore dans son cours latin de philosophie, imprimé à Anvers en 1632, & à Lyon en 1669 in-fol. Semblable à ces guerriers qui dévastent le pays ennemi, sans pouvoir mettre leurs frontieres en état de résistance, il se montre bien plus habile à ruiner ce qu’il nie, qu’à prouver ce qu’il prétend établir. C’est dommage que cet homme subtil & pénétrant n’ait eu aucune connoissance des bons principes de la Théologie & de la Philosophie ; mais on est encore bien éloigné de s’en douter en Espagne ; hé, comment le jésuite d’Ariéga les auroit-il connus il y a cent ans ? (D. J.)

LOGUDORO, ou LOGODORO, la province de, (Géog.) contrée septentrionale de l’île de Sardaigne, avec une petite ville de même nom, & quelques gros bourgs ; Sassari, Algheri, Sarda, Terranova, & Castel, Arogonese, Boca, &c. (D. J.)

LOGUER, en terme de Rafinerie, c’est l’action d’humecter les formes pour les bâtardes & les fondus, en frottant l’intérieur de ces formes avec un morceau de vieux linge imbibé d’eau. Voyez Batardes, Formes & Fondus.

LOGUETTE, s. f. terme de riviere, cordage de la grosseur d’une cincenelle, que l’on ajoute à un cable pour le tirage des bateaux.

LOHARDE, la préfecture de, (Géog.) petit canton de Danemarck, dans le Sud-Jutland, appartenant en partie au roi de Danemarck, & en partie au duc de Holstein. (D. J.)

LOHN, la (Géog.) en latin Logana ou Loganus, riviere d’Allemagne, qui prend sa source dans la haute Hesse, & se jette dans le Rhin au-dessus de Coblentz. Elle donne son nom à ce petit canton d’Allemagne qu’on appelle le Lohn-gaw. (D. J.)

LOI, s. f. (Droit naturel, moral, divin, & humain.) La loi en général est la raison humaine, entant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre ; & les lois politiques & civiles de chaque nation ne doivent être que les divers cas particuliers où s’applique cette raison humaine.

On peut définir la loi une regle prescrite par le souverain à ses sujets, soit pour leur imposer l’obligation de faire, ou de ne pas faire certaines choses, sous la menace de quelque peine, soit pour leur laisser la liberté d’agir, ou de ne pas agir en d’autres choses comme ils le trouveront à propos, &