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prochant dans des cafés à Londres. Auguste avoit une de ces chaises, où il s’établissoit souvent après souper, pour travailler ; Suétone l’appelle lecticulam lucubratoriam.

La sella étoit moins élevée que la lectica, & ne pouvoit contenir qu’une personne assise.

2°. Lectica signifioit encore le cercueil dans lequel on portoit les morts au bucher. On les plaçoit sur ce brancard, habillés d’une maniere convenable à leur sexe & à leur rang : on en trouvera la preuve dans Denys d’Halicarnasse, dans Cornelius Nepos & autres historiens. Voyez aussi Kirchman, de funeribus Romanorum.

Il est vraissemblable que lectica est dérivé de lectus, un lit, parce qu’il y avoit dans la litiere un coussin & un matelas comme à un lit.

L’invention de cette voiture portative par des hommes ou par des bêtes, venoit des rois de Bithynie ; mais l’usage de ces voitures prit une telle faveur à Rome, que sous Tibere, les esclaves se faisoient porter en litiere par d’autres esclaves inférieurs. Enfin, cette mode s’abolit sous Alexandre Sévere, pour faire place à celle des chars, qui s’introduisit jusques chez les gens du menu peuple de Rome, à qui l’empereur permit de décorer leurs chars, & de les argenter à leur fantaisie.

Je finis d’autant mieux que le lecteur peut se dédommager de mes omissions par le traité de Scheffer, de re vehiculari in-4o. & celui d’Arstorphius, de lectis & lecticis. in-12. (D. J.)

Litiere, (Maréch.) paille dénuée de grain, qu’on met sous les chevaux pour qu’ils se couchent dessus à l’écurie. Faire la litiere, c’est mettre de la litiere neuve, ou remuer la vieille avec des fourches, pour que le cheval soit couché plus mollement.

LITIERSE ou LITIERSÉS, s. m. (Littér.) sorte de chanson en usage parmi les Grecs, & sur-tout affectée aux moissonneurs : elle fut ainsi nommée de Lytiersés, fils naturel de Midas, & roi de Celènes en Phrygie.

Pollux dit que le lytierse étoit une chanson de deuil qu’on chantoit autour de l’aire & des gerbes, pour consoler Midas de la mort de son fils, qui, selon quelques-uns, avoit été tué par Hercule. Cette chanson n’étoit donc pas une chanson grecque dans son origine. Aiussi Pollux la met-il au rang des chansons étrangeres ; & il ajoute qu’elle étoit particuliere aux Phrygiens, qui avoient reçu de Lytiersez l’art de l’Agriculture. Le scholiaste de Théocrite assure que de son tems les moissonneurs de Phrygie chantoient encore les éloges de Lytiersez, comme d’un excellent moissonneur.

Si le lytierse a été dans son origine une chanson étrangere aux Grecs, qui rouloit sur les éloges d’un prince phrygien, on doit reconnoître que les moissonneurs de la Grece n’adopterent que le nom de la chanson, & qu’il y eut toujours une grande différence entre le lytierse phrygien & le lytierse grec. Ce dernier ne parloit guere ni de Lytiersez, ni de Midas, à en juger par l’idille X de Théocrite, où le poëte introduit un moissonneur, qui après avoir dit ; voyez ce que c’est que la chanson du divin Lytiersez, la rapporte partagée en sept couplets, qui ne s’adressent qu’aux moissonneurs, à ceux qui battent le grain, & au laboureur qui emploie les ouvriers. Au reste cette chanson de Lytiersez passa en proverbe en Grece, pour signifier une chanson qu’on chantoit à contrecœur & par force. Pollux, lib. IV. c. vij. Erasm. adag. chil. iij. cent. 4. adag. 75. diss. de M. de la Nause, sur les chansons anciennes. Mém. de l’acad. des Belles-Lettres, tome IX. pag. 349. & suiv.

LITIGANT, adj. (Jurisprud.) est celui qui conteste en justice. On dit les parties litigantes, & on appelle collitigans ceux qui sont unis d’intérêt, & qui plaident conjointement. (A)

LITIGE, s. m. (Jurisprud.) signifie procès : on dit qu’un bien est en litige, lorsqu’il y a contestation à ce sujet.

Ce terme est usité sur-tout en matiere bénéficiale, pour exprimer la contestation qui est pendante entre deux contendans, pour raison d’un même bénéfice ; quand l’un des deux vient à décéder pendant le litige, on adjuge à l’autre la possession du bénéfice. (A)

LITIGIEUX, adj. (Jurisprud.) se dit de ce qui est en litige, comme un héritage, un office, un bénéfice ; & on appelle droits litigieux, tous droits & actions qui ne sont pas liquides, & qui souffrent quelque difficulté. Voyez Droits litigieux. (A)

LITISPENDANCE, s. f. (Jurisprud.) c’est quand il y a procès pendant & indécis avec quelqu’un.

La litispendance est un moyen d’évocation, c’est-à-dire que quand on est déja en procès avec quelqu’un dans une jurisdiction, on peut évoquer une demande qui est formée devant un autre juge, si cette demande est connexe avec le premier procès.

Pour que la litispendance puisse autoriser l’évocation, il faut que ce soit entre les mêmes personnes, pour le même objet, & en vertu de la même cause.

Les déclinatoires proposés pour cause de litispendance, doivent être jugés sommairement à l’audience, suivant l’article 3. du tit. 6. de l’ordonnance de 1667. (A)

LITOMANCIE, s. f. (Divinat.) espece de divination, ainsi nommé de λιτὸς, ce qui rend un son clair & aigre, & de μαντεία, divination. Elle consistoit à pousser l’un contre l’autre plusieurs anneaux, dont le son plus ou moins clair ou aigu, manifestoit, disoit-on, la volonté des dieux, & formoit un présage bon ou mauvais pour l’avenir.

LITORNE, s. f. turdus pilaris, (Hist. nat. Ornitholog.) espece de grive, qui est un peu plus grande que la grive simplement dite. Voyez Grive. Elle a la tête, le cou, & le croupion de couleur cendrée, & le dos de couleur rousse obscure. Il y a de chaque côté de la tête une tache noire, qui s’étend depuis le bec jusqu’à l’œil. Raii synop. avium. Voyez Oiseau.

LITOTE, subst. f. ou diminutions en Rhétorique, (Littér.) Harris & Chambers disent que c’est un trope par lequel on dit moins qu’on ne pense ; comme lorsqu’on dit à quelqu’un à qui l’on a droit de commander : Je vous prie de faire telle ou telle chose. Le mot je vous prie, emporte une idée d’empire & d’autorité qu’il n’a pas naturellement. Voyez Diminutions. Harris cite un autre exemple, mais qui n’est pas intelligible.

Mais M. de Marsais, qui a examiné très-philosophiquement la matiere des figures, dit que « c’est un trope par lequel on se sert de mots, qui, à la lettre, paroissent affoiblir une pensée dont on sait bien que les idées accessoires feront sentir toute la force : on dit le moins par modestie ou par égard ; mais on sait bien que ce moins réveillera l’idée du plus. Quand Chimène dit à Rodrigue (Cid, acte III. sc. 4.) Va, je ne te hais point, elle lui fait entendre bien plus que ces mots là ne signifient dans leur sens propre. Il en est de même de ces façons de parler : je ne puis vous louer, c’est-à-dire, je blâme votre conduite ; je ne méprise pas vos présens, signifie que j’en fais beaucoup de cas… On appelle aussi cette figure exténuation ; elle est opposée à l’hyperbole ».

Ce que j’ai remarqué sur l’ironie (voyez Ironie) me paroît encore vrai ici. Si les tropes, selon M. du Marsais même, qui pense en cela comme tous les Rhéteurs & les Grammairiens, (part. I. art. jx) sont des figures par lesquelles on fait prendre à un mot une signification, qui n’est pas précisément la signification propre de ce mot ; je ne vois pas qu’il y ait aucun trope, ni dans les exemples qu’on vient