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par-dessus, blanchâtres par-dessous ; mais elles sont plus larges, plus longues, plus molles & plus vertes en dessus ; quelquefois elles sont un peu dentelées par les bords, & piquantes, d’autres fois unies & sans dentelures. Ses chatons & ses glands sont pareillement semblables à ceux du chêne verd ; mais le gland du liége est plus long, plus obtus, d’un goût plus désagréable que celui de l’yeuse. Il en part ordinairement deux d’un même pédicule, qui est ferme & court. Le calice du gland est aussi plus grand & plus velu que celui de l’yeuse.

Cet arbre croît dans les pays chauds, en Espagne, en Portugal, en Italie, en Provence, en Gascogne, vers les Pyrénées & en Roussillon. Il donne une écorce plus épaisse, & meilleure à proportion qu’il vieillit, & c’est de cette écorce inutile en Médecine, mais qu’on emploie à divers autres usages, que cet arbre tire tout son lustre. Son fruit sert à nourrir les cochons, & les engraisse mieux, à ce qu’on dit, que les glands des autres chênes. (D. J.)

Liege, (Mat. méd.) on trouve encore parmi le peuple des femmes qui croient à la vertu du liége porté en amulette pour faire perdre le lait sans danger. Les Médecins & les gens raisonnables n’ont plus de foi pour les propriétés de cette classe, quoiqu’ils attachent encore un collier de bouchons de liége enfilés au cou de leurs chiennes & de leurs chates qui ont perdu leurs petits. (b)

Liege, (Arts & Comm.) écorce extérieure de l’arbre qui porte le même nom.

Pour lever cette écorce, on fend le tronc de l’arbre depuis le haut jusqu’en bas, en faisant aux deux extrémités une incision coronale. On choisit ensuite un tems sec & assuré pour lever cette grosse écorce ; car l’écorce inférieure, qui est encore tendre, se gâteroit & feroit périr l’arbre, s’il survenoit des pluies abondantes après la récolte du liége. Il est vrai que ce mal n’arrive guere dans les pays chauds, où le tems est en général fort constant. Quand on a dépouillé l’arbre, qui pour cela ne meurt pas, on met l’écorce en pile dans quelque mare, dans quelque étang, où on la charge de pierres pesantes pour l’applatir de toutes parts & la réduire en tables. On la retire ensuite de la mare, on la nettoie, on la fait sécher, & quand elle est suffisamment seche on la net en balles pour la commodité du transport.

On emploie le liége pour les pantoufles, pour des patins, mais sur-tout pour boucher des cruches & des bouteilles ; les pêcheurs s’en servent aussi à faire ce qu’ils appellent des patenostres pour suspendre leurs filets sur l’eau. Enfin, le liége sert à divers autres usages. Les Espagnols, par exemple, le calcinent dans des pots couverts pour le réduire en une cendre noire, extrèmement légere, que nous appellons noir d’Espagne, qui est fort employé par plusieurs ouvriers. Aujourd’hui on fait ce noir par-tout, & mieux que sur les lieux.

On distingue dans le commerce, dit M. Savary, deux sortes de liége, le liege blanc ou de France, & le liége noir ou d’Espagne. Le liége blanc doit être choisi en belles tables unies, légeres, sans nœuds ni crevasses, d’une moyenne épaisseur, d’un gris jaunâtre dessus & dedans, & qui se coupent nettement. Le liége noir doit avoir les mêmes qualités, à la réserve de l’épaisseur & de la couleur extérieure ; car le plus épais & le plus noir au dehors, est le plus estimé. (D. J.)

Liege fossile, (Hist. nat.) suber montanum : on nomme ainsi une espece de pierre extrèmement légere qui paroît composée de fibres ou de filets flexibles, & d’un tissu spongieux comme le liége. Wallerius le regarde comme une espece d’amiante, aussi-bien que la chair fossile, caro fossilis, qui se trouve en quelques endroits du Languedoc. Cette pierre entre en

fusion dans le feu, & s’y change en un verre noir. Voyez Wallerius, minéralogie.

Liege, (Géog.) ville d’Allemagne dans le cercle de Westphalie, capitale de l’évêché du même nom, dont l’évêque est souverain, & suffragant de Cologne.

On nomme aujourd’hui cette ville en latin Leodium, Leodicum & Leodica ; selon Boxhornius on la nommoit anciennement Legia, à cause d’une légion romaine que les habitans du pays défirent, de même que cinq cohortes commandées par Cotta & par Sabinus, comme le remarque César, liv. V. On l’appelle en allemand Luttich, & en Hollandois Luyk.

La plûpart des meilleurs écrivains prétendent que S. Hubert, originaire d’Aquitaine, qui florissoit en 700, fut le premier évêque de cette ville, qu’il la fonda, lui donna le nom de Legia, & qu’avant son tems ce n’étoit qu’un village.

Quoique cette ville soit soumise à son évêque pour le temporel & le spirituel, elle jouit de si grands privileges qu’on peut la regarder comme une république libre, gouvernée par ses bourgmestres, par ses sénateurs & par ses autres magistrats municipaux ; car elle a trente-deux colléges d’artisans, qui partagent une partie de l’autorité dans le gouvernement, & portent l’aisance dans la ville ; mais le nombre de ses églises, de ses abbayes, & de ses monasteres, lui font un tort considérable. Pétrarque en sortant de cette ville, écrivit à son amante : Vidi Leodium insignem clero locum ; il diroit encore la même chose.

Son évêché renfermoit autrefois tout le comté de Namur, une grande partie du duché de Gueldres & de celui de Brabant. Il n’a plus cette étendue, cependant il comprend encore sous sept archidiaconés vingt & un doyennés ruraux, & en tout environ 1500 paroisses.

Le pays de Liege est divisé en dix drossarderies ou grands bailliages qui sont à la collation du prince, quelques villes, Liege, Tongres, Huy, Maseick, Dinant, Hassel, &c. plusieurs gros bourgs, baronnies & seigneuries, sur lesquelles l’évêque a la jurisdiction de prince ou d’évêque. Le terroir y est fertile en grains, fruits & venaison. Il se trouve dans le pays des mines de fer & quelques-unes de plomb, avec des carrieres d’une espece de charbon de terre, qu’on appelle de la houille.

La ville de Liege est située dans une vallée agréable, abondante, environnée de montagnes que des vallons séparent, avec des prairies bien arrosées, sur la Meuse, à 5 lieues N. E. de Huy, 4 S. de Mastricht, 14 N. E. de Namur, 25 S. O. de Cologne, 26 N. de Luxembourg, 30 N. O. de Mons, 77 N. E. de Paris. Long. selon Cassini, 26d. 6′. 30″. latit. 50. 40.

« C’est ici qu’est décédé à l’âge de 55 ans, le 7 Août 1106, Henri IV, empereur d’Allemagne, pauvre, errant, & sans secours, plus misérablement encore que Grégoire VII, & plus obscurément, après avoir si long-tems tenu les yeux de l’Europe ouverts sur ses victoires, sur ses grandeurs, sur ses infortunes, sur ses vices & sur ses vertus. Il s’écrioit en mourant, au sujet de son fils Henri V : Dieu des vengeances, vous vengerez ce parricide ! De tous tems les hommes ont imaginé que Dieu exauçoit les malédictions des mourans, & sur-tout des peres ; erreur utile & respectable, si elle arrêtoit le crime ». Voltaire, Hist. universelle, tom. I. pag. 280. (D. J.)

Liege, c’est un morceau de bois en forme de petite aîle, qui est aux deux côtés du pommeau de la selle, & qui s’appelle batte, lorsqu’il est couvert de cuir & embelli de clous. On dit : ce liege est décollé. Ce mot vient de ce qu’autrefois la batte étoit de liége ; mais on la fait aujourd’hui de bois. V. Selle.