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chaque instant il se fait déperdition & réparation de substance. De la terre, si nous nous élevons aux corps célestes, nous serons en droit de raisonner de la même maniere. Les observations des astronomes ne nous permettent pas de douter que toutes les planetes ne soient des corps semblables à la terre, & ne doivent être compris sous une espece commune. Les mêmes observations découvrent sur la surface de ces planetes des générations & des corruptions continuelles. En vertu donc de l’argument tiré de l’analogie, on peut conclure qu’il y a dans toutes les planetes plusieurs series contingentes, tant de substances composées que de modifications. Le soleil, corps lumineux par lui-même, & qui compose avec les étoiles fixes une espece particuliere de grands corps du monde, est également sujet à divers changemens dans sa surface. Il doit donc y avoir dans cet astre & dans les étoiles fixes une serie d’états contingens. C’est ainsi que de toute la nature sort en quelque sorte une voix qui annonce la multiplicité & l’enchaînure des series contingentes. Les difficultés qu’on pourroit former contre ce principe, sont faciles à lever. En remontant, dit-on, jusqu’au principe des généalogies, jusqu’aux premiers parens, on rencontre la même personne placée dans plusieurs series différentes. Plusieurs personnes actuellement vivantes ont un an célebre commun, qui se trouve par conséquent dans la généalogie de chacun. Mais cela ne nuit pas plus à la multiplicité des series, que ne nuit à un arbre la réunion de plusieurs petites branches en une seule plus considérable, & celle des principales branches au tronc. Au contraire c’est de-là que tire sa force l’enchaînure universelle des choses. On objecte encore que la mort d’un fils unique sans postérité rompt & termine tout d’un coup une serie de contingens, qui avoit duré depuis l’origine du monde. Mais si la serie ne se continue pas dans l’espece humaine, néanmoins la matiere, dont ce dernier individu étoit composé, n’étant point anéantie par sa mort, subit des changemens également perpétuels, quoique dans d’autres series. Et d’ailleurs aucune serie depuis l’origine des choses n’est venue à manquer, aucune espece de celles qui ont été créées ne s’est éteinte. Pour acquérir une idée complette de cette matiere, il faut lire toute la premiere section de la Cosmologie de M. Wolf.

Liaison, est en Musique un trait recourbé, dont on couvre les notes qui doivent être liées ensemble.

Dans le plein-chant, on appelle aussi liaison une suite de plusieurs notes passées sur la même syllabe, parce qu’en effet elles sont ordinairement attachées ou liées ensemble.

Quelques-uns nomment encore quelquefois liaison ce qu’on appelle plus proprement syncope. Voyez Syncope.

Liaison harmonique est le prolongement ou la continuation d’un ou plusieurs sons d’un accord sur celui qui le fuit ; de sorte que ces sons entrent dans l’harmonie de tous deux. Bien lier l’harmonie, est une des grandes regles de la composition, & celle à laquelle on doit avoir le plus d’égard dans la marche de la basse fondamentale. Voyez Basse & Fondamental. Il n’y a qu’un seul mouvement permis sur lequel elle ne puisse se pratiquer ; c’est lorsque cette basse monte diatoniquement sur un accord parfait : aussi de tels passages ne doivent-ils être employés que sobrement, seulement pour rompre une cadence, ou pour sauver une septieme diminuée. On se permet aussi quelquefois deux accords parfaits de suite, la basse descendant diatoniquement, mais c’est une grande licence qui ne sauroit se tolérer qu’à la faveur du renversement.

La liaison harmonique n’est pas toujours exprimée dans les parties ; car, quand on a la liberté de

choisir entre les sons d’un accord, on ne prend pas toujours ceux qui la forment ; mais elle doit au moins se sous-entendre. Quand cela ne se peut, c’est, hors les cas dont je viens de parler, une preuve assûrée que l’harmonie est mauvaise.

Liaison, dans nos anciennes musiques. Voyez Ligature. (S)

Liaison, (Architecture.) Mâçonnerie en liaison. Voyez Maçonnerie.

Liaison, en Architecture, est une maniere d’arranger & de lier les pierres & les briques par enchaînement les unes avec les autres, de maniere qu’une pierre ou une brique recouvre le joint des deux qui sont au-dessous.

Vitruve nomme les liaisons de pierres ou de briques alterna coagmenta.

Liaisons de joint, s’entend du mortier ou du plâtre détrempé, dont on fiche & jointoye les pierres.

Liaison à sec, celle dont les pierres sont posées sans mortier, leurs lits étant polis & frottés au grais, comme ont été construits plusieurs bâtimens antiques faits des plus grandes pierres.

On se sert aussi de ce terme dans la décoration, tant extérieure qu’intérieure, pour exprimer l’accord que doivent avoir les parties les unes avec les autres, de maniere qu’elles paroissent être unies ensemble & ne faire qu’un tout harmonieux, ce qui ne peut arriver qu’en évitant l’union des contraires.

Liaison, dans la coupe des pierres, est un arrangement des joints, qu’il est essentiel d’observer pour la solidité. A B, fig. 17. représente les joints de lit aussi-bien que les lignes qui lui sont paralleles, aa, bb, cc, & les joints de tête. Poser les pierres en liaison, c’est faire ensorte que les joints de tête de différentes assises qui sont contiguës, ne soient pas vis-à-vis les uns des autres. Comme, par exemple, les joints aa, bb, ne doivent point être vis-à-vis les uns des autres. Ceux d’une troisieme assise pouvoient être vis-à-vis des premiers, comme les joints cc vis-à-vis des joints aa : les joints ee vis-à-vis des joints cc laissant toujours une assise entre deux, & c’est une régularité qu’on affecte quelquefois. Lorsque les joints de deux assises contiguës sont vis-à-vis les uns des autres, les pierres sont alors posées en déliaison. On ne peut pas mieux comparer ce qu’on appelle liaison dans la coupe des pierres, qu’à une page d’un livre : les lignes représentent les assises ou joints de lit, & chaque mot une pierre, les séparations des mots les joints de tête. On voit clairement que les intervalles des mots dans différentes lignes ne sont pas vis-à-vis les uns des autres. Ce seroit même un défaut, si ils s’y rencontroient trop fréquemment, cela feroit des rayures blanches du haut en bas des pages, qu’on appelle en terme d’Imprimerie, chemin de saint Jacques. (D)

Liaison, terme de Cuisinier, est une certaine quantité de farine, de jaunes d’œufs, & autres matieres semblables qu’on met dans les sauces pour les épaissir.

Liaison, (Ecriture.) signifie aussi dans l’écriture le produit de l’angle gauche de la plume, une ligne fort délicate, qui enchaîne les caracteres les uns avec les autres.

Il y en a de deux sortes ; les liaisons de lettres, les liaisons de mots : les premieres se trouvent au haut ou au bas des lettres qui ne sont pas intrinséquement un seul corps, mais deux, comme en a, m, n, &c. & les joignent pour n’en faire qu’un extrinséquement : les secondes se trouvent à la fin des finales, & sont une suite de cette finale pour servir de chaîne au mot suivant.

LIAISONNER, (Mâçonnerie.) c’est arranger les pierres, ensorte que les joints des unes portent sur le milieu des autres. C’est aussi remplir de mortier