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consentement de ses parens ; de maniere que ces lettres n’habilitent à succéder qu’aux parens qui ont consenti à leur enregistrement & que la légitimation par lettres du prince, a bien moins d’effet que celle qui a lieu par mariage subséquent.

Les bâtards légitimés par lettres du prince acquierent le droit de porter le nom & les armes de leur pere ; ils sont seulement obligés de mettre dans leurs armes une barre, pour les distinguer des enfans légitimes.

On a quelquefois accordé des lettres à des bâtards, adultérins, mais ces exemples sont rares.

Pour ce qui est de la légitimation, ou plutôt de la dispense, à l’effet de pouvoir être promu aux ordres sacrés & de pouvoir posséder des bénéfices, il faut se pourvoir en la jurisdiction ecclésiastique.

Sur la légitimation, Voyez ce qui est dit dans Henrys, tom. III. liv. VI. chap. V. quest. 27.

LÉGITIME, legitima, seu portio lege debita, (Jurisprud.) est une portion assurée par la loi sur la part héréditaire que l’on auroit eu, sans les dispositions entrevifs ou testamentaires qui ont donné atteinte à cette part.

La loi n’accorde cette portion qu’à l’héritier présomptif, auquel le défunt étoit naturellement obligé de laisser la subsistance, & qui pourroit intenter la querelle d’inofficiosité.

Quelques auteurs, tels que le Brun en son traité des successions, attribuent l’origine de la légitime à la loi glicia ; nous ne savons pas précisément en quel tems cette loi fut faite, comme il sera dit ci-après au mot Loi, à l’article loi glicia. On voit seulement que le jurisconsulte Caïus, qui vivoit sous l’empire de Marc-Aurele, fit un commentaire sur cette loi ; mais il paroît que l’on a confondu la querelle d’inofficiosité avec la légitime ; que la loi glicia n’introduisit que la querelle d’inofficiosité, & que le droit de légitime étoit déja établi.

Papinien dit que la légitime est quarta legitimæ partis, ce qui nous indique l’origine de la légitime. Cujas avoue cependant en plusieurs endroits de ses observations, qu’il n’a pu la découvrir ; mais Janus Acosta, ad princ. institut. de inoff. testam. & d’après lui Antoine Schultingius, in Jurisprud. antejustinianæa, p. 381. prétendent avec assez de fondement que la légitime tire son origine de la loi falcidia, faite sous le triumvirat d’Auguste, laquelle permet à l’héritier de retenir le quart de l’hérédité, quelque disposition que le testateur ait pu faire au contraire.

Et en effet le jurisconsulte Paulus. liv. IV. recept. senten, tit. 5. & Vulpien dans la loi 8. § 9 & 14. ff. de inoff. testam. disent positivement que la quarte falcidie est dûe aux héritiers qui pourroient intenter la plainte d’inofficiosité ; d’où il paroît qu’anciennement la légitime & la falcidie étoient la même chose. Voyez Quarte falcidie.

Mais on cessa de les confondre ensemble depuis que Justinien eut ordonné par ses novelles 18 & 92, que dorénavant la légitime seroit du tiers s’il y avoit quatre enfans ou moins, & de la moitié s’il y avoit cinq enfans ou davantage.

C’est de ces novelles qu’a été tirée l’authentique de triente & de semisse, qui dit que cette portion est un bienfait de la loi & non pas du pere.

La légitime a lieu quand il y a des donations entrevifs ou testamentaires si excessives, que l’héritier est obligé d’en demander la réduction, pour avoir la portion que la loi lui assure.

En pays coutumier, où l’institution n’a pas lieu, & où les testamens ne sont proprement que des codiciles, la querelle d’inofficiosité n’est ordinairement qu’une simple demande en légitime.

Celui qui est donataire ou légataire, & qui ne se

trouve pas rempli de sa légitime, a l’action en supplément.

Le donataire contre lequel le légitimaire demande la réduction de la donation pour avoir sa légitime, a une exception pour retenir sur sa donation, autant qu’il lui seroit dû à lui-même pour sa légitime.

La légitime est un droit qui n’est ouvert qu’à la mort de celui sur les biens duquel elle est dûe ; un enfant ne peut, sous quelque prétexte que ce soit, en demander une à son pere de son vivant, même sous prétexte que le pere auroit marié & doté, ou établi autrement quelques autres enfans.

Pour être légitimaire il faut être héritier, & n’avoir pas renoncé à la succession ; & en effet les lois romaines veulent que la légitime soit laissée non pas quocumque titulo, mais à titre d’institution. En pays coutumier, le légitimaire est saisi de plein droit & peut demander partage, & l’on traite avec lui de même qu’avec un héritier, comme il paroît par l’imputation qui se fait sur la légitime ; imputation qui est un véritable rapport par l’obligation de fournir des corps héréditaires pour la légitime, le jet des lots qui se pratique avec le légitimaire, & la garantie active & passive qui a lieu entre lui & les autres héritiers.

Cependant lorsque tous les biens de la succession ne suffisent pas pour payer les dettes, l’enfant qui veut avoir sa légitime, peut, sans se porter héritier, la demander au dernier donataire.

Le fils aîné prend non-seulement sa légitime naturelle, mais il la prend avec le préciput que la loi accorde aux aînés.

La légitime est quelquefois qualifiée de créance, ce qui s’entend selon le Droit naturel ; car selon le Droit civil, elle ne passe qu’après toutes les dettes, soit chirographaires ou hypothécaires ; elle a néanmoins cet avantage qu’elle se prend sur les immeubles qui ont été donnés, avant que les dettes fussent constatées, & sur les meubles que le défunt a donné de sen vivant, au lieu que les créanciers n’ont aucun droit sur ces biens.

Toute rénonciation à une succession soit échue ou future, lorsqu’elle est faite aliquo dato, exclud les enfans du renonçant de demander aucune part en la succession, même à titre de légitime.

Une rénonciation gratuite exclud pareillement les enfans du renonçant, de pouvoir demander une légitime, à moins que le renonçant ne fût fils unique, parce qu’en ce cas ses enfans viennent de leur chef, & non par représentation.

Une fille qui auroit renoncé par contrat de mariage, pourroit néanmoins revenir pour sa légitime, supposé qu’elle fût mineure lors de sa rénonciation, qu’elle souffrît une lésion énorme, & qu’elle prît des lettres de rescision dans les dix ans de sa majorité.

Un fils majeur qui auroit accepté purement & simplement le legs à lui fait pour lui tenir lieu de légitime, ne seroit pas recevable à revenir pour sa légitime : on le juge pourtant autrement dans les parlemens de Droit écrit.

Nous ne voyons point de coutumes qui privent absolument les enfans de toute légitime ; les plus dures sont celles qui excluent de la succession les filles mariées, quand même elles n’auroient eu qu’un chapeau de roses en mariage, ou mariage avenant, lequel tient lieu de légitime.

Suivant le Droit romain, les enfans naturels n’ont point droit de légitime dans la succession de leur pere, quoiqu’ils soient appellés pour deux onces à sa succession, lorsqu’il ne laisse point de femme ni d’enfans légitimes.

A l’égard de la succession de la mere, le Droit romain y donne une légitime aux bâtards, quand