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leur assemblage ; elle devient prompte par l’exercice, & suffit à l’homme de cabinet. L’autre maniere demande, pour flater l’oreille des auditeurs, beaucoup plus que de savoir lire pour soi-même ; elle exige, pour plaire à ceux qui nous écoutent, une parfaite intelligence des choses qu’on leur lit, un son harmonieux, une prononciation distincte, une heureuse fléxibilité dans les organes de la voix, tant pour le changement des tons que pour les pauses nécessaires.

Mais, quel que soit le talent du lecteur, il ne produit jamais un sentiment de plaisir aussi vif que celui qui nait de la déclamation. Lorsqu’un acteur parle, il vous anime, il vous remplit de ses pensées, il vous transmet ses passions ; il vous présente, non une image, mais une figure, mais l’objet même. Dans l’action tout est vivant, tout se meut ; le son de la voix, la beauté du geste, en un mot tout conspire à donner de la grace ou de la force au discours. La lecture est toute dénuée de ce qui frappe les sens ; elle n’emprunte rien d’eux qui puisse ébranler l’esprit, elle manque d’ame & de vie.

D’un autre côté, on juge plus sainement par la lecture ; ce qu’on écoute passe rapidement, ce qu’on lit se digere à loisir. On peut à son aise revenir sur les mêmes endroits, & discuter, pour ainsi dire, chaque frase.

Nous savons si bien que la déclamation, la récitation, en impose à notre jugement ; que nous remettons à prononcer sur le mérite d’un ouvrage jusqu’à la lecture que nous ferons, comme on dit, l’œil sur le papier. L’expérience que nous avons de nos propres sens, nous enseigne donc que l’œil est un censeur plus severe & un scrutateur bien plus exact que l’oreille. Or l’ouvrage qu’on entend réciter, qu’on entend lire agréablement, séduit plus que l’ouvrage qu’on lit soi-même & de sens froid dans son cabinet. C’est aussi de cette derniere maniere que la lecture est la plus utile ; car pour en recueillir le fruit tout entier, il faut du silence, du repos & de la méditation.

Je n’étalerai point les avantages qui naissent en foule de la lecture. Il suffit de dire qu’elle est indispensable pour orner l’esprit & former le jugement ; sans elle, le plus beau naturel se desséche & se fane.

Cependant la lecture est une peine pour la plûpart des hommes ; les militaires qui l’ont négligée dans leur jeunesse, sont incapables de s’y plaire dans un âge mûr. Les joueurs veulent des coups de cartes & de dés qui occupent leur ame, sans qu’il soit besoin qu’elle contribue à son plaisir par une attention suivie. Les financiers, toujours agités par l’amour de l’intérêt, sont insensibles à la culture de leur esprit. Les ministres, les gens chargés d’affaires, n’ont pas le tems de lire ; ou s’ils lisent quelquefois, ce n’est, pour me servir d’une image de Platon, que comme des esclaves fugitifs qui craignent leurs maîtres. (D. J.)

Lectures ou Discours de Boyle, (Théol.) c’est une suite de discours fondés par Robert Boyle en 1691, dans le dessein, comme lui-même l’annonce, de prouver la vérité de la religion chrétienne contre les Infideles, sans entrer dans aucune des controverses ou disputes qui divisent les Chrétiens. Le but de cet ouvrage est aussi de résoudre les difficultés, & de lever les scrupules qu’on peut opposer à la profession du Christianisme.

LEDA, (Mytholog.) femme de Tyndare, roi de Sparte ; ses trois enfans Castor, Pollux & Hélene furent nommés Tyndarides par les Poëtes. Son histoire fabuleuse, connue de tout le monde, n’a point encore eu d’explications raisonnables ; mais la ruse que Jupiter employa, selon la Fable, pour séduire

cette reine, nous a procuré des chef-d’œuvres en peinture. Il faut couvrir d’or le tableau de la Léda du Corrège pour se le procurer ; il se vendit vingt mille livres il y a dix ans dans la succession de M. Coypel, premier peintre du Roi, quoique la tête de la Léda fût endommagée. M. Coypel n’avoit jamais osé toucher à cette belle tête, & mêler son pinceau à celui du Corrège. (D. J.)

LEDE, le, le léde ou le ledum, (Botan.) est une espece de ciste qui porte le ladanum.

Tournefort l’appelle cistus ladanifera, cretica, flure purpureo, coroll. I. R. II. 19. Bellon le nomme cistus è quâ ladanum in Creta colligitur, observ. lib. I. c. vij. Prosper Alpin le désigne en deux mots, ladanum creticum, plant. exot. 88. cistus laurinis foliis par Weeler, itin. 219. cistus laudanisera, cretica, vera, par Park. theat. 666. The Gumbearing rock-rose en anglois. Voici sa description très-exacte.

C’est un arbrisseau branchu, touffu, couché sur la terre, haut d’un ou de deux piés. Sa racine est ligneuse, blanchâtre en-dedans, noirâtre en-dehors, longue d’environ un pié, fibrée & chevelue. L’écorce est rougeâtre intérieurement, brune extérieurement & gercée. Elle pousse beaucoup de branches grosses comme le doigt, dures, brunes, grisâtres, & couvertes d’une écorce gercée. Ces branches se subdivisent en autres rameaux d’un rouge foncé, dont les petits jets sont velus & d’un verd-pâle. Les feuilles y naissent opposées deux à deux, oblongues, vert-brunes, ondées sur les bords, épaisses, veinées & chagrinées. Elles sont longues d’un pouce, larges de huit ou neuf lignes, terminées en pointes mousses, portées par une queue longue de trois ou quatre lignes sur une ligne de largeur.

Les fleurs qui naissent à l’extrémité des rameaux, ont un pouce & demi de diametre ; elles sont composées de cinq pétales de couleur pourpre, chifonnés, arrondis, quoique étroits à leur naissance, marqués d’un onglet jaune, & bien souvent déchirés sur les bords.

Du centre de ces fleurs sort une touffe d’étamines jaunes, chargées d’un petit sommet, feuillemorte. Elles environnent un pistil long de deux lignes, & terminé par un filet arrondi à son extrémité.

Le calice est à cinq feuilles longues de sept ou huit lignes, ovalaires, veinées, velues sur les bords, pointues, & le plus souvent recourbées en bas.

Quand la fleur est passée, le pistil devient un fruit ou une coque, longue d’environ cinq lignes, presque ovale, dure, obtuse, brune, couverte d’un duvet soyeux & enveloppée des feuilles du calice.

Cette coque est partagée dans sa longueur en cinq loges, qui sont remplies de graines menues, anguleuses, rousses, ayant près d’une ligne de diametre. Toute la plante est un peu styptique, & d’un goût d’herbes. Elle vient en abondance dans les montagnes qui sont auprès de la Canée, autrefois Cydon, capitale de l’île de Crete. Dioscoride l’a fort bien connue, & l’a marquée sous le nom de Ledon.

M. de Tournefort a observé dans le Pont un autre ciste ladanifere, ou plûtôt une variété de celui-ci, avec cette seule différence que sa fleur est plus grande, flore purpureo majore.

La résine qui découle en été des feuilles de ces arbrisseaux se nomme labdanum ou ladanum. Voyez Ladanum.

Le ciste d’Espagne à feuilles de saule, & à fleurs blanches, marquetées au milieu d’une tache pourpre, cistus ladanifera, hispanica, salicis folio, flore albo, maculâ punicante insignito, est encore un ciste ladanifere, qui ne le cede en rien à ceux de Candie. Ses fleurs, aussi grandes que la rose, sont d’une extrème beauté ; la substance douce, résineuse, que nous appellons ladanum, exude dans les chaleurs de