L’Encyclopédie/1re édition/LADANUM

LADE  ►

LADANUM, s. m. (Hist. nat. des drog. exot.) en Grec λαδανον, ληδανον, en arabe laden, suc gluant ou substance résineuse, qui transude des feuilles du ciste ladanifere, que nous appellons lede. Voyez Lede.

On trouve dans les boutiques deux sortes de ladanum ; l’une en grandes masses molles, qui approchent de la consistence d’emplâtre ou d’extrait, gluantes lorsqu’on les manie avec les doigts, d’une odeur agréable & d’un roux noirâtre ; elles sont enveloppées dans des vessies ou dans des peaux ; c’est ce qu’on nomme communément ladanum en masse.

L’autre sorte est en pains entortilles & roulés, secs, durs, fragiles, s’amollissant cependant à la chaleur du feu, de couleur noire, d’une odeur foible, & mêlés d’une quantité prodigieuse d’un petit sable noir ; c’est l’espece la plus commune, on l’appelle ladanum in tortis. Nous les recevons toutes les deux de l’isle de Candie, & des autres isles de l’Archipel. On le recueille aussi dans l’isle de Chypre du côté de Baffa, qui est l’ancienne Paphos.

Les anciens grecs ont connu comme nous cette résine grasse, & la maniere de la recueillir ; du tems de Dioscoride, & même du tems d’Hérodote, on n’amassoit pas seulement le ladanum avec des cordes, on détachoit encore soigneusement celui qui s’étoit pris à la barbe & aux cuisses des chevres, lorsqu’elles avoient brouté le ciste.

Les Grecs modernes ont pour faire cette récolte un instrument particulier, qu’ils nomment ἐργαστιρι, & dont M de Tournefort a donné la figure dans son voyage du Levant. Cet instrument est semblable à un rateau qui n’a point de dents ; ils y attachent plusieurs languettes ou courroies de cuir grossier, qui n’a point été préparé. Ils les passent & repassent sur les cistes, & à force de les rouler sur ces plantes, de les secouer, & de les frotter aux feuilles de cet arbuste, leurs courroies se chargent de la glu odoriférante, attachée sur les feuilles ; c’est une partie du suc nourricier de l’arbrisseau, lequel transude au-travers de la tissure de ses feuilles comme une sueur grasse, dont les gouttes sont luisantes & aussi claires que la térébenthine.

Lorsque les courroies du rateau sont bien chargées de cette graisse, on les ratisse avec un couteau, & l’on met en pain ce que l’on en détache, c’est-là le ladanum. Un homme qui travaille avec application en amasse par jour environ trois livres deux onces, quantité qu’on vendoit un écu de France à Retimo du tems que M. de Tournefort y voyageoit.

Cette récolte n’est rude que parce qu’il faut la faire dans les plus grandes chaleurs, & lorsque le tems est calme ; cela n’empêche pas qu’il n’y ait quantité d’ordures dans le ladanum le plus pur, parce que les vents des mois précédens ont jetté beaucoup de poussiere sur les arbrisseaux : mais pour augmenter le poids de cette drogue, les Grecs la pétrissent avec un sablon noirâtre, ferrugineux & très-fin, qui se trouve sur les lieux, comme si la nature avoit voulu leur apprendre à sophistiquer leur marchandise. Il est difficile de connoître la tromperie lorsque le sablon est bien mêlé avec la résine ; & ce n’est qu’après l’avoir mâché long-tems qu’on sent le ladanum craquer sous la dent ; il y a néanmoins un bon remede, c’est de dissoudre le ladanum, & le filtrer ; car par ce moyen on sépare tout ce qu’on y a ajouté, qui n’est pas peu de chose, puisque sur deux livres de ladanum commun, on en retire ordinairement vingt-quatre onces de sable, & tout au plus quatre onces de vraie résine.

Les femmes grecques portent souvent dans leurs mains des boules faites de ladanum simple ou de ladanum ambré pour les sentir. (D. J.)

Ladanum ou Labdanum, (Mat. méd.) est une gomme résine selon les auteurs de la table des médicamens, mise à la tête de la Pharmacopée de Paris. On doit choisir le ladanum pur, très-aromatique & qui s’amollisse facilement par la chaleur. Le ladanum en masses ou en pain doit être préféré au ladanum commun ou en tortis ; c’est pourtant cette derniere espece qu’on emploie plus fréquemment.

Le ladanum est fort rarement employé dans les remedes magistraux destinés à l’usage intérieur, il a cependant les vertus génériques des baumes ou des résines molles aromatiques. Voyez Baume & Résine.

Quelques auteurs en ont recommandé l’application extérieure contre la foiblesse d’estomac, & dans le mal des dents ; mais on compte peu aujourd’hui sur de pareilles applications. Sont-elles absolument inutiles ? Voyez Topique.

On fait entrer le ladanum dans les fumigations odorantes. Voyez Fumigation.

Il entre aussi dans le baume hystérique, dans l’emplâtre contra rupturam, l’emplâtre stomacal ; & sa résine séparée par le moyen de l’esprit-de-vin dans la thériaque céleste de la Pharmacopée de Paris.

Les produits de sa distillation qui sont les mêmes que ceux de toute autre résine odorante, ne sont point d’usage. Voyez Résine. (b)