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Jugeurs ou Hommes jugeurs, jugeans ou hommes jugeans, étoient ceux qui rendoient la justice à leurs égaux, ou que les prevôts ou baillifs appelloient avec eux pour juger, ensorte qu’ils étoient comme les assesseurs & conseillers du juge qui leur faisoit le rapport de l’affaire, & sur son rapport ils décidoient. Ils sont ainsi nommés dans quelques anciennes ordonnances, dans les lieux où la justice étoit rendue par des pairs ou hommes de fief. On ne les qualifioit pas de jugeurs, mais de pairs ou hommes de fief. Voyez les notes de M. Secousse sur l’ordonnance de S. Louis en 1254. p. 72, & sur les établissemens de S. Louis, liv. I. chap. cv. & liv. II. chap. xv. & sur l’ordonnance de Charles V. alors régent du royaume, du mois de Mars 1356. (A)

JUGULAIRE, adj. (Anatom.) est un nom que les Anatomistes donnent à quelques veines du cou, qui vont aboutir aux souclavieres. Voy. Veine.

Il y en a deux de chaque côté ; l’une externe, qui reçoit le sang de la face & des parties externes de la tête ; & l’autre interne, qui reporte le sang du cerveau. Voyez nos Planches d’Anatomie, & leur explication, vol. I.

Jugulaire se dit aussi de quelques glandes du cou, qui sont situées dans les espaces des muscles de cette partie.

Elles sont au nombre de quatorze & de différentes figures, les unes plus grosses, les autres moins. Elles sont attachées les unes aux autres par des membranes & des vaisseaux, & leur substance est semblable à celle des maxillaires.

Elles séparent la lymphe qui retourne par les vaisseaux à tous les muscles voisins. C’est l’obstruction de ces glandes qui cause les écrouelles. Dionis, Voyez Mal.

JUHONES, (Géog. anc.) peuple imaginaire que l’on a forgé sur un passage altéré de Tacite ; j’entends celui de ses annales, liv. XIII. chap. lvij. où l’on a lû, sed Juhonum civitas socia nobis, au lieu qu’il falloit lire Ubiorum civitas ; c’est de Cologne dont il s’agit ici, située dans le pays des Ubiens, qui étoient alors seuls alliés des Romains en Germanie, chez lesquels se trouvoit un colonie nouvellement fondée. (D. J.)

IVICA, (Géog.) ville capitale d’une île de même nom, dans la mer Méditerranée, entre le royaume de Valence & l’île de Majorque, à 15 lieues de l’une & de l’autre. Les Anglois s’en rendirent maîtres en 1706 ; mais elle est retournée aux Espagnols. Les salines font le principal revenu de l’île, qui est plus longue que large, & par-tout entourée d’écueils. Diodore de Sicile & Pomponius Mela en ont beaucoup parlé. Pline nous dit que les figues y étoient excellentes, qu’on les faisoit bouillir & sécher, & qu’on les envoyoit à Rome ainsi préparées dans des caisses. Le milieu de l’île est à 39 degrés de latitude. La longitude de la capitale est à 19. 20. lat. 38. 42. (D. J.)

JUIF, s. m. (Hist. anc. & mod.) sectateur de la religion judaïque.

Cette religion, dit l’auteur des lettres persannes, est un vieux tronc qui a produit deux branches, le Christianisme & le Mahométisme, qui ont couvert toute la terre ; ou plûtôt, ajoute-t-il, c’est une mere de deux filles qui l’ont accablée de mille plaies. Mais quelques mauvais traitemens qu’elle en ait reçûs, elle ne laisse pas de se glorifier de leur avoir donné la naissance. Elle se sert de l’une & de l’autre pour embrasser le monde, tandis que sa vieillesse vénérable embrasse tous les tems.

Josephe, Basnage & Prideaux ont épuisé l’histoire du peuple qui se tient si constamment dévoué à cette vieille religion, & qui marque si clairement le berceau, l’âge & les progrès de la nôtre.

Pour ne point ennuyer le lecteur de détails qu’il trouve dans tant de livres, concernant le peuple dont il s’agit ici, nous nous bornerons à quelques remarques moins communes sur son nombre, sa dispersion par tout l’univers, & son attachement inviolable à la loi mosaïque au milieu de l’opprobre & des véxations.

Quand l’on pense aux horreurs que les Juifs ont éprouvé depuis J. C. au carnage qui s’en fit sous quelques empereurs romains, & à ceux qui ont été répétés tant de fois dans tous les états chrétiens, on conçoit avec étonnement que ce peuple subsiste encore ; cependant non seulement il subsiste, mais, selon les apparences, il n’est pas moins nombreux aujourd’hui qu’il l’étoit autrefois dans le pays de Chanaan. On n’en doutera point, si après avoir calculé le nombre de Juifs qui sont répandus dans l’occident, on y joint les prodigieux essains de ceux qui pullulent en Orient, à la Chine, entre la plûpart des nations de l’Europe & l’Afrique, dans les Indes orientales & occidentales, & même dans les parties intérieures de l’Amérique.

Leur ferme attachement à la loi de Moïse n’est pas moins remarquable, sur-tout si l’on considere leurs fréquentes apostasies, lorsqu’ils vivoient sous le gouvernement de leurs rois, de leurs juges & à l’aspect de leurs temples. Le Judaïsme est maintenant, de toutes les religions du monde, celle qui est le plus rarement abjurée ; & c’est en partie le fruit des persécutions qu’elle a souffertes. Ses sectateurs, martyrs perpétuels de leur croyance, se sont regardés de plus en plus comme la source de toute sainteté, & ne nous ont envisagés que comme des Juifs rebelles qui ont changé la loi de Dieu, en suppliciant ceux qui la tenoient de sa propre main.

Leur nombre doit être naturellement attribué à leur exemption de porter les armes, à leur ardeur pour le mariage, à leur coutume de le contracter de bonne heure dans leurs familles, à leur loi de divorce, à leur genre de vie sobre & réglée, à leurs abstinences, à leur travail, & à leur exercice.

Leur dispersion ne se comprend pas moins aisément. Si, pendant que Jérusalem subsistoit avec son temple, les Juifs ont été quelquefois chassés de leur patrie par les vicissitudes des Empires, ils l’ont encore été plus souvent par un zèle aveugle de tous les pays où ils se sont habitués depuis les progrès du Christianisme & du Mahométisme. Réduits à courir de terres en terres, de mers en mers, pour gagner leur vie, par-tout déclarés incapables de posséder aucun bien-fonds, & d’avoir aucun emploi, ils se sont vûs obligés de se disperser de lieux en lieux, & de ne pouvoir s’établir fixement dans aucune contrée, faute d’appui, de puissance pour s’y maintenir, & de lumieres dans l’art militaire.

Cette dispersion n’auroit pas manqué de ruiner le culte religieux de toute autre nation ; mais celui des Juifs s’est soutenu par la nature & la force de ses lois. Elles leur prescrivent de vivre ensemble autant qu’il est possible, dans un même corps, ou du moins dans une même enceinte, de ne point s’allier aux étrangers, de se marier entr’eux, de ne manger de la chair que des bêtes dont ils ont répandu le sang, ou préparées à leur maniere. Ces ordonnances, & autres semblables, les lient plus étroitement, les fortifient dans leur croyance, les séparent des autres hommes, & ne leur laissent, pour subsister, de ressources que le commerce, profession long-tems méprisée par la plûpart des peuples de l’Europe.

De-là vient qu’on la leur abandonna dans les siécles barbares ; & comme ils s’y enrichirent nécessairement, on les traita d’infames usuriers. Les rois ne pouvant fouiller dans la bourse de leurs sujets,