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Tous ces termes viennent de laisser. (A)

LAIS, (Géog. sacr.) ou plûtôt LAISCH, puisqu’il faut exprimer le Shin, ville située à l’extrémité de la Terre-sainte du côté du nord, & dans le teritoire assigné à la tribu d’Aser. Les Israëlites la nommerent ensuite Dan. Reland prétend que c’est la même que la Lésem de Josué, ch. xix. v. 47. Les Grecs l’appellerent Panéas, Diospolis, Cesarée de Philippe, & enfin Néroniade. Elle eut un évêque suffragant de Tyr, mais elle est détruite depuis long-tems. (D. J.)

LAISOT, s. m. (Commerce.) c’est dans les manufactures en toile de Bretagne, la plus petite laise que les toiles peuvent avoir selon les réglemens.

LAISSADE, s. f. (Marine.) c’est l’endroit d’une jutere où la largeur des fonds est diminuée en venant sur l’arriere. La laissade est la même chose que la queste de poupe.

LAISSE, s. f. (Chasse.) corde dont on tient un chien pour le conduire, ou deux chiens accouplés.

Laisse, (Chapelier.) cordon dont on fait plusieurs tours sur la forme du chapeau pour la tenir en état. Il y en a de crin, de soie, d’or & d’argent.

Laisse, (Chasse.) Voyez Laissées.

Laisse, (Géog.) riviere de Savoie ; elle sort des montagnes des Deserts, passe au faubourg de Chamberry, & se jette, avec l’Orbane, dans le lac du Bourget. (D. J.)

LAISSES de la mer, (Marine.) ce sont des terres de dessus lesquelles la mer s’est retirée. On dit laisse de basse mer pour marquer le terrein que la mer découvre lorsqu’elle se retire & qu’elle est à la fin de son reflux.

LAISSÉ, s. m. (Rubanier.) ce sont tous les points blancs d’un patron qui désignent les hautes lisses, c’est-à-dire les endroits où il faut passer les trames à côté des bouclettes des hautes lisses, & non dedans. Ainsi on dit, la sixieme haute lisse fait un laissé-le. En un mot, c’est le contraire des pris. Voyez Pris.

LAISSÉE, s. f. (terme de Chasse) ce sont les fientes des loups & des bêtes noires.

LAISSER, v. act. (Gramm. & Art mech.) ce verbe a un grand nombre d’acceptions différentes, dont voici les principales désignées par des exemples : l’accusation calomnieuse de cet homme que aimois, m’a laissé une grande douleur, malgré le mépris que j’en fais à présent. On a laissé cet argent en dépôt. On laisse tout traîner. On laisse un homme dans la nasse & l’on s’en tire. On laisse souvent le droit chemin. Malgré le peu de vraissemblance, ce fait ne laisse pas que d’être vrai. Il faut laisser à ses enfans un bien dont on n’est que le dépositaire, quand on l’a reçu de ses peres. Laissez-moi parler, & vous direz après. Il vaut mieux laisser aux pauvres qu’aux églises. Je me suis laissé dire cette nouvelle. Cette comparaison laisse une idée dégoûtante. Ce vin laisse un mauvais goût. Je me laisse aller, quand je suis las de resister. Je ne laisse au hasard que le moins que je peus. Il y a dans cet auteur plus à prendre qu’à laisser, &c.

Laisser aller son cheval, c’est ne lui rien demander, & le laisser marcher à sa fantaisie, ou bien c’est ne le pas retenir de la bride lorsqu’il marche ou qu’il galope ; il signifie encore, lorsqu’un cheval galope, lui rendre toute la main & le faire aller de toute sa vîtesse. Laisser échapper. Voyez Echapper. Laisser tomber. Voyez Tomber. Laisser souffler son cheval. Voyez Souffler.

LAIT, s. m. (Chimie, Diete & Mat. med.) Il est inutile de définir le lait par ses qualités extérieures : tout le monde connoît le lait.

Sa constitution intérieure ou chimique, sa nature n’est pas bien difficile à dévoiler non plus : cette substance est de l’ordre des corps surcomposés, voyez Mixtion, & même de ceux dont les principes ne sont unis que par une adhérence très-imparfaite.

Une altération spontanée & prompte que cette liqueur subit infailliblement lorsqu’on la laisse à elle-même, c’est-à-dire sans mélange & sans application de chaleur artificielle ; cette altération, dis-je, suffit pour désunir ces principes & pour les mettre en état d’être séparés par des moyens simples & méchaniques. Les opérations les plus communes pratiquées dans les laiteries, prouvent cette vérité. Voy. Lait, économie rustique.

Les principes du lait ainsi manifestés comme d’eux-mêmes, sont une graisse subtile, connue sous le nom de beurre, voyez Beurre ; une substance muqueuse, appellée caséeuse, du latin caseus, fromage, voyez Muqueux & Fromage ; & une liqueur aqueuse, chargée d’une matiere saline & muqueuse. Cette liqueur est connue sous le nom de petit-lait, & sous le nom vulgaire de lait de beurre ; & cette matiere saline-muqueuse, sous celui de sel ou de sucre de lait. Voyez Petit-lait & Sucre de lait, à la suite du présent article.

Cette altération spontanée du lait est évidemment une espece de fermentation. Aussi la partie liquide du lait ainsi altéré, qui a été débarrassée des matieres concrescibles dont elle étoit auparavant chargée, est-elle devenue une vraie liqueur fermentée, c’est-à-dire qu’il s’est engendré ou développé chez elle le produit essentiel & spécifique d’une des fermentations proprement dites, voyez Fermentation. C’est à la fermentation acéteuse que tourne communément le petit lait séparé de soi même, ou lait de beurre ; mais on pense qu’il n’est pas impossible de ménager cette altération de maniere à exciter dans le lait la fermentation vineuse, & à saisir dans la succession des changemens arrivés dans le petit-lait, au moins quelques instans, pendant lesquels on le trouveroit spiritueux & enivrant. On ajoûte que de pareilles observations ont été faites plus d’une fois par hasard dans les pays où, comme en Suisse, le lait de beurre est une boisson commune & habituelle pour les hommes & pour quelques animaux domestiques, tels que les cochons, &c. On prétend donc qu’il n’est pas rare dans ces contrées de voir des hommes & des cochons enivrés par une abondante boisson de lait de beurre. On peut tenter sur ce sujet des expériences très-curieuses & très-intéressantes.

La fermentation commence dans le lait, & même s’y accomplit quant à son principal produit, celui de l’acide, avant que le beurre & fromage se séparent ; car le lait laissé à lui-même s’aigrit avant de tourner, c’est-à-dire avant la desunion des principes dont nous venons de parler : l’un & l’autre changement, savoir l’aigrir & le tourner, sont d’autant plus prompts, que la saison est plus chaude.

On n’a pas déterminé, que je sache, par des expériences, si une partie de l’acide du lait aigri étoit volatile.

Les principes immédiats du lait se desunissent aussi par l’ébullition. Dès qu’on fait bouillir du lait, il se forme à sa surface une pellicule qui ne differe presque point de celle qui nage sur le lait qui a subi la décomposition spontanée : cette matiere s’appelle crême ; elle n’est autre chose que du beurre mêlé de quelques parties de fromage, & empreint ou imbibé de petit-lait. On peut épuiser le lait de sa partie butireuse, par le moyen de l’ébullition. Dans cette opération, le fromage reste dissous dans le petit-lait qui n’aigrit point (ce qui est conforme à une propriété constante de la fermentation vineuse & de l’acéteuse, savoir d’être empêchées, prévenues, suspendues par un mouvement étranger), & qui acquiert même la propriété d’aigrir beaucoup plus tard, lorsqu’on l’abandonne ensuite à sa propre pente. Le lait qu’on a fait bouillir seulement pendant un quart-d’heure, se conserve sans aigrir ni tourner pendant beau-