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les coups qu’on tiroit sur eux, portoient tous sur le bois de l’étendart. Le boucher tombé du ciel dans l’ancienne Rome, l’oriflâme apporté à Saint Denis par un ange, toutes ces imitations du palladium de Troie, ne servent qu’à donner à la vérité, l’air de la fable. De savans antiquaires ont suffisamment résuté ces erreurs, que la philosophie désavoue, & que la critique détruit. (D. J.)

LABDACISME, s. m. (Gram.) mot grec, qui désigne une espece de grasseyement dans la prononciation ; ce défaut n’étoit point desagréable dans la bouche d’Alcibiade & de Démosthène, qui avoient trouvé moyen de suppléer par l’art, à ce qui leur manquoit à cet égard, du côté de la nature. Les dames romaines y mettoient une grace, une mignardise, qu’elles affectoient même d’avoir en partage, & qu’Ovide approuvoit beaucoup ; il leur conseilloit ce défaut de prononciation, comme un agrément sortable au beau sexe ; il leur disoit souvent, in vitio decor est quadam malè reddere verba. (D. J.)

LABEATES, s. m. pl. (Géog. anc.) Labeatæ ; ancien peuple d’Illyrie, qui ne subsistoit déja plus du tems de Pline. Il habitoit les environs de Scodra, aujourd’hui Scutari ; ainsi Labeatis palus, est le lac de Scutari. (D. J.)

LABEDE ou LABADE selon Danville, & LABBÉ-DÉ selon Dapper, (Géog.) canton maritime de Guinée sur la côte d’Or, entre le royaume d’Acara & le petit Ningo ; ce canton n’a qu’une seule place qui en tire le nom. (D. J.)

LABER, (Géog.) riviere d’Allemagne en Baviere, qui se perd dans le Danube, entre Augsbourg & Straubing. (D. J.)

LABES, (Géog.) petite ville d’Allemagne dans la Poméranie, sur la riviere de Rega.

Il y a aussi une ville de ce nom en Afrique, dans le Bugio, dépendante d’Alger.

LABETZAN, (Géog.) contrée de Perse dans le Kilan, le long de la mer Caspienne ; elle est renommée par l’excellence de sa soie. (D. J.)

LABEUR, s. m. (Gram.) travail corporel, long, pénible & suivi. Il commence à vieillir ; cependant on l’emploie encore quelquefois avec énergie, & dans des occasions où ses synonymes n’auroient pas eu le même effet. On dit que des terres sont en labeur. Les puristes appauvrissent la langue ; les hommes de génie réparent ses pertes ; mais il faut avouer que ces derniers qui ne s’affranchissent des lois de l’usage que quand ils y sont forcés, lui rendent beaucoup moins par leur licence, que les premiers ne lui ôtent par leur fausse délicatesse. Il y a encore deux grandes causes de l’appauvrissement de la langue, l’une c’est l’exagération qui appliquant sans cesse les épithetes & même les substantifs les plus forts à des choses frivoles, les dégradent & réduisent à rien ; l’autre, c’est le libertinage, qui pour se masquer & se faire un idiome honnête, s’empare des mots & associe à leur acception commune, des idées particulieres qu’il n’est plus possible d’en séparer, & qui empêchent qu’on ne s’en serve ; ils sont devenus obscenes. D’où l’on voit qu’à mesure que la langue du vice s’étend, celle de la vertu se resserre : si cela continue, bien-tôt l’honnêteté sera presque muette parmi nous. Il y a encore un autre abus de la langue, mais qui lui est moins nuisible ; c’est l’art de donner des dénominations honnêtes à des actions honteuses. Les fripons n’ont pas le courage de se servir même entr’eux des termes communs qui désignent leurs actions. Ils en ont ou imaginé ou emprunté d’autres, à l’aide desquels ils peuvent faire tout ce qu’il leur plaît, & en parler sans rougir : ainsi un filou dit d’un chapeau, d’une montre qu’il a volée ; j’ai gagné un chapeau, une montre ;

& un autre homme dit, j’ai fait une bonne affaire ; je sçais me retourner, &c.

LABEUR, (Imprimerie.) terme en usage parmi les Compagnons-Imprimeurs ; ils appellent ainsi un manuscrit ou une copie imprimée formant une suite d’ouvrage considérable, & capable de les entretenir long-tems dans une même imprimerie.

LABEZ, (Géog.) contrée montagneuse du royaume d’Alger, qui confine à l’est de Couco. Il n’y vient presque que du glayeul, espece de jonc dont on fait les nattes, qu’on appelle en arabe labez, d’où le pays tire son nom. (D. J.)

LABIAL, le, adj. (Anat.) qui appartient aux levres. L’artere labiale.

Labiale, adj. fém. (Gram.) ce mot vient du latin labia, les levres ; labial, qui appartient aux levres.

Il y a trois classes générales d’articulations, comme il y a dans l’organe trois parties mobiles, dont le mouvement procure l’explosion au son ; savoir, les labiales, les linguales & les gutturales. Voyez h, & Lettres.

Les articulations labiales sont celles qui sont produites par les divers mouvemens des levres ; & les consonnes labiales sont les lettres qui représentent ces articulations. Nous avons cinq lettres labiales, v, f, b, p, m, que la facilité de l’épellation doit faire nommer ve, fe, be, pe, me.

Les deux premieres v & f exigent que la levre inférieure s’approche des dents supérieures, & s’y appuie comme pour retenir le son : quand elle s’en éloigne ensuite, le son en reçoit un degré d’explosion plus ou moins fort, selon que la levre inférieure appuyoit plus ou moins fort contre les dents supérieures ; & c’est ce qui fait la différence des deux articulations v & f, dont l’une est foible, & l’autre forte.

Les trois dernieres b, p, & m, exigent que les deux levres se rapprochent l’une de l’autre : s’il ne se fait point d’autre mouvement, lorsqu’elles se séparent, le son part avec une explosion plus ou moins forte, selon le degré de force que les levres réunies ont opposé à son émission ; & c’est en cela que consiste la différence des deux articulations b & p, dont l’une est foible, & l’autre forte : mais si pendant la réunion des levres on fait passer par le nez une partie de l’air qui est la matiere du son, l’explosion devient alors m ; & c’est pour cela que cette cinquieme labiale est justement regardée comme nasale. M. l’abbé de Dangeau, opus. pag. 55, observant la prononciation d’un homme fort enrhumé, remarqua qu’il étoit si enchifrené, qu’il ne pouvoit faire passer par le nez la matiere du son, & qu’en conséquence par-tout où il croyoit prononcer des m, il ne prononçoit en effet que des b, & disoit banger du bouton, pour manger du mouton ; ce qui prouve bien, pour employer les termes mêmes de cet habile académicien, que l’m est un b passé par le nez.

L’affinité de ces cinq lettres labiales fait que dans la composition & dans la dérivation des mots, elles se prennent les unes pour les autres avec d’autant plus de facilité, que le dégré d’affinité est plus considérable. Ce principe est important dans l’art étymologique, & l’usage en est très-fréquent, soit dans une même langue, soit dans les diverses dialectes de la même langue, soit enfin dans le passage d’une langue à une autre. C’est ainsi que du grec βιῶ & βιοτή, les Latins ont fait vivo & vita ; que du latin scribo, ou plûtôt du latin du moyen âge, scribanus, nous avons fait écrivain ; que le b de scribo se change en p, au prétérit scripsi, & au supin scriptum, à cause des consonnes fortes s & i qui suivent ; que le grec βραϐεῖον changé d’abord en bravium, comme on le