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Justice sommaire, est celle qui ne s’étend qu’à des affaires légeres, & dont l’instruction se fait brièvement & en forme sommaire. Elle revient à celle des juges pedanées du droit, dont la justice étoit sommaire, c’est-à-dire s’exerçoit seulement per annotationem, suivant ce que dit la novelle 82, chap. v. pour plus de briéveté & de célérité, à la différence de la justice ordinaire qui se rendoit plus solemnellement, & per plenam cognitionem ; la jurisdiction des défenseurs des cités étoit aussi une justice sommaire.

En France la justice des bas-justiciers est sommaire dans son objet & dans sa forme.

L’article 153. de l’ordonnance de Blois, veut que tous juges soient tenus d’expédier sommairement & sur le champ les causes personnelles non excédentes la valeur de trois écus un tiers, sans appointer les parties à écrire ni à informer.

Les jurisdictions des maîtrises particulieres, connétablies, élections, greniers à sel, traites foraines, conservations des priviléges des foires, les consuls, les justices & maisons-de-ville, & autres jurisdictions inférieures, sont toutes justices sommaires : 24 heures après l’échéance de l’assignation, les parties peuvent être ouies en l’audience, & jugées sur le champ, sans qu’elles soient obligées de se servir du ministere des procureurs. Voyez l’ordonnance de 1667, tit. 14. article 14. & 15.

Dans tous les tribunaux les matieres sommaires, c’est-à-dire légeres, se jugent aussi plus sommairement que les autres. Voyez Matieres sommaires. Voyez aussi l’édit portant établissement des consuls, de l’an 1563, & l’édit de 1577. pour les bourgeois policiers, & autres édits concernans les villes. (A)

Justice souveraine, est celle qui est rendue par le souverain même, ou en son nom, par ceux qui sont à cet effet dépositaires de son autorité souveraine, tels que les parlemens, conseils supérieurs, & autres cours souveraines. Voyez Cours, Juges en dernier ressort, Parlement. (A)

Justice subalterne, se prend quelquefois en général pour toute justice qui est subordonnée à une autre ; mais dans le sens le plus ordinaire, on entend par-là une justice seigneuriale. (A)

Justice supérieure, signifie en général toute justice préposée sur une autre justice qui lui est subordonnée, à l’effet de réformer ses jugemens lorsqu’il y a lieu. Ainsi les bailliages & sénéchaussées sont des justices supérieures par rapport aux prévôtés ; mais par le terme de justices supérieures, on entend ordinairement les jurisdictions souveraines, tels que les cours & conseils supérieurs. (A)

Justice temporelle, ou du temporel, est une justice seigneuriale appartenante à quelque prélat ou autre ecclésiastique, chapitre, ou communauté, & attachée à quelque fief dépendant de leurs bénéfices.

Ces sortes de justices temporelles sont exercées par des officiers séculiers, & ne connoissent point des matieres ecclésiastiques, mais seulement des affaires de la même nature que celles dont connoissent les justices seigneuriales appartenantes à des seigneurs laïcs.

On ne suit pas en France le chapitre quod clericis extra de foro competenti, qui veut que dans ces jurisdictions temporelles on juge les causes suivant le droit canon, à l’exclusion des coutumes des lieux ; on y suit au contraire les ordonnances de nos rois & les coutumes des lieux.

L’appel des sentences de ces sortes de jurisdictions se releve pardevant les juges royaux, de même qu’il s’observe pour les autres justices seigneuriales, à quoi est conforme le chap. si duobus §. ult. extra de appellationibus ; quoique le contraire soit pratiqué

dans la plûpart des autres états chrétiens, suivant le chap. Romana §. debet autem de appellat. in sexto, qui n’est point observé en France, comme il est noté en la glose de ce chapitre, & que l’auteur du speculum l’a remarqué, tit. de appellat. §. nunc tractemus, nonobstant que ce dernier texte ait été fait pour la France, étant adressé à l’archevêque de Reims. Voyez Loyseau, tr. des seigneuries, ch. xv. n. 33. & suiv. (A)

Justice vicomtiere, dans quelques coutumes, comme en Artois & en Picardie, est la moyenne justice qui appartient de droit à tout seigneur dès qu’il a un homme de fief, c’est-à-dire qu’il a un fief dans sa mouvance.

Elle a été ainsi appellée, parce que les vicomtes dans leur premiere institution n’avoient que la moyenne justice.

Il appartient à la justice vicomtiere de connoître de toutes actions pures, personnelles, civiles ; le vicomtier peut aussi donner poids & mesures, tuteurs & curateurs, faire inventaire ; il a la police & la voirie. Voyez l’annotateur de la coutume d’Artois, sur l’article 5. & art. 16. les anciennes coutumes de Beauquesne, art. 1. 2. 3. & 4. Montreuil, art. 18. 19. 21. 29. 40. 41. Amiens, 114. S. Riquier, art. 5. Saint Omer, art. 10.

En Normandie, les vicomtes sont les juges des roturiers. Voyez Vicomtes. (A)

Justice de ville, est la même chose que justice municipale. Voyez ci-devant Juge municipal & Justice municipale. (A)

Justice volontaire, voyez ci-devant Jurisdiction volontaire.

Justice (chambre de,) Finances. Vous trouverez au mot Chambre de justice, les dates des diverses érections de ces sortes de tribunaux établis en France depuis 1581 jusqu’en 1717, pour la recherche des traitans qui ont malversé dans leurs emplois. C’est assez de remarquer ici, d’après un citoyen éclairé sur cette matiere, l’auteur des considérat. sur les finances, 1758, 2 vol. in-4°. que les chambres de justice n’ont jamais procuré de grands avantages à l’état, & qu’on les a toûjours vû se terminer par de très-petits profits pour le roi.

Lorsqu’en 1665, on mit fin aux poursuites de la chambre de justice, en accordant une abolition aux coupables, il ne leur en coûta que le payement de quelques taxes. Néanmoins on découvrit pour 384 millions 782 mille 512 livres de fausses ordonnances du comptant ; mais la faveur, les requêtes, les importunités étayées par de l’argent, effacerent le délit, & l’effaceront toûjours.

D’ailleurs l’établissement des chambres de justice peut devenir dangereux lorsqu’il n’est pas utile, & les circonstances en ont presque toûjours énervé l’utilité : le luxe que produit cette énorme inégalité des fortunes rapides, la cupidité que ce luxe vicieux allume dans les cœurs, présentent à la fois des motifs pour créer des chambres de justice, & des causes qui en font perdre tout le fruit. Les partisans abusent du malheur public, au point qu’ils se trouvent à la fin créanciers de l’état pour des sommes immenses, sur des titres tantôt surpris, tantôt chimériques, ou en vertu de traités dont la lésion est manifeste ; mais la corruption des hommes est telle, que jamais ces sortes de gens n’ont plus d’amis & de protecteurs que dans les tems de nécessités, & pour lors il n’est pas possible aux ministres de fermer l’oreille à toutes les especes de sollicitations.

Cependant il importeroit beaucoup d’abolir une fois efficacement les profits excessifs de ceux qui manient les finances ; parce qu’outre que de si grands profits, dit l’édit du roi de 1716, sont les dépouilles des provinces, la substance des peuples, & le pa-