Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/932

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en Bourgogne sur l’Ignon, près de la Tille.

ISSUS, (Géog. anc.) ancienne ville d’Asie dans la Cilicie, remarquable par la victoire qu’Alexandre y remporta contre Darius. Cette bataille où toute l’armée des Perses montant à 500 mille hommes, fut mise en déroute, est une belle preuve de l’ascendant que le courage a sur le nombre. La mere, la femme, la sœur, les filles & le fils de Darius demeurerent au pouvoir du vainqueur, & Darius lui-même n’échappa que par la vitesse de son cheval. C’est encore de la ville d’Issus que le golfe sur lequel elle est située, tiroit sa dénomination, Le nom moderne d’Issus est Ajazzo, ou la Jasso ; mais il ne reste ni bourg ni ville. (D. J.)

ISTAMBOL, (Hist. mod.) nom que les Turcs donnent à la ville de Constantinople. C’est une corruption du grec εἰς τὴν πολιν. Cependant le Sultan date ses ordonnances de Constantanie. Voyez Cantemir, Hist. Otthomane.

ISTERBOURG, (Géog.) ville & château de la Prusse Brandebourgeoise, sur la riviere de Pregel.

ISTHME, s. m. (Géog.) langue de terre entre deux mers ou deux golfes, laquelle joint une presqu’île au continent, de la même maniere que le cou joint la tête au tronc du corps. Les plus considérables entre les isthmes sont :

L’isthme de Corinthe, qui joint la Morée au reste de la Grece ; il est situé entre le golfe de Lépante & le golfe d’Engia.

L’isthme d’Erizzo qui joint le mont Athos au reste de la Macédoine.

L’isthme de Malacca, qui joint la presqu’île de ce nom au royaume de Siam, entre le détroit de Malacca & le golfe de Siam.

L’isthme de Panama, qui joint l’Amérique septentrionale à l’Amérique méridionale, ou en d’autres termes, le Mexique au Pérou ; il est situé entre la mer du nord & la mer du sud. Wafer (Lionnel) en a donné la description en Anglois, Lond. 1704. in-8°.

L’isthme de Romanie, qui joint la presqu’île de Romanie au reste de cette province ; il est situé entre le golfe de Mégarisse & la mer de Marmora.

L’isthme de Suez, qui joint l’Afrique à l’Asie, entre la Méditéranée & la mer Rouge.

L’isthme de Zacala, qui joint la Tartarie Crimée, ou Chersonese Taurique, avec la Tartarie précopite ; il est placé entre la mer Noire & le Palus méotide.

Mais il faut remarquer ici que dans tous les auteurs grecs, quand ils disent simplement l’isthme, sans rien ajouter, ils entendent l’isthme de Corinthe, situé, comme on l’a dit, dans le passage qui joint la Grece méridionale à la septentrionale, ou ce qui revient au même, le Péloponese au reste de la Grece : il a de largeur 36 stades selon Hérodote, 5 mille pas selon Méla, c’est-à-dire une grande lieue d’Allemagne, ou environ deux lieues de France. On a tenté plusieurs fois mais inutilement de le percer, & de joindre les deux mers par un canal. Quatre empereurs romains ont formé ce projet, & pour l’exécuter se sont engagés dans de grandes dépenses ; mais avec toute leur puissance ils ne purent en venir à bout, ce qui donna lieu au proverbe grec, entreprendre de percer l’isthme, pour dire tenter l’impossible. Neptune avoit dans cet isthme un temple célebre, à côté duquel étoit un bois de pins qui lui avoit été consacré, & c’est près de là qu’on célébroit les jeux isthmiques. Voyez Isthmiques jeux. (D. J.)

Isthme, (Anatomie.) Les Anatomistes donnent ce nom à plusieurs parties du corps humain, surtout à cette partie étroite de la gorge qui est située

entre les deux glandes thyroïdiennes. Voyez Gorge & Thyroïdiennes.

ISTHMIENS Jeux, (Litt. greq.) Les jeux isthmiens, ou si l’on aime mieux, les jeux isthmiques, étoient un des quatre jeux sacrés de la Grece, si fameux dans l’antiquité.

Ces jeux se nommerent isthmiens, parce qu’on les donnoit dans l’isthme de Corinthe ; car lorsque les Grecs disent simplement l’isthme, ils entendent l’isthme de Corinthe, du nom de cette ville située dans le passage qui joignoit le Péloponnèse au reste de la Grece, ou pour parler avec les géographes modernes, qui sépare les golfes de Lépante & d’Engia, & joint la Morée à la Livadie. Neptune avoit dans cette isthme un superbe temple, à côté duquel se trouvoit un bois de pins qui lui étoit consacré ; & c’est près de ce bois qu’on célébroit les jeux isthmiques.

Ils furent d’abord institués par Sisiphe roi de Corinthe, en l’honneur de Mélicerte, environ 1350 ans avant J. C. & voici quelle en fut l’occasion.

Ino femme d’Athamas, roi d’Orchomène en Béotie, pour eviter la juste vengeance de son mari qu’elle n’avoit que trop méritée, se précipita dans la mer avec son fils Mélicerte. Neptune, dit la fable, à la priere de Vénus dont Ino étoit petite fille, les reçut l’un & l’autre au nombre des divinités de son empire ; il nomma la mere Leucothoé, & le fils Palémon ; cependant le corps de Mélicerte ayant été porté par un dauphin, ou pour parler plus simplement, ayant été jetté par les flots sur le rivage de l’isthme, Sisyphe le trouva & l’ensevelit.

Quelques années après le pays fut affligé d’une cruelle peste, sur laquelle l’oracle ayant été consulté, fit réponse que ce mal ne cesseroit que par la célébration de jeux funebres en l’honneur de Mélicerte. Comme les Corinthiens s’acquittoient de ce devoir avec assez de négligence, la contagion recommença. Sisyphe recourut une seconde fois à l’oracle qui lui prescrivit d’établir des jeux perpétuels en l’honneur de Mélicerte. Alors il institua les jeux isthmiques qu’on donna d’abord pendant la nuit, & qui ressembloient moins à des spectacles qu’à des mysteres nocturnes. On fut même obligé de les interrompre, à cause des vols & des meurtres qui se commettoient dans le tems de leur célébration, sur les grands chemins de l’isthme.

Thesée, onzieme roi d’Athenes, fut le restaurateur de ces jeux, & purgea le pays des infames brigands qui l’infestoient ; mais leur chef nommé Sinnis existoit encore ; ce scélérat non content de piller les passans, les crucifioit de la maniere la plus barbare ; il les attachoit aux branches de deux pins qu’il courboit avec violence, & qu’il abandonnoit ensuite à leur ressort naturel. Thesée le poursuivit, le prit, & le fit périr par le même supplice.

Au retour de cette expédition il rétablit les jeux isthmiques avec tant d’éclat qu’on peut en quelque sorte le regarder comme le premier instituteur de ces jeux. Il voulut qu’on les célébrât pendant le jour, & les consacra solemnellement à Neptune dont il se vantoit d’être fils, comme au Dieu qui présidoit particulierement sur l’isthme.

Suivant Pline & Solin les jeux isthmiques se renouvelloient tous les cinq ans, c’est-à-dire au bout de quatre années révolues, & au commencement de la cinquieme année ; mais Pindare qui sur cette matiere est plus croyable que Pline & Solin, marque expressément qu’on les donnoit tous les trois ans. Nous ignorons dans quel tems de l’année, & nous conjecturons seulement que c’étoit en automne, sur ce qu’Hésychius & Suidas disent qu’on les