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port que de 7 à 6, le sort de A & B vaut mieux que celui de C ; si ce rapport est plus grand, le sort de C est le meilleur ; & lorsque A a gagné B une fois, les chances des joueurs sont comme les nombres ou 4, 2, 1. Celle de A la plus avantageuse, & celle de B la moindre.

M. Bernoulli a généralisé la solution de ce problème, en l’étendant à un nombre de joueurs quelconque.

A & B deux joueurs d’égale force jouent avec un nombre donné de balles ; après quelque tems il en manque une à A pour avoir gagné, & trois à B ; on trouve que la chance de A vaut de la mise totale, & celle de B

Deux joueurs A & B d’égale force, jouent, à condition qu’autant de fois que A l’emportera sur B, B lui donnera une piece d’argent, & qu’autant de fois que B l’emportera sur A, A lui en donnera tout autant ; de plus qu’ils joueront jusqu’à ce que l’un des joueurs ait gagné tout l’argent de l’autre. Ils ont maintenant chacun quatre pieces ; deux spectateurs font une gageure sur le nombre de tours qu’ils ont encore à faire, avant que l’un des deux soit épuisé d’argent, & le jeu fini. R gage que le jeu finira en dix tours, & l’on demande la chance de S qui gage le contraire. On trouve la chance de S à celle de R comme 560 à 464.

Si chaque joueur avoit cinq pieces, & que la force de A fût double de celle de B, le rapport de la chance de celui qui parie que le jeu finira en dix tours, à celle de son adversaire, sera comme 3800 à 6561.

Si chaque joueur a quatre pieces, & qu’on demande quelle doit être la force des joueurs, pour qu’on puisse parier avec égal avantage ou desavantage, que le jeu finira en quatre coups, on trouve que la force de l’un doit être à la force de l’autre, comme 5.274 à 1.

Si chaque joueur avoit quatre pieces, & qu’on demandât le rapport de leurs forces, pour que le pari que le jeu finira en six coups, fût égal pour & contre, on le trouvera comme celui de 2.576 à 1.

Deux joueurs A & B d’égale force, sont convenus de ne pas quitter le jeu, qu’il n’y ait dix coups de joués. Un spectateur R gage contre un autre S, que quand la partie ne finira pas, ou avant qu’elle finisse, le joueur A aura trois coups d’avantage sur le joueur B, on demande le rapport des chances des gageurs R & S ; & on le trouve comme les nombres 352 à 672.

On voit par la solution compliquée de ces problèmes, que l’esprit du jeu n’est pas si méprisable qu’on croiroit bien ; il consiste à faire sur-le-champ des évaluations approchées d’avantages & de desavantages très-difficiles à discerner ; les joueurs exécutent en un clin d’œil, & les cartes à la main, ce que le mathématicien le plus subtil a bien de la peine à découvrir dans son cabinet. J’entens dire que, quelque affinité qu’il y ait entre les fonctions du géometre & celles du joueur, il est également rare de voir de bons géometres grands joueurs, & de grands joueurs bons géometres. Si cela est, cela ne viendroit-il pas de ce que les uns sont accoutumés à des solutions rigoureuses, & ne peuvent se contenter d’à-peu-près, & qu’au contraire les autres habitués à s’en tenir à des à-peu-près, ne peuvent s’assujettir à la précision géométrique.

Quoi qu’il en soit, la passion du jeu est une des plus funestes dont on puisse être possédé. L’homme est si violemment agité par le jeu, qu’il ne peut plus supporter aucune autre occupation. Après avoir perdu sa fortune, il est condamné à s’ennuyer le reste de sa vie.

Jouer, (Jurisp.) se jouer de son fief, signifie vendre une partie de son fief sans démission de foi. Voyez Fief, Démembrement, & Jeu de fief.

Se jouer de ses qualités, c’est en changer selon l’occurrence. Un mineur peut se jouer de ses qua-

lités, c’est-à-dire, que quoiqu’il se soit d’abord porté héritier, il peut ensuite se porter douairier ou donataire. (A)

Jouer, (Marine.) on dit d’un vaisseau qu’il joue sur son ancre, quand il est agité par les vents, & en même tems arrêté par son ancre. Le gouvernail joue lorsqu’il est en mouvement.

Jouer avec son mord, (Maréch.) se dit d’un cheval qui mâche & secoue son mors dans sa bouche. Jouer de la queue, se dit du cheval qui remue souvent la queue comme un chien, sur-tout lorsqu’on lui approche les jambes. Les chevaux qui aiment à ruer & à se défendre sont sujets à ce mouvement de queue qui désigne souvent leur mauvaise volonté.

Jouet d’une ancre, (Marine.) Voyez Jas.

Jouets, (Marine.) ce sont des plaques de fer de diverse longueur, dont on se sert pour empêcher que la cheville de fer qui les traverse n’entre dans le bois où elles sont posées.

Jouets de sep de drisse, plaques de fer clouées aux côtés du sep de drisse pour empêcher que l’essieu des poulies n’entaille le sep.

JOUG, s. m. (Hist. anc.) les Romains appelloient jugum un certain assemblage de trois piques ou javelines, dont deux étoient plantées en terre debout, surmontées d’une troisieme attachée en-travers au haut des deux autres ; elles formoient une espece de baie de porte, plus basse que la hauteur d’un homme ordinaire, afin d’obliger les vaincus qu’on y faisoit passer presque nuds l’un après l’autre, de se baisser ; ce qui marquoit l’entiere soumission, & cela s’appelloit mittere sub jugum.

Tous les autres peuples voisins de Rome avoient le même usage. C’étoit le comble du deshonneur dont se servoit le vainqueur, pour faire sentir le poids de sa victoire à ceux qui avoient succombé : les Romains ont rarement éprouvé cette honte, & l’ont assez souvent fait éprouver à leurs ennemis.

Cependant ils l’éprouverent dans la guerre contre les Samnites, lorsque le consul Spurius Posthumius pour sauver les troupes de la république enfermées par sa faute aux défilés des fourches Caudines, qu’on nomme aujourd’hui streta d’Arpaia, consentit de subir lui-même cette infamie avec toute son armée. Il est vrai que de retour à Rome, il opina dans le sénat, qu’on le renvoyât piés & poings liés, pour mettre à couvert la foi publique du traité honteux qu’il avoit conclu ; son avis fut suivi, mais les Samnites ne voulurent point recevoir le malheureux consul.

Denys d’Halicarnasse rapporte liv. III. que les pontifes à qui Tullus Hostilius avoit renvoyé le jugement d’Horace, accusé du meurtre de sa sœur, commencerent à purifier la ville par des sacrifices, & après plusieurs expiations ils firent passer Horace sous le joug : c’est une coutume, dit-il, parmi les Romains, d’en user ainsi envers les ennemis vaincus, après quoi on les renvoie chez eux. (D. J.)

JOUÏ, s. m. (Hist. nat.) liqueur que font les Japonnois, qui est nourrissante & fortifiante ; elle se conserve pendant plusieurs années sans se gâter ; elle est liquide comme du bouillon ; sa couleur est noire, l’odeur & le goût qui est un peu salin en sont agréables. Il se fait avec de la viande de bœuf à moitié rôtie : on n’en sait pas davantage sur les autres ingrédiens qui entrent dans sa composition, parce que les Japonnois en font mystere, & vendent ce jus très-cher aux Chinois & aux autres orientaux qui en font grand cas, & le regardent comme un grand restaurant.

JOUILLIERES, s. f. pl. (Hydr.) Voyez Bajoyers.

JOVINIANISTES, s. m. pl. (Théol.) hérétiques