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gées sur une même & seule ligne sans aucune distance.

2°. Qu’on fasse marcher en-avant la moitié, mais de maniere qu’alternativement une troupe s’avance, & que celle qui la touche immédiatement, par exemple à gauche, demeure à la même place ; & que celle qui touche la gauche de celle-ci, s’avance aussi, & ainsi de suite.

Il résultera de ce mouvement deux lignes de troupes, dont les intervalles de la premiere se trouveront opposés aux troupes de la seconde, & ces intervalles seront égaux aux fronts des troupes.

Ces intervalles ont pour objet de laisser passer la premiere ligne, si elle se trouve obligée de ployer derriere la seconde sans déranger l’ordre de cette seconde ligne, qui se trouve en état d’arrêter l’ennemi, pendant que la premiere ligne se rallie ou se réforme à couvert de la seconde. Mais cette considération ou cet objet ne paroît pas exiger que les troupes ayent des intervalles égaux à leur front. Une troupe qui se retire en desordre n’occupe pas le même front, que lorsqu’elle est rangée en ordre de bataille ; ainsi elle peut s’écouler par des intervalles moindres que son front. Il suit de-là que les intervalles peuvent être plus petits que le front des troupes ; ils le doivent même, si l’on veut considérer qu’un tout étant d’autant plus solide que toutes ses parties se tiennent ensemble, & qu’elles s’aident mutuellement, l’armée aura aussi plus de force, lorsque les troupes qui la composent se trouveront moins éloignées ou moins séparées les unes des autres. Cette observation a déja été faite par de très-habiles généraux. Feu M. le maréchal de Puysegur ne prescrit dans son traité de l’Art de la guerre, que dix toises pour l’intervalle des bataillons, & six toises pour celui des escadrons. Il prétend que ces intervalles sont plus que suffisans, & même qu’il seroit à propos de faire combattre les troupes à lignes pleines, c’est à-dire sans intervalles. Voyez Armée.

A Leuze en 1691, & à Fredelingue en 1702, la cavalerie françoise ou la maison du Roi, battit les ennemis qui étoient rangés en lignes pleines : à Ramilly les lignes pleines des ennemis battirent les lignes tant pleines que vuides de la cavalerie françoise ; « mais ces exemples ne prouvent rien, dit l’illustre maréchal de Puysegur ; car outre l’ordre de bataille, il y a d’autres parties qui dans l’action doivent concourir en même tems pour donner la victoire, & qui ont manqué à ceux qui avoient l’avantage de la ligne pleine lorsqu’ils ont été battus par des troupes rangées avec des intervalles ».

L’intervalle des lignes de troupes en bataille doit être d’environ 150 toises ; mais dans le combat la seconde ligne doit s’approcher davantage de la premiere, pour être plus à portée de la soutenir.

A l’égard de l’intervalle ou de la distance qui est entre les deux lignes du camp, il faut la regler sur la profondeur des camps des bataillons & des escadrons. Cette profondeur peut être évaluée environ à 120 toises ; il faut aussi un espace libre en-avant du terrain de la seconde ligne, pour qu’elle puisse s’y porter en bataille. On peut estimer cet espace de 30 toises ou environ : ainsi l’intervalle du front de bandiere de la premiere ligne à celui de la seconde, sera donc d’environ 150 toises, ou trois cens pas ; le pas étant compté à la guerre pour une longueur de trois piés.

Intervalle, en Musique, est la distance qu’il y a d’un son à un autre, du grave à l’aigu : c’est tout l’espace que l’un des deux auroit à parcourir pour arriver à l’unisson de l’autre. A prendre ce mot en son sens le plus étendu, il est évident qu’il y a une infinité d’intervalles : mais comme en Musique, on borne le nombre des sons à ceux qui composent un

certain système, on borne aussi par-là le nombre des intervalles à ceux que ces sons peuvent former entre eux. De sorte qu’en combinant deux à deux tous les sons d’un système quelconque, on aura précisément tous les intervalles possibles dans ce même système : sur quoi il restera à réduire sous la même espece tous ceux qui se trouveront égaux.

Les anciens divisoient les intervalles de leur musique en intervalles simples ou diastèmes, & en intervalles composés, qu’ils appelloient systèmes. V. ces mots.

Les intervalles, dit Aristoxene, different entre eux en cinq manieres ; 1°. en étendue : un grand intervalle differe ainsi d’un plus petit ; 2°. en résonance ou en accord ; & c’est ainsi qu’un intervalle consonnant differe d’un dissonnant ; 3°. en quantité, comme un intervalle simple d’un intervalle composé ; 4°. en genre. C’est ainsi que les intervalles diatoniques, chromatiques, & enharmoniques, different entre eux ; 5°. & enfin, en nature de rapport, comme l’intervalle dont la raison peut s’exprimer en nombres, differe d’un intervalle irrationnel. Je parlerai en peu de mots de toutes ces différences.

1°. Le plus petit de tous les intervalles de Musique, selon Gaudence & Bacchius, est le dièse enharmonique. Le plus grand, à le prendre de l’extrémité aiguë du mode hypermixolydien, jusqu’à l’extrémité grave de l’hypodorien, seroit de trois octaves & un ton ; mais comme il y a une quinte & même une sixte à retrancher, selon un passage d’Adraste, cité par Meibomius, reste la quarte par-dessus le disdiapason, c’est-à-dire la dix-huitieme, pour le plus grand intervalle du diagramme des Grecs.

2°. Les Grecs divisoient aussi-bien que nous, tous les intervalles en consonnans & dissonans : mais leur division n’étoit pas la même que la nôtre. Voyez Consonance. Ils subdivisoient encore les intervalles consonans en deux especes, sans y compter l’unisson qu’ils appelloient homophonie, ou parité de sons, & dont l’intervalle est nul. La premiere espece étoit l’antiphonie ou opposition de sons qui se faisoit à l’octave ou à la double octave, & qui n’étoit proprement qu’une replique du même son, mais pourtant avec opposition du grave à l’aigu. La seconde espece étoit la paraphonie ou surabondance de son, sous laquelle on comprenoit toute consonance autre que l’octave, tous les intervalles, dit Théon de Smyrne, qui ne sont ni unissonnans ni dissonans.

3°. Quand les Grecs parlent de leurs diastèmes ou intervalles simples, il ne faut pas prendre ce terme absolument à la rigueur ; car le diese même n’étoit pas selon eux exempt de composition ; mais il faut toujours le rapporter au genre auquel l’intervalle s’applique : par exemple, le semiton est une intervalle simple dans le genre chromatique & dans le diatonique, & composé dans l’enharmonique ; le ton est composé dans le chromatique, & simple dans le diatonique ; & le diton même, ou la tierce majeure qui est composée dans le diatonique, est incomposée dans l’enharmonique. Ainsi ce qui est système dans un genre, peut être diastème dans l’autre, & réciproquement.

4°. Sur les genres, divisez successivement le même tétracorde, selon le genre enharmonique, selon le diatonique & selon l’enharmonique, vous aurez trois accords différens, qui, au lieu de trois intervalles, vous en donneront neuf, outre les compositions & combinaisons qu’on en peut faire, & les différences de tous ces intervalles, qui vous en donneront une multitude d’autres ; si vous comparez, par exemple, le premier intervalle de chaque tétracorde dans l’enharmonique & dans le chromatique mol d’Aristoxène, vous aurez d’un côté un quart ou trois douziemes de ton, & de l’autre un tiers ou quatre douziemes ; or il est évident que les deux cordes aiguës